L'accusation n'est pas nouvelle, Israël commettrait un génocide à Gaza. Il s'agissait jusque là d'une outrance issue des réseaux sociaux et de militants pensant ainsi, malgré l'absence d'un début de preuve, que le terme permettrait d'attirer les sympathisants à la cause Palestinienne. Certains n'utilisent plus que les termes d'armée génocidaire ou d'Etat génocidaire.
Lire aussi la plaidoirie de Tal Becker devant la CIJ
Pour mémoire, à l'heure de la publication de ce texte, 136 otages, dont des bébés et des enfants sont encore otages dans des tunnels à Gaza et l'aide humanitaire arrivant à Gaza est toujours détournée par les membres du mouvement terroriste aux dépends de la population qu'il est censé diriger et protéger.
La majorité des pays qui soutiennent l'accusation de l'Afrique du Sud appartiennent au monde arabe et à l'Afrique. En Europe, seule la Turquie, pays musulman, a publiquement exprimé son soutien.
Aucun pays occidental n'a déclaré soutenir la thèse du génocide. Les États-Unis les ont rejetées comme étant infondées, le Royaume-Uni les a qualifiées d'injustifiées.
L'Allemagne "rejette explicitement" l'accusation y voyant le risque d’une « instrumentalisation politique » du droit, et affirme que "le but du Hamas est d'anéantir Israël". Elle intervient dans le procès en tant que tierce partie.
La Chine et la Russie se sont peu exprimées sur l'une des affaires les plus importantes portées devant un tribunal international au cours de l'histoire récente. L'Union européenne n'a pas non plus fait de commentaires.
Définir le terme
Un génocide consiste en une destruction systématique et voulue de tout ou partie d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux
"Le terme « génocide » a été utilisé pour la première fois en 1944 par l'avocat polonais Raphaël Lemkin, pour qualifier non seulement les politiques nazies d'extermination systématique du peuple juif pendant la Shoah, mais aussi d'autres actions ciblées menées par le passé dans le but de détruire des groupes particuliers d’individus.
La Cour internationale de Justice (CIJ) a indiqué à plusieurs reprises que la Convention consacrait des principes relevant du droit international coutumier général, ce qui signifie que les États, qu’ils aient ou non ratifié ce texte, sont tous juridiquement liés par le principe selon lequel le génocide est un crime proscrit par le droit international.
"le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe;
b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe."
Les éléments de destruction mentionnés ne constituent un génocide que si « l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel » est constitué.
La destruction culturelle, l'intention de disperser un groupe ne suffit pas. Il s'agit bien d'éliminer à dessein des personnes d'un groupe en nombre suffisant pour que l'existence même du groupe soit menacée.
Le génocide peut également être commis contre une partie seulement du groupe, pour autant qu’elle soit identifiable (y compris à l’intérieur d’une zone géographiquement limitée) et « significative ».
Les génocides reconnus :
Le XXe siècle a vu commettre plusieurs génocides depuis celui des Herrero jusqu'à celui du Rwanda en 1994 .L'ONU ne reconnait que ceux des Arméniens, des Juifs et des Tutsis.
Les génocides connus sont :
1904 - 1908 : Le génocide des Herero et Nama dans le Sud-Ouest africain allemand (1904-1908). Ce génocide commis par les troupes du général Allemand Von Trotha en Namibie a tué 65 000 Herrero et 10 000 Nama. L'élément intentionnel consiste en l'ordre d’extermination – émis par le général Lothar von Trotha le 2 octobre 1904 – qui enjoint les troupes du Kaiser à tuer sans distinction, condamnant ainsi hommes, femmes et enfants... Dans les camps de concentration ouverts en 1905, comme ceux de Windhoek, Swakopmund et Shark Island, les prisonniers Nama et Herero sont éliminés par le travail et succombent à la maladie, aux mauvais traitements et à la malnutrition. Des crânes de victimes sont alors envoyés en Allemagne à des fins de recherches scientifiques raciales.(>>)
1915 - 1916 : Génocide des Arméniens par les Turcs :Environ 1,3 millions de morts sur 2 millions d'Arméniens, systématiquement abattus, parqués, affamés, exécutés sur ordre du pouvoir. (>>)
1942 - 1945 : Juifs en Europe (Shoah). 6 millions de Juifs sont exterminés par les Nazis et leurs alliés en Europe. Le génocide des Juifs lors de la seconde guerre mondiale a été reconnu par la cour de Nuremberg en 1945 et a servi de point de départ à la définition du terme (>>)
1975 - 1979 : Cambodge.Entre avril 1975 et janvier 1979, les khmers rouges massacrent 2 millions de cambodgiens, sur une population d’environ 7,5 millions d’habitants. Le tribunal parrainé par l'ONU a jugé le 16 novembre 2018 que les deux dirigeants encore en vie et jugés, Khieu Samphan et Nuon Shea (mort en 2019), sont coupables de génocide.
1994 : Tutsi au Rwanda. Suite aux appels incessants au meurtre de la radio des mille collines, 1 millions de Tutsi sont tués en 3 mois par les Hutus."L’assassinat planifié se déroule dans l’espace du quotidien. Dès le 7 avril 1994, des barrières sont montées à tous des carrefours stratégiques, à Kigali la capitale, puis sur l’ensemble du pays.
Les possesseur d’une carte d’identité portant la mention « tutsi » sont abattus sur place. L’implication de la population civile dans les massacres est un des traits marquant du génocide.
Regroupés en petites formations, les meurtriers comptent aussi bien des jeunes hommes que des femmes et même des d’enfants." (>>) Qualification de génocide par le Tribunal pénal international pour le Rwanda .
1995 : Srebrenica . 8 000 hommes et jeunes hommes Bosniaques, aussi appelés Musulmans, dans la région de Srebrenica en Bosnie-Herzégovine sont tués par des unités de l’Armée de la République serbe de Bosnie (VRS) sous le commandement du général Ratko Mladić pendant la Guerre de Bosnie-Herzégovine en juillet 1995. Qualification de génocide par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
Un génocide à Gaza ?
L'accusation relayée par les réseaux sociaux n'avait pas de sens jusqu'alors. La population Gazaouie ne subissait ni massacre de masse, ni famine organisée en vue de la faire disparaitre. L'ampleur de la réponse des Israéliens au pogrom du Hamas le 17 octobre 2023 relance l'accusation, cette fois devant la cour internationale de justice, suite à la saisine de l'Afrique du Sud
La CIJ devra donc décider, si au delà du renversement du Hamas et de la recherche des otages, les bombardements et actions de l'armée israélienne ont pour intention de détruire tout ou partie du peuple palestinien.
L'intention génocidaire : comme il a été vu supra, l'ampleur des bombardements n'est pas suffisante pour qualifier la réponse israélienne de Génocide. Israël prévient les populations de ses bombardements, des zones à évacuer. L'armée israélienne doit composer avec une armée du Hamas réfugiée chez les civils pas forcément volontaires. Si certains ministres israéliens ont pu avoir des déclarations intentionnelles, ce n'est pas la position ni du chef du gouvernement, ni du chef des armées comme ils l'ont clairement déclaré. Les différents régimes génocidaires du XXe siècle ne prenaient pas ce type de précaution. Les morts n'étaient pas des dégâts collatéraux, même nombreux, mais les cibles d'une action visant à éliminer le groupe ethnique, racial, national ou religieux.
La question devrait plutôt être posée quand à l'action meurtrière du 7/10 qui visait délibérément des civils, femmes et enfants, les violaient, tuaient, torturaient et kidnappaient. De même, lorsque les terroristes se terrent dans des tunnels dont ils ferment l'accès à leur population, ou lorsqu'ils tirent sur des personnes qui se rendent ou évacuent la zone ciblée. Sans parler des milliers de roquettes qui ont toujours été envoyées sur des lieux habités, sans autre motif que ce qu'énonce la charte du Hamas depuis 1988 : détruire Israël, un autre motif visé par la convention.
Les chiffres : L'Afrique du Sud reprend les chiffres du Hamas, plus que douteux si l'on se rappelle comment l'hôpital victime d'une roquette du Hamas avait vite était considéré comme un carnage de 500 personnes (démenti plus tard) mis au crédit des Israéliens (démenti aussi).
Les femmes et les enfants visés ? La proportion de femmes et d'enfants (70%) est étonnamment importante dans les chiffres du Hamas, comme si les bombes pouvaient choisir le type de victimes civiles.
Des civils visés comme cible ? Le rapport fait fi des cibles civiles devenues des cibles de guerre du fait des sites de tir et de stockage d'armes du Hamas régulièrement placés dans ou sous des hôpitaux, des mosquées, ou des écoles.
Les dégâts collatéraux sont ainsi multipliés, conformément aux souhaits du Hamas qui prône ouvertement la destruction et le chaos. Aucune référence non plus à la difficulté pour une armée à se mouvoir en zone urbaine face à un véritable de métro de tunnels de plus de 500 km. La destruction de ces tunnels passant souvent sous des batiments n'épargne pas ces derniers.C'est le résultat de choix faits par le Hamas.
Enfin les boucliers humains, utilisés par le Hamas depuis des années, le fait est largement documenté, leur permet d'augmenter le nombre de victimes civiles.
Les arguments du rapport de 84 pages sont les suivants :
"1. L’ampleur de la tuerie, 22 000 morts dont 70 % sont des femmes et des enfants selon le rapport
2. Le traitement cruel et inhumain d’un grand nombre de civils, y compris des enfants, qui ont été arrêtés, ont eu les yeux bandés et ont été forcés de se déshabiller et de rester dehors par temps froid, avant d’être emmenés dans des lieux inconnus.
3. La rupture continue des promesses de sécurité, Israël bombardant des zones vers lesquelles il avait conseillé aux résidents de fuir à travers des tracts.
4. La privation d’accès à la nourriture et à l’eau, une politique qui a poussé la population de Gaza au bord de la famine.
5. La privation d’accès à un logement, des vêtements et une hygiène adéquats : l’attaque d’Israël sur le système de santé n’a laissé que 13 des 36 hôpitaux encore partiellement fonctionnels, les forces israéliennes ayant pris pour cible les générateurs des hôpitaux, les panneaux solaires, les stations d’oxygène, les réservoirs d’eau, les ambulances, les convois médicaux et les premiers intervenants.
6. La destruction de la vie palestinienne à Gaza – ses villes, ses maisons, ses immeubles, ses infrastructures, ses universités et sa culture.
7. L’expression d’une intention génocidaire à l’encontre du peuple palestinien par des représentants de l’État, notamment les références du Premier ministre Benyamin Netanyahou au récit biblique de la destruction totale d’Amalek par les Israélites, la déclaration du président Isaac Herzog selon laquelle « c’est toute une nation qui est responsable », et l’affirmation du ministre de la Défense Yoav Gallant selon laquelle Israël se bat contre des « animaux humains"
Quelques chiffres
Israël est probablement le seul pays à acheminer de l'aide humanitaire vers le territoire qui l'a agressé. Durant les 100 premiers jours de l'assaut, Israël a permis l'acheminement suivant à Gaza :
10 000 camions délivrant 123 000 T de nourritures,14 000 tonnes de médicaments, et 21 000 tonnes de tentes et matériel médical.
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Tal Becker, mandaté par Israël pour le défendre prononce un discours devant la CIJ dont le texte est traduit et reproduit ici
A suivre...