En mars 1930, paraît à Genève le premier des trente-huit numéros de La Nation arabe que publieront jusqu'en décembre 1938 et rédigeront à peu près seuls l'émir Chekib Arslan et Ihsan Bey al-Djabri. « Organe de la délégation syro-palestinienne auprès de la Société des Nations », la revue, était-il précisé dès la page de garde, devait servir « les intérêts des pays arabes et ceux de l'Orient ». À cette date pourtant, le Comité exécutif syro-palestinien avait, depuis plusieurs années déjà, retiré à Chekib Arslan son mandat, mais ce dernier, demeuré à Genève, n'avait pas renoncé à défendre les intérêts de la Syrie auprès de la Société des Nations.
Druze d'origine, né à al-Shuwayfat dans le district du Chouf au Liban en 1869, Chekib Arslan avait été, en tant que député au Parlement ottoman de 1913 à 1918, un ardent défenseur de l'union des Arabes et des Turcs. À la veille de la Grande Guerre, il rédigeait Aux Arabes enjoignant à ces derniers de se maintenir dans l'Empire... En 1921, au sein du Comité syro-palestinien — qui s'était constitué au lendemain du partage du Levant entre les deux puissances mandataires pour faire entendre les revendications unitaires de Grande Syrie —, il présentait un « projet de gouvernement syro-palestinien uni à la Turquie » (Bessis, 1978 : 472). La révolution kémaliste, d'une part, la suppression du califat en mars 1924, d'autre part, vinrent, cependant, ébranler ses convictions et le conduisirent à se dévouer à la cause syrienne essentiellement. Il multiplia dès lors les mémoires à la Commission des mandats demandant l'évacuation et l'indépendance de la Syrie.
La lettre demande à ce que la Palestine reste intégralement arabe. Aslan utilise déjà l'argument, toujours utilisé avec succès 80 ans après de la prise d'Al-Aqsa par les Juifs..
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GENÈVE, le 15 Janvier 1930
Son Excellence monsieur Le Président et Leurs Excellences Messieurs les Membres du Conseil de la Société des Nations
Excellences,
Nous avons l`honneur de protester contre la résolution que votre Honorable Conseil vient d’adopter au sujet du mur du Burak (Lamentations). Nous considérons que le fait seul de mettre en discussion et de rendre contestable la propriété des Musulmans sur le mur du Burak, comme la plus grave atteinte portée jusqu’à présent aux droits politiques ou religieux séculaires et incontestables des Arabes et des Musulmans en Palestine, atteinte qui provoquera l’indignation des Musulmans du monde entier.
La Grande-Bretagne n’est pas dans la vraie voie quand elle croit que la solution qui sera trouvée par une Commission nommée de la part de la Société des Nations et laquelle ne peut être qu’au détriment des droits musulmans établis depuis quatorze siècles pourra lui faciliter de transformer graduellement la Palestine arabe en pays juif comme elle l’a prévu dans le Mandat.
Nous croyons que c’est bien le contraire qui se produira. La proposition britannique, qui a pour but de rejeter sur le dos de la Société des Nations le dépit du monde musulman, ne fera que mieux ressortir son attitude équivoque, et ne servira malheureusement pas le prestige de la S.d.N.
La Palestine est un pays arabe à majorité arabe incontestable. La solution qu’on cherche à trouver pour le Mur du Burak n’est pas de nature à liquider la question et ne peut avoir qu’un caractère provisoire, car les Arabes et les Musulmans savent pertinemment que l’établissement de la majorité juive et l’élimination de l’élément arabe et musulman entrepris officiellement selon le texte du Mandat ouvrira aux Juifs, dans un laps de temps qui ne sera pas très long, les portes de tous les lieux saints convoités y compris la Mosquée d’Aksa. C’est pour ces raisons que nous devons déclarer que chaque pierre en Palestine cache un mur de lamentations qui mettra aux prises les Arabes et Musulmans avec les Juifs, tant que l’injustice sera maintenue.
Au lieu que l’Honorable Conseil se perde dans les détails et divise et multiplie les difficultés en les aggravant, il serait plus sage de réviser son œuvre, le mandat Palestinien, pour juger si vraiment il est en concordance et en conformité avec l’esprit et la lettre de l’article 22 du Pacte, et en cas contraire qu’il veuille prendre la décision qui rend aux victimes arabes leurs droits spoliés et à laquelle la paix et la tranquillité en Orient sont profondément liées. C’est là uniquement la solution du problème.
Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs les Membres, l’expression de notre très haute considération.
Pour la Délégation syro-palestinienne,
L’ Emir Chekib Arslan
Ihsan El Djabri