Abdülmecid Ier

Hatt-i-Hümayun du 18 février 1856


Le Hatti-Humayoun de 1856 ou rescrit impérial de 1856 (en turc : اصلاحات خط همايونى, Islâhat Hatt-ı Hümâyûnu) est un firman du sultan Abdülmecid Ier émis le 18 février 1856. C'est le second texte emblématique des Tanzimat. Préparé par Mehmed Emin Ali Pacha, il donna une nouvelle impulsion aux réformes. Il se présente comme un édit d'émancipation des non-musulmans, non en tant qu'individus mais en tant que communautés. La communauté confessionnelle ou "Millet" est institutionnalisée. Chacune de ces communautés non-musulmanes est dotée d'une "constitution" lui donnant un chef religieux et un conseil communautaire élu. Elle aura la libre gestion de ses affaires internes. L'état interdit toute discrimination sur une base religieuse. Il reconnaît l'égalité de tous les habitants de l'Empire ottoman, quelle que soit leur religion.

Le Hatti-Humayoun de 1856 est souvent vu comme une conséquence de l'influence de la France et du Royaume-Uni sur l'Empire ottoman après la Guerre de Crimée et la signature du traité de Paris de 1856. Il s'agit d'une tentative de modernisation des institutions de la Sublime Porte. Ainsi pour Florian Louis: "On a pu interpréter de manière plus large la soif des réformes qui saisit les élites ottomanes au XIXe siècle comme une volonté d'adaptation au changement de contexte provoqué par le processus de mondialisation alors en plein déploiement. Il ne s'agirait pas tant d'imiter ou de rattraper l'Europe que de se conformer aux impératifs d'un nouvel ordre mondial, certes dominé par elle mais dont le propre est précisément d'être global3.

Le rescrit impérial établit l'égalité des sujets de l'Empire en matière d'impôts mais aussi d'éducation, de justice et de service militaire. Il promet par ailleurs la mise en place de conseils communaux et provinciaux.

 

Texte

Toutes les garanties promises de notre part par le Hatt-i Humayun de Gülhane (1839) et en conformité avec les Tanzimat (réorganisations), pour tous les sujets de mon empire, sans distinction de classes ou de religion, pour la sécurité de leurs personnes et de leurs biens et la préservation de leur honneur, sont aujourd’hui confirmées et consolidées, et des mesures efficaces doivent être prises afin qu’ils puissent avoir leur effet plein et entier.

 

Titre I : droit et organisations des communautés

  1. Tous les privilèges et immunités accordés par mes ancêtres ab antiquo, et à des dates ultérieures, à toutes les communautés chrétiennes ou autres confessions non-musulmanes établies dans mon empire et sous ma protection, doivent être confirmé et maintenu.

  2. Chaque […] communauté non-musulmane doit être amenée, dans un délai déterminé, et avec l’assentiment d’une commission ad hod des membres de son propre corps, à procéder, avec mon approbation élevée et sous l’inspection de ma Sublime Porte, d’examiner ses immunités et privilèges réels, et de discuter et de soumettre à ma Sublime Porte les réformes exigées par les progrès de la civilisation et de l’âge. Les pouvoirs concédés aux patriarches et évêques chrétiens par le sultan Mehmed II (1453) et ses successeurs doivent être harmonisées avec mes intentions généreuses et bienfaisantes d’assurer à ces communautés une nouvelle position.

  3. Le principe de la désignation du patriarche à vie, après la révision des règles d’élection actuellement en vigueur, doit être exactement maintenue, en conformité avec la teneur de leurs Firman d’investiture.

  4. Les patriarches, métropolites, archevêques, évêques et rabbins prêtent serment à leur entrée en fonction, selon la forme convenue conjointement par ma Sublime Porte et les chefs Sprituel des différentes communautés. Les cotisations ecclésiastiques, quelles qu’en soient la forme et la nature, doivent être abolies et remplacées par des traitements fixes aux Patriarches et aux chefs de communautés, et par l’allocation de quotas et traitements équitablement proportionnés à l’importance, au rang, et à la dignité des différents membres du clergé.

  5. Les propriétés, réelles ou personnelles, des différents ecclésiastiques chrétiens resteront intactes ; l’administration temporelle des chrétiens ou d’autres communautés non-musulmanes sera cependant placée sous la sauvegarde d’une Assemblée choisie parmi es membres, ecclésiastiques et laïcs, desdites communautés.

  6. Dans les villes, petits bourgs et villages, où toute la population est de la même communauté, nulle obstacle à la réparation, en fonction de leur plan d’origine, des bâtiments réservés au culte, des écoles, des hôpitaux, et des cimetières.

  7. Les plans de ces différents bâtiments, en cas de nouvelle érection, doit, après avoir été approuvé par les patriarches ou chefs de communautés, être soumis à ma Sublime Porte, qui les approuve par mon ordre impérial, ou fait connaître ses observations dans un certain délai.

  8. Chaque secte, dans les localités où il n’y a pas d’autres confessions religieuses, doivent être exempts de toute espèce de contrainte en ce qui concerne l’exercice public de sa religion.

  9. Dans les villes, les bourgs, les petits villages où différentes sectes sont entremêlées, chaque communauté, qui habite un quart, sont fixées, en se conformant aux ordonnances mentionnées ci-dessus, ont un pouvoir égal à réparer et à améliorer leurs églises, ses hôpitaux, ses écoles, et ses cimetières. Quand se pose la question de la construction de nouveaux bâtiments, l’autorité nécessaire doit être demandé par la Sublime Porte, qui prononcera une décision souveraine selon cette autorité, sauf dans le cas d’obstacles adminitrative. L’intervention de l’autorité adminitrative dans toutes les mesures de cette nature sera entièrement gratuite. Ma Sublime Porte prendra des mesures énergiques pour assurer à chaque secte, quelle que soit le nombre de ses adhérents, une entière liberté dans l’exercice de sa religion.

 

Titre II : Droits et libertés du citoyen ottoman

  1. Toute clause ou désignation qui tend à faire de qui que ce soit une classe de sujet de mon empire inférieure à une autre classe, en raison de sa religion, de sa langue ou de sa race, doit être à jamais effacé du Protocole administratif. Des lois seront mises en vigueur contre l’utilisation d’un terme injurieux ou offensant, que ce soit entre particuliers ou de la part des autorités.

  2. Comme toutes les formes de religion sont et seront librement professée dans mes états, aucun sujet de mon empire ne sera entravé dans l’exercice de la religion qu’il professe, ni en aucune façon gêné à ce sujet. Nul ne peut être contraint de changer de religion.

  3. La nomination et le choix de tous les fonctionnaires et autres employés de mon empire étant entièrement dépendant de ma souveraine volonté, tous les sujets de mon empire, sans distinction de nationalité, doivent être admissibles aux emplois publics, et sont qualifiés pour les remplir en fonction de leur capacité et mérite, et conformément aux règles qui seront généralement appliquées.

  4. Tous les sujets de mon empire, sans distinction, doivent être reçus dans les écoles civiles et militaires du gouvernement si elles satisfont par ailleurs aux conditions quant à l’âge et l’examen qui sont précisées dans les règlements organiques desdites écoles. En outre, chaque communauté est autorisé à créer des écoles publiques de la science, l’art et de l’Industrie. Seule la méthode d’enseignement et le choix des professeurs dans les écoles de cette classe doit être sous le contrôle d’un Conseil mixte de Insturiction publique, dont les membres seront nommés par mon commandement souverain.

 

Titre III : Code et Justice, Droits de l’Homme et Service Militaire :

  1. Toutes les causes commerciales, correctionnelles et criminelles entre musulmans et […] sujets non-musulmans, ou entre […]non-musulmans de différentes sectes, sera soumis aux tribunaux mixtes.

  2. Les actes de ces tribunaux sont publiques. Les parties doivent être confrontées, et produisent leurs témoins, dont le témoignage doit être reçu, sans distinction, sur un serment prêté conformément à la loi religieuse de chaque secte.

  3. Les demandes relatives aux affaires civiles continueront à être jugées publiquement, selon les lois et règlements, devant les Conseils provinciaux mixtes, en présence du gouverneur et du juge du lieu. Les procédures civiles spéciales, telles que celles relatives aux successions ou autres de ce genre, entre les sujets de la même communauté […] non-musulmane, peut, à la demande des deux parties, être renvoyées devant les Conseils des Patriarches ou des communautés .

  4. Les lois pénales, correctionnelles et commerciales, et les règles de procédure pour les tribunaux mixtes seront établies dès que possible, et organisées en un code. Leur traduction sera publiée dans toutes les langues actuelles de l’Empire.

  5. Des mesures seront prises, dans les plus brefs délais, pour réformer le système pénitentiaire tel qu’il est appliqué dans les maisons de détention, de punition ou de correction, et autres établissements de même nature, afin de concilier les droits de l’homme avec ceux de la justice. Les châtiments corporels ne seront plus administré, même dans les prisons, sauf en conformité avec les règlements disciplinaires établis par ma Sublime Porte, et tout ce qui s’assimile à de la torture doit être entièrement aboli.

  6. Les Infractions à la loi dans ce cas particulier seront sévèrement réprimées, et devront, en outre, entraîner, de plein droit, la punition, en conformité avec le Code civil, des autorités qui peuvent les prescrire et des agents qui peuvent les commettre.

  7. L’organisation de la police dans la capitale, dans les villes de province et dans les districts ruraux doit être révisée de manière à donner à tous les sujets paisibles de mon empire les plus fortes garanties pour la sécurité à la fois de leur personne et des biens.

  8. L’égalité des impôts entraînant l’égalité des charges, comme l’égalité des droits implique que de droit, les sujets […] des sectes non-musulmanes, comme cela a déjà été décidé, seront, ainsi que les musulmans, soumises aux obligations de la Loi du Recrutement. Le principe des substituts, ou de l’exemption, sera admis. Une loi complete sera publiée, dans les plus brefs délais, en respectant l’admission et le service dans l’armée de chrétiens et d’autres sujets non-musulmans.

 

Titre III : Conseils Provinciaux et impôts :

  1. Des mesures seront prises pour une réforme de la constitution des conseils provinciaux et communaux, afin d’assurer l’équité dans le choix des députés des communautés musulmanes, chrétiennes, et d’autre parties, et la liberté de vote dans les conseils. Ma Sublime Porte prendra en considération l’adoption des moyens les plus efficaces pour déterminer exactement et pour contrôler le résultat des délibérations et des décisions intervenues.

  2. Comme la réglementation des lois de la vente achat, et de la cession des biens immobiliers sont communs à tous les sujets de l’empire, il sera loisible aux étrangers de posséder la propriété foncière dans mes états, en se conformant aux lois et règlements de police, et portant le même charges que les habitants indigènes, et des arrangements qui seront établis avec des puissances étrangères.

  3. Les impôts doivent être perçus sous la même dénomination pour tous les sujets de mon empire, sans distinction de classe ou de religion. Les moyens les plus promptes et énergiques pour remédier aux abus dans la perception des impôts, et en particulier les dîmes, seront considérés. Le système de recouvrement direct sera peu à peu, et dès que possible, remplacé par le plan de l’agriculture, dans toutes les branches des revenus de l’État. Tant que le système actuel reste en vigueur, tous les agents du gouvernement et de tous les membres des Majlis doivent être défendu, sous les peines les plus sévères, à devenir locataires de tous les contrats agricoles qui sont annoncés pour un concours public, ou d’avoir un intérêt bénéficiaire à leur réalisation. Les impôts locaux seront, autant que possible, ainsi établi à ne pas affecter les sources de production ou à entraver le progrès du commerce intérieur.

  4. Les Travaux d’utilité publique recevront une dotation convenable, dont une partie doit être prise sur les impôts privés et spéciaux appliqués dans les provinces, qui ont le bénéfice des avantages découlant de la mise en place des voies de communication par terre et par mer.

  5. Une loi spéciale ayant déjà été adopté, qui déclare que le budget des recettes et des dépenses de l’Etat doit être élaboré et fait connaître chaque année, ladite loi sera le plus scrupuleusement observée. Des mesures seront prises pour la révision des émoluments attachés à chaque bureau.

  6. Les chefs de chaque communauté et un délégué conçu par ma Sublime Porte seront appelés à prendre part aux délibérations du Conseil Suprême de Justice sur toutes les occasions qui pourraient intéresser la généralité des sujets de mon empire. Ils doivent être convoqués spécialement à cet effet par mon Grand Vizir. Les délégués sont élus pour un an ; ils doivent prêter serment dès leur entrée en fonctions. Tous les membres du Conseil, lors des réunions ordinaires et extraordinaires, donneront librement leurs opinions et votes, et nul ne pourra jamais les contrarier sur ce compte.

  7.  Des mesures doivent également être prises pour la formation des routes et de canaux pour augmenter les facilités de communication et accroître les sources de richesse du pays. Tout ce qui peut entraver le commerce ou l’agriculture doit être aboli. Pour accomplir ces objets, des moyens seront recherchés et on tiera profit de la science, l’art, et des fonds de l’Europe, et donc peu à peu on les exécutera.

  8. Cela étant mes souhaits et commandements, vous, mon Grand Vizir, serez, selon la coutume, à l’origine de ce Firman impérial qui sera publié dans ma capitale et dans toutes les parties de mon empire, et vous pourrez regarder attentivement, et prendre toutes les les mesures nécessaires afin que tous les ordres qu’il contient soient désormais réalisées avec la ponctualité la plus rigoureuse.

     

     

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