Décret du 17 septembre 1791
L'Assemblée Nationale, considérant que les conditions nécessaires pour être citoyen français et pour devenir citoyen actif, sont fixées par la Constitution, et que tout homme, réunissant lesdites conditions, prête le serment civique et s'engage à remplir tous les devoirs que la Constitution impose, a droit à tous les avantages qu'elle assure :
révoque tous les ajournements, réserves et exceptions insérés dans les précédents Décrets relativement aux individus Juifs qui prêteront le serment civique, qui sera regardé comme une renonciation à tous privilèges et exceptions introduits précédemment en leur faveur.
Sanctionné le 13 novembre
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Lettre des Juifs établis en France à monsieur le président de l'assemblée nationale
Nous sommes instruits qu'une adresse des Juifs de Bordeaux vient d'être présentée à l'Assemblée nationale. Cette adresse nous est même parvenue ; & elle nous a déterminés à précipiter le mémoire que nous avons l'honneur de vous adresser, afin que notre sort puisse être décidé en même temps que celui de nos frères de Bordeaux.
Ceux-ci, monsieur le président, ont eu jusqu'à présent, à la vérité, quelques privilèges dont nous n'avons pas joui. Mais nous ne croyons pas qu'il soit dans l'intention de l'Assemblée nationale, que des hommes, dont la religion & les principes sont les mêmes, aient en France une existence différente, parce qu'ils n'habitent pas la même province.... lire la suite de l'article
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Pétition des Juifs établis en France adressée à l'assemblée nationale,
le 18 janvier 1790, sur l'ajournement du 14 décembre 1790.
Une grande question est pendante au tribunal suprême de la France. Les Juifs seront-ils, ou ne seront-ils pas citoyens ?
Déjà cette question a été agitée dans l'assemblée nationale ; & des orateurs, dont les intentions étoient également patriotiques, ne se sont point accordés dans le résultat de leur discussion.
Les uns vouloient que les Juifs fussent admis à l'état civil.
D'autres soutenoient cette admission dangereuse.
Une troisième opinion consistoit à préparer, par des réformes graduées, l'amélioration entière du sort des Juifs.
Au milieu de tous ces débats, l'assemblée nationale a cru devoir ajourner la question ; & le décret du 24 Décembre dernier, relatif à cet ajournement, est peut-être un des actes qui honorent le plus la prudence et la sagesse de cette assemblée.
Cet ajournement a été fondé sur la nécessité d'éclaire davantage une question aussi importante, de prendre des renseignements plus positifs sur ce que font, & ce que peuvent être les Juifs ; de connoître plus exactement ce qui est en leur faveur & ce qui leur est contraire ; de préparer enfin les esprits, par une discussion approfondie, au décret, quel qu'il soit, qui prononcera définitivement sur leur destinée.
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L'émancipation : le modèle français
Musée d'Art et d'histoire du Judaïsme
« À la veille de la Révolution, il y a en France environ quarante mille juifs, qui se répartissent en deux ensembles : les Allemands (ashkenazim) (28 000) localisés en Alsace et en Lorraine, et les Portugais (sefaradim) de Bordeaux et de Saint-Esprit (5 000), auxquels s’ajoutent ceux du Comtat Venaissin (2 500). À Paris se côtoient près de cinq cents juifs de diverses origines. Officiellement interdits de séjour dans le royaume par l’édit d’expulsion de 1394, confirmé en 1615, les juifs n’ont pas de situation légale et sont donc soumis à une législation particulière.
La réimplantation juive en pays messin s’effectue à partir du XVIe siècle, avec l’installation des troupes françaises dans les Trois-Évêchés : Metz, Toul et Verdun. À l’aube de la Révolution, près de mille deux cents familles habitent la région, qui devient un centre religieux et culturel grâce au développement de l’école talmudique (yeshivah) de Metz, qui elle-même suscite, dès 1764, la création d’une imprimerie hébraïque ; en 1786, une synagogue est construite à Lunéville. Les communautés jouissent d’un régime autonome en matière de justice, de police et de finance, mais elles sont écrasées sous le poids des taxes. La population vit dans l’indigence, ce qui n’exclut pas quelques réussites personnelles comme celle des familles Berr ou Goudchaux.
Plus ancienne, la présence juive en terre d’Alsace est attestée depuis le XIVe siècle et reconnue par les lettres patentes en 1757. Les juifs paient un droit de protection royale. Ils sont vingt mille à la fin du XVIIIe siècle. Organisés selon le modèle messin, ils sont autonomes, d’où l’existence de six circonscriptions rabbiniques et de préposés ou syndics chargés de la police intérieure et des impôts. Attachés à la tradition et vivant en milieu rural, les juifs alsaciens sont surtout colporteurs et fripiers, ou prêteurs sur gages, ce qui leur attire le mépris et l’hostilité des chrétiens. À partir de 1784, les lettres patentes, consécutives aux requêtes du préposé Herz Cerf-Berr démontrent l’intérêt du royaume pour les juifs, encouragés à s’adonner à des activités plus diversifiées et « productives ».
Entrés comme nouveaux-chrétiens, puis reconnus comme juifs par les lettres patentes de 1723, les Portugais s’établissent d’abord à Saint-Esprit et dans l’arrière-pays, puis gagnent Bordeaux. Leur rôle économique leur assure protection, liberté de circulation et de commerce. Ils s’enrichissent dans l’industrie du cuir et de la soie, la banque et le négoce colonial. Ils mènent une vie communautaire traditionaliste relativement souple, comme leurs coreligionnaires amstellodamois. Bordeaux est dotée de sept synagogues, et Saint-Esprit de treize pour une communauté de près de trois mille cinq cents personnes.
Entassés dans les rues étroites des « carrières » d’Avignon, de Carpentras, de Cavaillon et de L’Isle-sur-la-Sorgue, méprisés par les autorités chrétiennes, qui confirment leur infériorité dans le texte publié par le Saint-Office à Rome en 1751, les deux mille cinq cents juifs du Comtat Venaissin connaissent des conditions de vie difficiles. Chaque carrière possède son conseil, et ses « bailons », mais bénéficie d’une autonomie limitée en l’absence de tribunaux autorisés à juger selon le droit rabbinique. Quelques années avant la Révolution, la population des carrières diminue de près de vingt pour cent. Les juifs se fixent en Provence afin d’échapper au joug de l’Église... lire la suite de l'article
LES JUIFS EN FRANCE SOUS LA REVOLUTION FRANCAISE ET L'EMPIRE
source site : judaisme.sdv/fr
Dr. Rina NEHER-BERNHEIM1
La Révolution Française, en apportant aux Juifs le droit d'accéder à la Citoyenneté pleine et entière, a radicalement transformé la relation de l'homme chrétien du 18ème siècle face au Juif. De paria qu'il était, le Juif accède, grâce à la Révolution française, à la dignité d'homme libre. On trouve l'expression de cette reconnaissance à tous les niveaux de la conscience juive. Une sorte de dicton populaire, courant au début du 20ème siècle, disait que tout Juif a deux patries : la sienne propre et la France. Henri Graetz écrivait dans les années 1870 : "La Révolution française fut vraiment, selon l'expression du prophète, le jour du Seigneur où les orgueilleux furent abaissés et les humbles relevés'".
Comment les choses se sont-elles passées pour aboutir a un renversement aussi fondamental des données généralement acceptées dans la société européenne du 18ème siècle? A y regarder de près, le déroulement des événements qui aboutit à ce fameux décret d'émancipation de septembre 1791 paraît moins idyllique et plus complexe que ne le laissent supposer les formulations citées précédemment. Il y a eu au sujet des Juifs de violents débats et des conflits très âpres qui n'aboutissent qu'au prix d'immenses efforts à l'émancipation.... lire la suite de l'article
1 Renée (Rina) Bernheim, connue comme Renée Neher-Bernheim (4 avril 1922, Paris - 29 décembre 2005, Jérusalem, Israël) est une historienne juive française
LETTRE de M. BERR-ISAAC-BERR,
A ses frères, en 1791, à l'occasion du droit de Citoyen actif accordé aux Juifs.
Publié sur le site judaïsme.sdv.fr
« Messieurs et chers frères,
Il est donc arrivé ce jour où le voile, qui nous couvrait d'humiliation, s'est déchiré; nous les récupérons enfin, ces droits, qui, depuis plus de dix-huit siècles, nous avaient été ravis combien ne devons-nous pas reconnaître en ce moment, la clémence merveilleuse du Dieu de nos ancêtres !
« Nous voilà donc, grâce à l'Etre-Suprême et à la souveraineté de la nation , non-seulement des hommes, des citoyens, mais encore des français ! Quel heureux changement, grand Dieu, tu viens d'opérer sur nous ! Encore le 27 septembre dernier, nous étions les seuls habitans (*) de ce vaste Empire, qui parussent être destinés à rester pour jamais avilis et enchaînés ; et le lendemain, 28, jour mémorable, que nous fêterons à jamais, tu inspiras ces immortels législateurs de la France. Ils prononcent, et plus de soixante mille malheureux, gémissant sur leur sort, se trouvent dans l'ivresse de la joie la plus pure.
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