L'URSS avait soutenu la création de l’État d'Israël pour des raisons géostratégiques. Elle cultivait aussi l'espoir d'un État pouvant s'aligner sur le bloc soviétique. En 1953, la réalité est tout autre. De plus, le pouvoir stalinien finissant (Staline, agé de 74 ans est seul au pouvoir depuis 1928. Il meurt le 5 mars 1953) est résolument paranoïaque et antisémite.
Côté israélien, on déplore que les Juifs des pays de l'Est, à l'exception de la Roumanie, ne soient pas autorisés à émigrer en Israël, posant un problème aux familles dispersées par la guerre.
En 1950 Ben Gourion en fait la demande publique à Moscou, tandis que Moshé Sharett demande à Vychinsky : autorisez-en 50 000 ; autorisez-en 100 000 ! Pour Vichynsky, la demande est contraire aux lois soviétiques. Il précisera lors d'un autre entretien qu'à sa connaissance, aucun juif soviétique ne souhaite sortir d'URSS.
Erchov, ambassadeur russe en Israël propose à son gouvernement
de reprendre dans la presse soviétique et dans celle des démocraties populaires, la publication de matériaux démasquant la politique intérieure antipopulaire et la politique extérieure pro-américaine du gouvernement israélien.
En novembre 1952 ont lieu les procès de Prague, où Staline exige que soient effectuées de purges dans l'appareil communiste tchécoslovaque. 11 des 14 inculpés sont juifs dans ce procès où l’antisémitisme est latent. Parallèlement, pour l'ambassadeur d'URSS en Israël, les procès confirment que le sionisme, ses représentants et ses membres sont des agents directs de l'impérialisme américain.
En décembre 1952, Staline déclare devant le comité central du parti que tout juif est un ennemi potentiel à la solde des États-Unis.1
Enfin le 13 janvier 1953 est publié dans la Pravda l'article sur les blouses blanches, sur
l'odieux complot de médecins saboteurs, docteurs de la clinique du Kremlin, qui agissent pour le compte de l'organisation nationaliste juive bourgeoise américaine le Joint.
Andreï Vychinskï (1883 – 1954). Ce procureur organise les procès de Moscou voulus par Staline. Pour lui, l'émigration de Juifs russes vers Israël est contraire aux lois soviétiques |
Sur 9 médecins mis en cause, 6 sont juifs, accusés de préparer des assassinats médicaux pour déstabiliser ou abattre le régime.
Moshé Sharret répond le 19 janvier :
Dans la conscience du peuple juif, les calomnies de Moscou sont équivalentes à celles lancées au Moyen Âge contre les Juifs, accusés d'empoisonner l'eau et d'assassiner les enfants chrétiens pour des raisons religieuses2.
La réponse est évidemment qualifiée de nouvelle campagne anti-soviétique. La rupture intervient à la suite d'un attentat perpétré le 9 février 1953 contre la légation soviétique. Alors que le gouvernement israélien présente ses excuses et promet de tout mettre en œuvre pour découvrir les auteurs de l'attentat, l'ambassadeur écrit que
cet acte de terreur et de sabotage est le résultat de la campagne anti-soviétique qui a été récemment conduite par le gouvernement israélien et propose la rupture des relations diplomatiques.
Celle-ci est effective le 12 février. Les procès de Moscou sont stoppés nets par la mort du dictateur début mars.3
12 octobre -. Une israélienne et ses deux enfants âgés de 12 mois et 3 ans sont tués dans un attentat à la grenade à Yejoud dans la banlieue de Tel-Aviv par des Palestiniens infiltrés de Jordanie. Cette dernière autorise Israël à opérer sur son territoire pour retrouver les auteurs mais c'est un échec. Selon Ariel Sharon, c'est à Qibya que doivent se trouver les auteurs.
Les ennuis pour les Juifs d'URSS ne s'arrêteront pas avec la mort de Staline. Ici une manifestation pour demander la libération de Refusniks en 1975. |
1 Le dernier crime de Staline. Retour sur le complot des blouses blanches. Brent et Naumov,Calman-Levy, 2006
2 Mahmoud Abbas, devant le Parlement européen tient encore ce genre d'accusations 63 ans plus tard, le 23 juin 2016, applaudi par un Parlement debout. (France 24 et le reportage d'Arte sur l'antisémitisme en Europe)
3Staline, Israël et les Juifs, laurent Rucker, puf, 2001