Le tombeau et les terres environnantes (une parcelle d'environ 18 dunams) ont été achetés en 1874 par le comité de la communauté sépharade et de l'assemblée ashkénaze d'Israël.
Lors du recensement ottoman de 1905, le cheikh Jarrah nahiya (sous-district) comprenait les quartiers musulmans de Sheikh Jarrah, Hayy el-Husayni, Wadi el-Joz et Bab ez-Zahira, et les quartiers juifs de Shim'on Hatsadik et Nahalat Shim'on.
Sa population comptait 167 familles musulmanes (environ 1250 personnes), 97 familles juives et 6 familles chrétiennes. Il contenait la plus grande concentration de musulmans en dehors de la vieille ville. La majeure partie de la population musulmane est née à Jérusalem, avec 185 résidents seuls membres de la famille al-Husayni. Un plus petit nombre était originaire d'autres parties de la Palestine, à savoir Hébron, Jabal Naplouse et Ramla, et d'autres parties de l'Empire ottoman, notamment Damas, Beyrouth, la Libye et l'Anatolie.
La population juive comprenait des ashkénazes, des séfarades et des maghrébins tandis que les chrétiens étaient pour la plupart protestants. En 1918, le quartier Sheikh Jarrah du Sheikh Jarrah nahiya contenait environ 30 maisons.
En 1947, peu après que l'Assemblée générale des Nations unies ait recommandé la partition du pays en un État juif et un État arabe, les quartiers de Shimon haTsadiq et de Nahalat Shimon, proches du tombeau, sur la route du mont Scopus, ont été revendiqués par les Israéliens, bien que l'Assemblée générale des Nations unies ne les ait pas inclus dans le plan de partage en tant que zone juive.
Mais la guerre de 1948 laisse ce territoire du côté Jordanien, qui en expulse tous les Juifs. La Jordanie annexe alors Jérusalem, ses environs et toute la Judée-Samarie, nom officiel jusque là, qui y gagne son nom de Cisjordanie. En 1956, 28 familles arabes s'installent dans le quartier. Selon l'ONG "Coalition civile des droits des Palestiniens", Ils se seraient installés sur un terrain donné par la Jordanie dans des habitations financées par l'UNRWA, l'organisme onusien en charge des réfugiés palestiniens. D'après eux, 'un contrat a été conclu à l'époque entre le ministère Jordanien de l'Habitat et les familles palestiniennes. Ledit contrat prévoyait, essentiellement, le paiement par les habitants d'un montant symbolique, à titre de loyer, dans l'attente qu'elles deviennent propriétaires, trois ans après la fin des travaux de construction. Lla Guerre de juin 1967 et la victoire israélienne, aurait empêché le transfert de propriété du terrain et son inscription au nom des familles. La Jordanie finit par ratifier opportunément l'accord de transfert de propriété le 29 avril 2021, soit 65 ans après l'installation des réfugiés arabes, alors que la Jordanie n'est plus propriétaire du territoire depuis 1967 et qu'elle a abandonné officiellement toute prétention sur Jérusalem (hors esplanade) et la Cisjordanie depuis 1948 !
Donc , 19 après la guerre d'indépendance ou la Nakba selon celui qui l'énonce, la situation s'inverse, avec la guerre des six jours. Les Israéliens sont victorieux annexent à leur tour Jérusale. Ils en font la Capitale de leur État.
Les familles de Juifs expulsées demandent alors à récupérer leurs biens. La suite est encore plus compliquée.
En 1972, un marathon juridique commence opposant des juifs propriétaires à des arabes aussi propriétaires, qui produisent à leur tour des titres de propriétés datant de l'empire ottoman, dont le cadastre se trouve à Istanbul. Le tout agrémenté d'un flou sur les propriétés concernées dans le district. La loi israélienne dispose que si des Juifs peuvent prouver que leur famille vivait à Jérusalem-Est avant la guerre israélo-arabe de 1948-1949, ils peuvent demander à ce que leur soit rendu leur droit de propriété.
En 1982, des associations d'israéliens déposent une plainte pour expulser 24 familles du quartier
En 1991, un accord est trouvé. Les familles arabes restent dans les lieux moyennant un loyer versé aux associations qui avaient porté plainte.
Mais les occupants arabes se ravisent et ne payent plus les loyers ouvrant droit à des procédures d'expulsion initiées à leur encontre.
La bataille prend un autre tour en 2001 lorsque des Juifs entrent de force dans des maisons afin de les occuper.
La cour de Justice est amenée à statuer et se prononce une première fois en 2008 en faveur de l'antériorité des habitants juifs dans les maisons en litige. Puis en 2021 elle se prononce en faveur de l'expulsion des habitants arabes.
En tout ce sont 12 arrêtés d'expulsion qui ont été pris. Ce qui relativise la portée politique de ce micro-drame que certains veulent qualifier de crime de guerre.
Les partisans des expulsions de familles palestiniennes de leurs maisons à Jérusalem-Est fondent leur argumentation sur deux lois israéliennes : celle sur la propriété des absents de 1950 et celle portant sur les questions juridiques et administratives de 1970. La loi de 1950 interdit aux Palestiniens de récupérer leurs propriétés perdues lors de la guerre de 1948, tandis que la loi de 1970 permet aux Juifs israéliens de revendiquer à nouveau les propriétés perdues au cours de la même guerre.
Pour l'Autorité palestinienne, la loi israélienne permet donc d'habiller juridiquement une épuration ethnique.
Tandis que les associations juives, parfois messianiques comme Ateret Cohanim, considèrent que les Juifs ne font que retourner sur leurs terres ancestrales après que les derniers en aient été chassés en 1948 lorsque la Jordanie à annexé Jérusalem-Est.
"68 familles palestiniennes ont été expulsées de la maison où elles vivaient, 60 dans le quartier Sheikh Jarrah de Jérusalem Est, et huit autres dans le quartier musulman. Quelque 55 évacuations ont eu lieu ces deux dernières années, et 300 familles supplémentaires du Bassin Saint vivent sous la menace constante d’une expulsion ou de la démolition de leur maison."
Selon l’ONG Ir Amim (la ville des peuples) un groupe de défense des droits de l'homme israélien , quelque 600 dossiers d’expulsion – dont les maisons de 75 familles palestiniennes à Sheikh Jarrah – sont actuellement examinés par le ministère de la Justice.
Les Palestiniens de Jérusalem-Est et leurs alliés affirment que la loi est discriminatoire à leur égard, car elle permet effectivement aux Juifs de réclamer des biens à Jérusalem-Est, alors que les Palestiniens n’ont pas la possibilité de faire des réclamations dans la partie occidentale de la ville, à majorité juive.
Les expulsions, lorsqu’elles ont lieu, sont souvent le résultat de batailles judiciaires qui s’étendent sur des années, voire des décennies. Les litiges s’appuient sur une loi de 1950 qui permet au gouvernement israélien de récupérer les biens des Palestiniens considérés comme légalement absents, ainsi que sur une loi de 1970 qui offre aux Juifs une voie légale pour récupérer les biens appartenant à des Juifs à Jérusalem-Est avant 1948.
Les aspirants résidents juifs et leurs alliés, tels que le groupe de droite dure Ateret Cohanim, affirment qu’ils étendent la présence juive dans la capitale d’Israël par des moyens légaux. (article Times of Israël)
Le 10 mai 2021 alors que les tensions sont très vives, la cour suprême doit statuer sur les expulsions de quatre familles palestiniennes.
Ce jour est aussi celui de la fête israélienne de Yom Yerushalayim, le jour de Jérusalem, datant la 54e année de la réunification de la ville suite à la guerre des six jours. Traditionnellement les mouvements nationalistes juifs défilent ce jour là.
Le Hamas s'en mêle en menaçant Israël d'envoyer des roquettes sur le centre du pays si Israël ne se retire pas dans les 48 heures les forces de l'ordre d'Al Aqsa, de Sheikh Jarrah et s'il ne libère pas tous les détenus palestiniens. Enfin des affrontements ont eu lieu entre Juifs et Arabes. Ceux-ci s'envoyant des pierres et des chaises les uns contre les autres. La police doit intervenir, arrêtant une quinzaine de personnes.
D'après le journal libanais l'Orient Le jour,
Un grand tournant aura lieu dans le sillage de l’exode de 1948 : les habitants palestiniens de trente-neuf villages situés dans la zone ouest de Jérusalem sont expulsés vers l’est de la ville, bien qu’à l’époque les termes « ouest » et « est » n’étaient pas de mise. Plus généralement, dans la partie orientale de la ville, alors sous le contrôle de la Jordanie, des familles palestiniennes expulsées des villes et villages situés aujourd’hui dans ce qui est devenu Israël, se sont installées à Cheikh Jarrah. Ainsi, en 1956, 28 familles de réfugiés palestiniens expulsées de leurs foyers dans les villes côtières de Jaffa et Haïfa en 1948 ont pu trouver refuge dans le secteur de Karm al-Jaouni à Cheikh Jarrah, grâce à un accord entre le royaume hachémite et l’agence des Nations unies pour les réfugiés (UNRWA). Selon celui-ci, ces familles pouvaient obtenir des titres fonciers à leur nom après trois années passées sur les lieux, en contrepartie de quoi elles devaient renoncer au statut de réfugié. (voir l'article >>)
Le site ThinkIsraël présente une autre version :
Les habitants ont fui ou ont été contraints par les forces arabes et britanniques d'évacuer les trois quartiers juifs au début de la guerre. Les attaques arabes au couteau et au fusil ont été assistées, dans le cas de Nahalat Shimon, par les troupes britanniques qui ont forcé les Juifs à rendre leurs armes après que les Juifs aient repoussé une attaque arabe.Toutes les familles juives, sauf une, fuient Shimon haTsadiq dans la nuit du 29 décembre 1947.
La famille restante s'est enfuie le 7 ou le 8 janvier 1948 ... Shimon haTsadiq devient le premier quartier du pays dont la population a été chassée et n'est pas revenue après la guerre. Les Juifs avaient également fui le sud de Tel-Aviv en décembre 1947, mais sont revenus après la guerre, tandis que Shimon haTsadiq est resté sous contrôle arabe, tout comme Nahalat Shimon et les maisons Siebenbergen. Ainsi, précisément dans les environs de la Tombe, les Arabes et les Britanniques ont dépossédé les Juifs de leurs maisons à la fin de 1947 et au début de 1948. (voir l'article >>)
Selon l'ONG Ir Amim, cela fait longtemps que le quartier est un point de tensions entre Juifs et Arabes. Pour l'ONG, ce sont environ 200 familles de la partie orientale de la ville qui sont actuellement menacées d’expulsion, leurs dossiers n’avançant que lentement au travers des instances administratives et des tribunaux israéliens. Environ 70 de ces familles résident à Sheikh Jarrah.
L'historien Vincent Lemire résume ainsi l'enjeu conflictuel :
Le fond de l'affaire, c'est qu'il y avait quelques propriétaires dans le quartier arabe de Cheikh Jarrah et que, en droit israélien, il y a un droit immobilier rétroactif pour les propriétés juives d'avant 1948. Ce qui est évidemment parfaitement insupportable pour la partie palestinienne, puisque les 700 000 expulsés de 1948 sont privés de ce droit immobilier rétroactif, ils n'ont pas le droit de retrouver leur propriété.
L'audience prévue le 11 par la cour sur le fond de l'affaire de l'expulsion des résidents de Sheikh Jarrah a quant à elle été annulée" à la lumière du contexte actuel, et à la demande du procureur général. ...Une nouvelle date sera annoncée d'ici les 30 prochains jours."