La CESAO, créée en août 1973, est la commission des Nations unies pour l’Asie Occidentale (le Proche-Orient). En Anglais son acronyme est ESCWA. Cette commission est composée de 18 pays. Certains sont dû Proche-Orient, d’autres en sont franchement éloignés (Tunisie, Maroc, Mauritanie). Tous sont des pays arabes. Israël, pourtant au cœur de l’Asie occidentale n’en est pas membre, alors même qu’elle est un membre de l’ONU. La Palestine, observateur de l’ONU mais non membre est intégrée à la CESAO. De fait, Israël, quoique absente constitue un sujet de choix pour la commission1.
Le 15 mars 2017, la CESAO publie un rapport intitulé « Les pratiques d’Israël envers les Palestiniens et la question de l’apartheid ». Ses deux rapporteurs en sont Richard Falk, très engagé dans la cause palestinienne et opposé à Israël et une diplomate jordanienne, Rima Khalaf. Le texte est particulièrement sévère pour Israël qualifé « d’État racial ».
Depuis 1967, les Palestiniens en tant que peuple ont vécu ce que le rapport appelle quatre "Domaines", dans lesquels les fragments de la population palestinienne sont ostensiblement traités différemment mais partagent en commun l’oppression raciale qui résulte de la régime d’apartheid.
Rima Khalaf, diplomate jordanienne auteur d’un rapport sur la « politique d’apartheid » d’Israël siégeant au CESAO démissionne suite au désaveu du secrétaire général de l’ONU. |
Ces domaines sont:
1. Le droit civil, avec des restrictions spéciales, régissant les Palestiniens qui vivent en tant que citoyens d’Israël;
2. La loi sur la résidence permanente des Palestiniens vivant dans la ville de Jérusalem;
3. La loi militaire régissant les Palestiniens, y compris ceux qui se trouvent dans des camps de réfugiés, vivant depuis 1967 dans des conditions d’occupation belligérante en Cisjordanie et Bande de Gaza;
4. La politique visant à empêcher le retour des Palestiniens, qu’ils soient réfugiés ou exilés, vivant sur un territoire extérieur sous le contrôle d’Israël. 2
Le sort des populations arabes israéliennes et celles de territoires occupés, ainsi que cas particulier de Jérusalem-Est annexé sont ainsi assimilés, alors même que la loi applicable n’est pas la même, entretenant la confusion. Ainsi les citoyens arabes d’Israël ont tous les droits des autres citoyens (sans obligation de faire l’armée durant deux ou trois ans) alors que ce n’est pas le cas pour la Cisjordanie ou Jérusalem-Est. Néanmoins pour les premiers, le rapport considère qu’ils sont soumis à l’oppression du fait qu’ils ne sont pas juifs.
Le rapport pointe néanmoins des inégalités ou discriminations régulièrement dénoncées par les organismes de défense des droits de l’homme :
Le domaine 2 couvre les quelques 300 000 Palestiniens qui vivent à Jérusalem-Est, victimes de discrimination dans l’accès à l’éducation, aux soins de santé, l’emploi, la résidence et les droits de construction.
Ils subissent aussi les expulsions et les démolitions de maisons, qui servent la politique israélienne d’«équilibre démographique» en faveur des résidents juifs.
Les Palestiniens de Jérusalem-Est sont classés résidents permanents, ce qui les place dans une catégorie distincte destinée à diminuer leur poids démographique et, surtout, électoral ajouté à celle des citoyens palestiniens en Israël.
En tant que résidents permanents, ils n’ont aucun statut pour contester la loi israélienne.
De plus, s’identifier ouvertement [à Jérusalem ]avec les Palestiniens dans le territoire palestinien occupé comporte un risque d’expulsion vers le Cisjordanie et la perte du droit même de visiter Jérusalem.
Ainsi, l’épicentre urbain de la vie politique palestinienne est pris dans une bulle juridique qui restreint la capacité des habitants à s’opposer légalement au régime de l’apartheid.
Le domaine 3 est le système de droit militaire imposé à environ 4,6 millions Palestiniens qui vivent dans le territoire palestinien occupé, dont 2,7 millions la Cisjordanie et 1,9 million dans la bande de Gaza3. Le territoire est administré dans un manière qui répond pleinement à la définition de l’apartheid sous l’Apartheid Convention: à l’exception de la disposition sur le génocide, tous les "actes inhumains" énumérées dans la Convention est pratiquée systématiquement et systématiquement par Israël en Cisjordanie. Les Palestiniens sont régis par le droit militaire, tandis que 350 000 colons juifs sont régis par la loi civile israélienne. Le caractère racial de cette cette situation est confirmé par le fait que tous les colons juifs de Cisjordanie sont protégés par la loi civile israélienne sur la base d’être juif, qu’ils soient Citoyens israéliens ou non. Ce double système juridique, problématique en soi, est révélateur .
Le texte appelle aussi les pays membres des Nations unies à soutenir la campagne internationale Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS4), qui prône le boycottage de l’État d’Israël.
Alors que tout rapport émanant des commissions et organes périphériques sont d’abord soumis au secrétariat général de l’ONU, celui-ci est publié sans son aval. Antonio Gutteries désavoue le texte et le fait retirer du site de l’ESCWA.
Rima Khalaf démissionne suite au désaveu du secrétaire général de l’ONU et écrit au secrétaire général :
Je ne suis pas insensible aux attaques vicieuses et aux menaces qui pèsent sur les Nations unies et sur vous personnellement de la part d’importants États Membres en réponse à la publication du rapport (...). Je ne trouve pas surprenant que de tels États Membres, qui ont maintenant des gouvernements qui se préoccupent peu des normes et valeurs internationales concernant les droits humains, aient recours à l’intimidation quand ils trouvent difficile de défendre leurs politiques et pratiques illicites.
Il est normal que des criminels mettent la pression et attaquent ceux qui défendent la cause de leurs victimes. Je ne peux pas me soumettre à une telle pression.
Les membres de la CESAO, qui se préoccupent des normes et valeurs internationales concernant les droits humains sont l’Arabie Saoudite, le Bahreïn, l’Égypte, Les EAU , l’Irak, la Jordanie, le Koweït, le Liban, Oman, la Palestine, le Qatar, la Syrie, le Yémen et le Soudan…
1 La CESAO est l’une des cinq commissions du Conseil économique et social des Nations-unies. Le Conseil est organisé par zones géographiques et Israël est rattaché à la zone Europe. La Tunisie, l’Egypte, le Maroc, la Libye et la Mauritanie sont présents à la fois dans la zone Afrique (CEA) et l’Asie occidentale (CESAO),
2Extraits du rapport
3 Si Gaza subit un blocus ou embargo, elle n’est plus occupée depuis 2006.