Respect des principes de la République : la loi est publiée

La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a été publiée au journal officiel. Le projet de loi avait été présenté au Conseil des ministres le 9 décembre 2020 par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin et par la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, Marlène Schiappa). Cette loi s'inscrit dans la suite des discours du président de la République prononcés lors du 150e anniversaire de la République le 4 septembre 2020 et aux Mureaux le 2 octobre 2020. Pour rappel, elle a pour objectif d'apporter des réponses au repli communautaire et au développement de l'islamisme radical, en renforçant le respect des principes républicains et en modifiant les lois sur les cultes.

Adopté définitivement le 23 juillet 2021, après échec de la commission mixte paritaire et rejet du Sénat en nouvelle lecture. Le projet de loi a fait l'objet d'âpres discussions sur ses dispositions les plus sensibles .

Saisi le 26 juillet 2021 par plus de 120 députés et 60 sénateurs sur 7 des 153 articles que comptait le texte, le Conseil constitutionnel a censuré 2 dispositions et a assorti 2 autres de réserves d'interprétation dans sa décision du 13 août (Cons. const., 13 août 2021, n° 2021-823 DC).

 

S'agissant du respect des principes républicains

La loi contient des dispositions relatives :

à la laïcité et la neutralité des services publics. Ces principes s'appliquent aux salariés des titulaires de contrats de marché public, des concessionnaires, des bailleurs sociaux et des organismes qui ont une mission de service public. Un référent laïcité et une journée de la laïcité le 9 décembre de chaque année seront mis en place dans les administrations. Un nouveau délit de séparatisme vient protéger les élus et agents publics contre les menaces ou violences pour obtenir une exemption ou une application différenciée des règles du service public ;

aux associations et au nouveau contrat d'engagement républicain. Les associations ou fondations, qui demandent une subvention publique, devront s'engager à respecter le caractère laïque et les principes de la République (égalité femme-homme, dignité humaine, fraternité...) dans un "contrat d'engagement républicain". Si elles violent cette obligation, la subvention devra être remboursée. Le respect du contrat devient une condition pour l'obtention d'un agrément ou la reconnaissance d'utilité publique.

Dans une réserve d'interprétation, le Conseil constitutionnel a jugé que le retrait de la subvention ne saurait, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'association, conduire à la restitution de sommes versées au titre d'une période antérieure au manquement au contrat d'engagement.

Le contrôle par l'État des associations sportives et des fédérations sportives est renforcé. Les associations agréées seront aussi soumises au contrat d'engagement républicain.

La liste des motifs de dissolution des associations est complétée. Les associations pourront se voir imputer des agissements commis par leurs membres, agissant en cette qualité, ou des agissements directement liés à leurs activités. Le texte voté par le Parlement prévoyait, qu'en cas d'urgence, le ministre de l'intérieur pouvait prononcer la suspension d'une association, dans l'attente de sa dissolution. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition. Il a considéré qu'en permettant la suspension des activités d'une association faisant l'objet d'une procédure de dissolution sur le fondement de l'article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure en cas d'urgence et à titre conservatoire, pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois, cette disposition portait atteinte à la liberté d'association ;

au nouveau délit face à la haine en ligne. Un délit de mise en danger de la vie d'autrui par diffusion d'informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle est créé. Ce nouveau délit sera puni de 5 ans de prison et 75 000 € d'amende si la victime est un agent public, un élu ou un journaliste ou si elle est mineure. Une garantie spécifique pour la presse a été apportée par le Sénat. Afin de lutter contre les sites miroirs qui reprennent des contenus illicites déréférencés ou bloqués par la justice, une nouvelle procédure est mise en place. Ces dispositions étaient prévues par un article de la loi dite Avia du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, en grande partie censurée par le Conseil constitutionnel ( Cons. const., 18 juin 2020, n° 2020-801 DC  ) ;

l'instruction des enfants et les mesures sur la famille. La scolarisation de tous les enfants dans un établissement scolaire devient obligatoire à la rentrée 2022 (au lieu de la rentrée 2021 dans le texte initial) et l'instruction d'un enfant en famille dérogatoire. L'école à la maison sera soumise à autorisation (et non plus seulement à déclaration) et accordée uniquement pour quatre motifs :
- état de santé ou handicap de l'enfant ;
- pratique d'activités sportives ou artistiques intensives ;
- itinérance de la famille ;
- situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif.
Par une réserve d'interprétation, le Conseil constitutionnel juge qu'il appartiendra, sous le contrôle du juge, au pouvoir réglementaire de déterminer les modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction en famille et aux autorités administratives compétentes de fonder leur décision sur les seuls critères définis par la loi, excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit.

Pour assurer aux femmes une égalité de droits, le texte renforce la protection des héritiers réservataires sur les biens situés en France lorsque la succession relève d'une loi étrangère qui ne reconnaît pas l'égalité des enfants héritiers. Il traite aussi de la polygamie sous l'angle des titres de séjour et des pensions de réversion et renforce la lutte contre les mariages forcés. En cas de suspicion, l'officier de l'état civil devra s'entretenir individuellement avec chaque futur époux. Si des doutes persistent, il devra saisir le Parquet.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a censuré, pour imprécision, l'article 26 de la loi, prévoyant que la délivrance ou le renouvellement de tout titre de séjour peut être refusé à un étranger ou qu'un titre de séjour peut lui être retiré s'il est établi qu'il a manifesté un rejet des principes de la République.

La délivrance de certificats de virginité devient interdite et sera punie d'un an de prison et de 15 000 € d'amende. Un amendement prévoit aussi de punir le fait de contraindre une personne à se soumettre à un tel certificat.

  • S'agissant du contrôle des associations cultuelles et des lieux de culte

La loi modifie la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État et la loi du 2 janvier 1907 sur l'exercice public des cultes. Les conditions de création et de gouvernance des associations gérant un lieu de culte prévues par la loi de 1905 sont revues afin de les protéger des prises de contrôle malveillantes par des groupes radicaux (clause dite anti-putsch). Ces associations cultuelles devront se déclarer auprès du préfet tous les cinq ans. Leurs obligations comptables sont renforcées. Les dons étrangers de plus de 10 000 € et la cession de lieux de culte à un État étranger devront être déclarés, et le préfet pourra s'y opposer.

Un amendement du gouvernement dit "mosquée de Strasbourg" renforce la transparence sur les avantages accordés par les collectivités locales pour la construction de lieux de culte. Les communes et départements devront informer préalablement le préfet, avant toute garantie publique pour un emprunt destiné à la construction d'un édifice cultuel, ou la conclusion d'un bail emphytéotique (bail de longue durée).

Pour les associations dites mixtes, qui relèvent de la loi du 1er juillet 1901 et qui exercent un culte, leurs obligations, notamment administratives et comptables, sont alignées sur celles des associations cultuelles : certification dans certains cas de leurs comptes, distinction comptable de leurs activités cultuelles du reste de leurs activités, déclaration de l'argent provenant de l'étranger... Le préfet pourra enjoindre à une association dont l'objet est en réalité l'exercice d'un culte à se déclarer comme association cultuelle. Aujourd'hui, plus de 90 % des mosquées sont sous le régime de loi de 1901.

Enfin, la loi modifie la loi du 9 décembre 1905 sur la police des cultes. La peine en cas de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence commise par un ministre des cultes est portée à cinq ans de prison. La tenue de réunions politiques dans des lieux de culte est plus sévèrement sanctionnée. L'organisation d'opérations de vote pour des élections politiques françaises ou étrangères y est clairement prohibée. Le juge pourra, par ailleurs, interdire à une personne coupable d'un délit à la police des cultes de paraître dans les lieux de cultes. Le préfet pourra fermer provisoirement les lieux de culte en cas d'agissements provoquant à la haine ou à la violence.

 

Source

L. n° 2021-1109, 24 août 2021 : JO 25 août 2021

Cons. const., 13 août 2021, n° 2021-823 DC : JO 25 août 2021

Comments powered by CComment