Le 13 mai 1958, une manifestation a lieu à Alger et entraîne la constitution d’un Comité de salut public présidé par le général Massu, qui réclame le maintien de l’Algérie française. Pierre Pflimlin, alors Président du Conseil est impuissant face à la situation. Le 27 mai, le général de Gaulle déclare alors avoir entamé le processus régulier pour constituer un Gouvernement. Le président de la République, René Coty, annonce le 29 mai qu’il a fait appel « au plus illustre des Français ». De Gaulle se présente le 1er juin dans l’hémicycle bondé, habillé en civil et fait la déclaration d’investiture la plus courte de toute l’histoire de la IVème République.
La dégradation de l'État qui va se précipitant. L'unité française immédiatement menacée. L'Algérie plongée dans la tempête des épreuves et des émotions. La Corse subissant une fiévreuse contagion. Dans la métropole des mouvements en sens opposé renforçant d'heure en heure leur passion et leur action. L'armée, longuement éprouvée par des tâches sanglantes et méritoires, mais scandalisée par la carence des pouvoirs. Notre position internationale battue en brèche jusqu'au sein même de nos alliances. Telle est la situation du pays. En ce temps même où tant de chances, à tant d'égards, s'offrent à la France, elle se trouve menacée de dislocation et peut-être de guerre civile.
C'est dans ces conditions que je me suis proposé pour tenter de conduire une fois de plus au salut le pays, l'État, la République, et que, désigné par le chef de l'État, je me trouve amené à demander à l'Assemblée nationale de m'investir pour un lourd devoir.
De ce devoir, il faut les moyens.
Le Gouvernement, si vous voulez l'investir, vous proposera de les lui attribuer aussitôt. Il vous demandera les pleins pouvoirs afin d'être en mesure d'agir dans les conditions d'efficacité, de rapidité, de responsabilité que les circonstances exigent. Il vous les demandera pour une durée de six mois, espérant qu'au terme de celte période l'ordre rétabli dans l'État, l'espoir retrouvé en Algérie, l'union refaite dans la nation, permettront aux pouvoirs publics de reprendre le cours normal de leur fonctionnement.
Mais ce ne serait rien que de remédier provisoirement, tant bien que mal, à un état de choses désastreux si nous ne nous décidions pas à en finir avec la cause profonde de nos épreuves.
Cette cause - l'Assemblée le sait et la nation en est convaincue - c'est la confusion et, par là même, l'impuissance des pouvoirs. Le Gouvernement que je vais former moyennant votre confiance vous saisira sans délai d'un projet de réforme de l'article 90 de la Constitution, de telle sorte que l'Assemblée nationale donne mandat au Gouvernement d'élaborer, puis de proposer au pays par la voie du référendum, les changements indispensables. Aux termes de l'exposé des motifs qui vous sera soumis en même temps que le texte, le Gouvernement précisera les trois principes qui doivent être en France la base du régime républicain et auxquels il prend l'engagement de conformer son projet. Le suffrage universel est la source de tout pouvoir. Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés de façon que le Gouvernement et le Parlement assument, chacun pour sa part et sous sa responsabilité, la plénitude de ses attributions. Le Gouvernement doit être responsable vis-à-vis du Parlement.
L'occasion solennelle d'organiser les rapports de la République française avec les peuples qui lui sont associés sera offerte au pays par la même réforme constitutionnelle. Cette organisation nouvelle, le Gouvernement prendra l'engagement de la promouvoir dans le projet qu'il proposera aux suffrages des Françaises et des Français.
À partir de ce double mandat, à lui conféré par l'Assemblée nationale, le Gouvernement pourra entreprendre la tâche immense qui lui sera ainsi fixée. Quant à moi, pour l'assumer, il me faut assurément et d'abord votre confiance. Il faut ensuite que sans aucun délai - car les événements ne nous en accordent pas - le Parlement vote les projets de loi qui lui seront soumis. Ce vote acquis, les assemblées se mettront en congé jusqu'à la date prévue pour l'ouverture de leur prochaine session ordinaire. Ainsi le Gouvernement de la République, investi par la représentation nationale et pourvu d'extrême urgence des moyens de l'action, pourra répondre de l'unité, de l'intégrité, de l'indépendance de la France. (Applaudissements au centre, à droite, sur plusieurs bancs à l'extrême droite et sur divers bancs à gauche.)
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