La tension entre le Hamas à Gaza et Israël n'est pas retombée depuis le début de la « marche du retour » fin mars.
Durant ces sept mois et demi, les manifestations se sont succédées avec leurs tentatives d'incursion hostile en territoire israélien.
Les incendies ont ravagé des centaines d'hectares en Israël, et les snipers israéliens ont fait 233 morts à la frontière. Les moments de calme suivent les pics de tension.
Le dimanche 11 novembre, Israël effectue une opération à Gaza, qu'elle qualifie d'opération de « renseignement intérieur ». Le Hamas affirme qu'il s'agissait d'assassiner ou de capturer des Palestiniens. L'opération tourne mal et des échanges de coups de feu ont lieu. Un lieutenant-colonel israélien est tué, et un officier blessé.
“ Il est 22 heures dans la soirée du dimanche 11 novembre, lorsque des tirs reprennent dans l’enclave palestinienne. Une unité de l’armée israélienne vient d’entrer à Gaza dans un véhicule banalisé pour une mission secrète. La voiture est jugée suspecte par les miliciens du Hamas, qui érigent un barrage afin de l’intercepter. Selon des témoins, deux soldats israéliens font alors feu. Deux hélicoptères israéliens de combat sont envoyés sur zone. Objectifs: exfiltrer les soldats de l’État hébreu et détruire le matériel de surveillance que les militaires transportaient avec eux...”1
Coté palestinien, il y a sept morts (sans que l'on sache si cela résulte de l'incursion ou de ses suites ) dont un commandant du Hamas.
Les brigades Al-Qassam visent alors un car de soldats qui circule à Kfar Aza près de la frontière avec Gaza, avec un missile (ils mettent la vidéo en ligne). L'attentat fait un blessé grave, le soldat touché étant le seul occupant du car lors de l'impact.
Une pluie de roquettes est envoyée sur Israël dont une partie seulement est neutralisée par le dispositif dôme de fer.
“ Un Palestinien de 48 ans, identifié comme un travailleur en Israël, a été tué quand une roquette a frappé cette bâtisse d'Ashkelon, ville israélienne proche de Gaza. Et 27 Israéliens ont été blessés, selon les secours. Dans la bande Gaza, 6 civils palestiniens ont trouvé la mort et 25 autres ont été blessés dans les frappes israéliennes en moins de 24 heures, selon les autorités.
Les groupes palestiniens ont tiré environ 400 roquettes et obus de mortier, selon un décompte israélien, précipitant des dizaines de milliers de résidents vers les abris. C'est le plus sévère épisode du genre depuis 2014.
L'armée israélienne détruit « quatre sites majeurs » du Hamas et du Jihad islamique dont le QG du Hamas et Al-Aqsa TV alors la station de radio et télévision de Gaza, sans faire de victimes2. Le compte twitter de Tsahal montre un extrait d'une émission du Hamas où une adulte voilée apprend à des enfants d'environ 5 à 7 ans, qu'il faut tuer les Juifs. L'armée titre sur l'impossibilité dorénavant pour le Hamas de diffuser ce genre de propagande.
“ Avions, hélicoptères de combat et chars israéliens ont frappé près de 150 positions du Hamas et du groupe Jihad islamique, ainsi que des bâtiments à forte valeur, comme le siège de la télévision du Hamas.”3
Un cessez-le-feu intervient de facto le 13 novembre. Il est annoncé ainsi par le Hamas :
“ Les efforts de l’Égypte ont permis d'aboutir à un cessez-le-feu entre la résistance et l'ennemi sioniste, et la résistance le respectera aussi longtemps que l'ennemi sioniste le respectera.”
Le nom honni d'Israël n'est toujours pas écrit, le Hamas ne reconnaissant toujours pas l'existence de ce pays de 8 millions d'habitants pourtant membre de l'ONU depuis 70 ans.
Les réactions internationales sont plus diverses qu'à l'ordinaire concernant Israël.4
Pour le quai d'Orsay :
“ La France condamne avec la plus grande fermeté les nombreux tirs de roquettes revendiqués par le Hamas, qui ont visé délibérément ces dernières heures plusieurs communes du sud d’Israël depuis la bande de Gaza. Elle exprime sa solidarité aux populations touchées, et en particulier aux familles des victimes. Elle demande la cessation immédiate de ces actions inacceptables et injustifiables et appelle les parties à éviter un nouveau cycle de violences dont les populations civiles seraient les premières victimes. Nos postes diplomatiques et consulaires suivent la situation avec attention et se tiennent prêts à porter assistance à nos compatriotes qui en auraient besoin ”
Hélène Le Gal, l'ambassadrice de France en Israël tweetant même le 12 novembre :
“ Solidarité avec les populations du Sud d'Israël sous le feu des roquettes en provenance de la bande de Gaza et condamnation des attaques contre les civils. Pensées particulière pour mes compatriotes concernés, ainsi que pour les familles de blessés.”
Pour l'ambassadrice Allemande, Susanne Wasum-Rainer,
“ la violence et les roquettes contre les civils [sont] inacceptables. Elle exprime « sa pleine solidarité avec les victimes de l’escalade d’hier et d’aujourd’hui. Toute nouvelle escalade doit être évitée. ”
Pour M. Greenblatt, envoyé spécial du président américain Donald Trump pour le processus de paix israélo-palestinien, la Maison Blanche soutient Israël dans ses actions de légitime défense.
“ Les terroristes de Gaza attaquent à nouveau Israël avec des armes de guerre. Ces attaques à la roquette et au mortier contre des villes israéliennes doivent être condamnées par tous. Israël est à nouveau contraint à une action militaire pour défendre ses citoyens. Nous sommes aux côtés d’Israël alors qu’il se défend contre ces attaques.
Les agissements du Hamas « continuent à prouver qu’il ne se soucie pas vraiment des Palestiniens de Gaza et que leur seul intérêt est de les utiliser à des fins politiques. Même la vie des Palestiniens semble n’avoir aucune importance pour le Hamas.
Le monde en a assez de la violence du Hamas et de celle d’autres protagonistes à Gaza. Cette violence empêche toute aide réelle pour la population de Gaza. ”
L’Égypte pour sa part informe Israël “ qu’elle doit mettre fin à ses « opérations d’escalade”
Enfin, la Russie se déclare
“ profondément préoccupée par cette dangereuse escalade [qui pourrait] conduire à une nouvelle « grande intervention militaire », avec des pertes civiles des deux côtés et « l’effondrement final de la situation humanitaire » à Gaza.”
Le ministre russe des affaires étrangère déclare :
“ Nous appelons les Palestiniens et les Israéliens à revenir immédiatement à un cessez-le-feu durable, à faire preuve de retenue, à prendre des mesures pour mettre fin à la répétition des affrontements aux conséquences imprévisibles .”
En Israël, le ministre Tzachi Hanegbi5 donne peu d'importance à l'escalade en cours :
“ Les attaques par le Hamas étaient mineures, la plupart des tirs [de roquettes] étaient autour de la région de Gaza ,..tirer des roquettes sur Tel Aviv, c’est une autre histoire.”
Les propos font scandale et sont condamnés par l'ensemble de la classe politique. Hanegbi est obligé de faire du rétropédalage
“ Je n’ai jamais fait de différence entre les vies des résidents de la région de Gaza et celles des résidents de Tel Aviv. Si ce que j’ai dit a été mal compris, je suis désolé.”
Conséquence indirecte des trois jours de conflit, le ministre de la défense Avigdor Lieberman annonce sa démission quelques heures après le début du cessez-le-feu. Nethanyahu, déjà premier ministre et ministre des affaires étrangères reprend le portefeuille de la défense. Lieberman déclare :
“ La ligne que nous avons suivie au cours des derniers mois est complètement fausse. Avec le cessez-le-feu, nous avons apporté une réponse insuffisante, inadéquate et inacceptable au tir de 500 roquettes contre Israël.. L’État achète le calme à court terme au prix de graves dommages à long terme pour la sécurité nationale.
Je ne peux continuer dans un emploi sans pouvoir regarder dans les yeux les habitants du Sud et les familles des otages et soldats portés disparus. Nous avons besoin de conditionner les progrès dans la régulation de la situation des prisonniers et l'engagement du Hamas à cesser de placer ses gens à la frontière.”
Lieberman, s'était récemment opposé aux reculs du gouvernement auquel il appartient. Il avait ainsi milité sans succès pour la destruction (finalement reportée) du village bédouin de Khan al-Amar. Il a critiqué la récente autorisation de transfert de 15 millions de dollars d'origine qataris6 vers Gaza pour payer les 22 000 fonctionnaires civils7 du Hamas privés de salaire par l'autorité palestinienne. Il demande la fixation d'une date pour convoquer des élections anticipées, le terme normal étant fixé au mois de novembre 2019.
Netanyahu reste ferme, justifiant le cessez le feu et le transfert de fonds qatari :
“ J’essaye par tous les moyens possibles de restaurer le calme pour les résidents des communautés voisines à Gaza, tout en prévenant une crise humanitaire, se justifiait le Premier ministre. Chaque guerre est chère en vies. Je n’ai pas peur de la guerre quand elle est nécessaire, mais je veux l’éviter quand elle ne l’est pas.”
Yahya Sinwar, n°1 du Hamas à Gaza lui fait écho :
“ Soyons clairs : si nous sommes attaqués, nous nous défendrons. Comme toujours. Et il y aura la guerre. Mais, un an après, on sera au même point et je vous redirai qu’avec une guerre, on n’arrive à rien.”
Le même déclarait le 7 octobre :
“ Les outils de la résistance changent conformément au contexte, conformément à l’identité de celui avec lequel vous voulez échanger et au langage utilisé par l’autre partie.
Si j’organise demain un attentat, je ferai les gros titres de tous les journaux. Si je parle d’un cessez-le-feu, comme dans cet entretien, c’est plus difficile de m’écouter.
Les cerfs-volants et les ballons ne sont pas une arme, ils sont un message : vous êtes plus forts que nous, sans comparaison possible, mais vous ne gagnerez jamais, jamais.”
Ajoutant
“ Une nouvelle guerre n’est dans l’intérêt de personne, certainement pas dans notre intérêt. Qui voudrait se confronter à une puissance nucléaire avec seulement quatre frondes ? La guerre ne mène à rien ».”8
Après l'apaisement la mise en garde, Kamil Abu Rokon, chef du Cogat, l'organe militaire de liaison avec les Palestiniens annonce un durcissement et la fin de la politique de retenue d'Israël. Il liste les lignes rouges (déjà mises en pratique depuis mars 2018) dans une vidéo publiée en arabe :
“ - Ceux qui entreront dans un périmètre de cent mètres de la clôture se mettront en danger.
- Ceux qui détruiront la clôture ou tenteront de l’endommager se mettront en danger.
- Ceux qui tenteront de franchir la clôture de sécurité et d’entrer en Israël se mettront en danger.
- Ceux qui jetteront des dispositifs explosifs improvisés, grenades et cocktails Molotov, se mettront en danger.
- Ceux qui lanceront des ballons explosifs se mettront en danger.”
Il ajoute
“ Vous [les Gazaouis] devez vous réveiller et vous rendre compte que le groupe terroriste du Hamas vous emmène au bord du gouffre.”
Le Hamas pour sa part fait toujours montre d'une retenue exemplaire. Moussa Abou Marzouk , l'un de ses responsables interviewé par l'agence de presse turque Anadolu déclarant :
« Notre objectif est la libération de l'intégralité de la Palestine »
Les termes sont clairs, ils supposent la disparition de l’État d'Israël, sans même parler du sort de ses habitants s'il arrivait à ses fins. La marche du retour est-elle toujours 'pacifique' ?
2 Elle utilise la technique du coup de semonce contre le batiment. Une frappe non explosive pour avertir les occupants, puis quelques minutes après une frappe réelle.
5Ministre des communications et de la coopération régionale
6 Il n'est d'ailleurs pas le seul à critiquer ce transfert. La voiture de l'émissaire qatari Mohamed el-Emadi s'est fait caillasser à son arrivée sur le site de manifestation de Malaka. Les manifestants semblent lui reprocher de verser beaucoup au Hamas et peu (5 milllions) aux 50000 familles pauvres de Gaza (Tierry Oberlé in Le Figaro du 10/11/2018
7 Selon RFI le nombre de fonctionnaires chargés de faire fonctionner les services publics s'élève à 40000 (RFI 9/11/2018)
8 Pour les deux extraits, Libération 13/11/2018:Israël-Hamas, petits arrangements entre enemis et l'entretien des 4 et 7 octobre du quotidien israélien Yedio Ahronoth