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TEXTES FONDAMENTAUX SUR LE DROIT DES FEMMES1

1944 - 2015

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Chronologie du droit de vote et d'éligibilité des femmes

Ancien régime

Les veuves dotées d'un fief et les mères abbesses peuvent voter aux États Généraux.

3 juillet 1790

Condorcet se prononce pour le vote des femmes dans un article du « Journal de la société de 1789 ».

septembre 1791

Olympe de Gouges publie la Déclaration des droits des femmes (article 10 : « La femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune »).

20 mai 1848

Eugénie Niboyet crée La voix des femmes.

5 mars 1848

Le Gouvernement provisoire de la République instaure le « suffrage universel » masculin.

1849

Jeanne Deroin fait acte de candidature aux élections législatives du 13 mai ; sa campagne est tournée en dérision par la presse.

1868

Une vingtaine de femmes diffusent, avec l'appui du journal l'Opinion nationale, un manifeste réclamant le droit de vote.

1869

L'État du Wyoming, aux États-Unis, instaure le vote des femmes.

13 février 1881

Hubertine Auclert lance le journal La Citoyenne.

1891

Création du Journal des femmes, par Maria Martin.

1893

Création de La Fronde, journal quotidien, par Marguerite Durand.

1893-1902

Instauration du vote des femmes en Nouvelle-Zélande (1893) et en Australie (1902).

1er juillet 1901

Première proposition de loi par Gautret, accordant le droit de vote aux femmes (majeures et célibataires, veuves ou divorcées).

1903

La Fronde devient un mensuel (jusqu'en 1905).

1904

Création de l'Alliance internationale pour le suffrage des femmes sous la présidence de l'Américaine Carrie Chapmann Catt.

1906

Paul Dussaussoy demande une loi « tendant à accorder aux femmes le droit de vote dans les élections aux conseils municipaux, aux conseils d'arrondissement et aux conseils généraux ».

1907

Instauration du vote des femmes en Finlande.

loi du 27 mai 1907

Les femmes sont électrices et éligibles aux conseils des prud'hommes.

loi du 13 juillet 1907

Reconnaissance à la femme mariée de la libre disposition de son salaire.

3 mai 1908

Manifestation à Paris pour le droit de vote des femmes.

1909

Création à Paris de l'Union française pour le suffrage des femmes (U.F.S.F.), filiale de l'A.I.S.F., par l'Anglaise Jeanne Schmahl. Son programme, pour des raisons tactiques, est limité au suffrage municipal.

16 juillet 1909

A la Chambre des députés, le rapport Buisson propose l'électorat et l'éligibilité des femmes dans les mêmes conditions que les hommes.

1913

La Norvège instaure le vote des femmes.

1914

L'U.F.S.F. compte 12 000 membres.

avril 1914

Un plébiscite féminin organisé par les suffragistes réunit 505 972 oui pour le vote des femmes.

1914

L'Islande instaure le vote des femmes.

5 juillet 1914

Première et unique grande manifestation suffragiste à Paris ; elle réunit seulement 6 000 personnes.

1915

Le Danemark instaure le vote des femmes.

1916

Proposition de loi Barrès à la Chambre des députés pour le « suffrage des morts » en vue de permettre aux veuves et mères de soldats tués à la guerre de voter

1918

La Grande-Bretagne, l'Allemagne, la Russie soviétique et la Pologne instaurent le vote des femmes.

1919

Le Canada instaure le vote des femmes à l'échelon fédéral (les femmes votaient dans toutes les provinces sauf le Québec depuis 1918). Les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suède instaurent le vote des femmes. Le pape Benoit XV accepte le principe du vote féminin.

20 mai 1919

La Chambre des députés adopte pour la première fois une proposition de loi instaurant le vote des femmes, par 329 voix contre 95. Les États-Unis instaurent le vote des femmes à l'échelon fédéral, ainsi que la Tchécoslovaquie et l'Autriche.

21 novembre 1922

Le Sénat refuse d'examiner les articles de la proposition de loi sur le vote des femmes (par 156 voix contre 134).

1925

Création de l'Union nationale pour le vote des femmes (U.N.V.F.), d'inspiration conservatrice et catholique.

7 avril 1925

La Chambre des députés adopte par 389 voix contre 140 une proposition de loi instaurant le vote des femmes lors des élections municipales et cantonales

mai 1925

Profitant d'une lacune dans la réglementation, le Parti communiste place des femmes en position éligible sur ses listes pour les élections municipales dans toutes les communes de la banlieue parisienne. Les élues siégeront effectivement jusqu'à l'annulation de leur élection par les tribunaux.

12 juillet 1927

La Chambre des députés adopte, par 396 voix contre 94, une résolution « invitant le Gouvernement à hâter, devant le Sénat, la discussion du projet de loi voté par la Chambre des députés concernant le suffrage des femmes aux élections municipales ».

1931

La République espagnole instaure le vote des femmes. Il est supprimé, ainsi que d'autres droits civils et professionnels, dans les premières années de la dictature du général Franco et ne sera rétabli qu'en 1961. Les femmes espagnoles ne récupéreront l'ensemble de leurs droits civiques qu'en 1975.

31 mars 1932

La Chambre des députés, par 446 voix contre 60, adopte une résolution par laquelle elle « invite le Gouvernement à user de toute son influence auprès du Sénat pour obtenir que cette Assemblée mette en délibération les textes votés à ce sujet par la Chambre des députés ».

1934

La Turquie instaure le vote des femmes. Le Congrès des maires se prononce pour le vote des femmes aux élections municipales dès 1935.
 
 Louise Weiss fonde « La femme nouvelle », association pour l'égalité des droits civiques multipliant pendant deux ans les actions spectaculaires

1er mars 1935

La Chambre des députés se prononce pour le vote des femmes pour la cinquième fois, par 453 voix contre 124.

1935

L'U.F.S.F. compte 100 000 membres.
 
 Campagne de l'U.F.S.F. et des autres mouvements suffragistes pour l'élection de conseillères municipales.
 
 Les Philippines instaurent le vote des femmes. Les femmes votent dans tous les pays d'Europe, à l'exception de la France, la Suisse, l'Italie et des États des Balkans.

1935-1936

Plusieurs communes organisent des scrutins parallèles mixtes aboutissant à faire élire des conseillères municipales supplémentaires ; à Louviers, dont le maire est Pierre Mendès France, 6 conseillères sont ainsi élues et siègent avec voix délibérative.

2 juin 1936

Devant le Sénat, Louise Weiss et des militantes de La Femme nouvelle offrent aux sénateurs des chaussettes portant l'inscription : « Même si vous nous donnez le droit de vote, vos chaussettes seront raccommodées ».

4 juin 1936

Léon Blum nomme 3 femmes sous-secrétaires d'État : Cécile Brunschvicg, présidente de l'U.F.S.F., à l'éducation nationale, Suzanne Lacore, à la santé publique et Irène Joliot-Curie, à la recherche scientifique.
 Cécile Brunschvicg, par ailleurs membre du comité exécutif du Parti radical, doit quitter la présidence de l'U.F.S.F.

30 juillet 1936

La Chambre des députés se prononce pour la sixième et dernière fois pour le vote des femmes, par 495 voix contre 0. Le gouvernement s'abstient. Le Sénat n'inscrira jamais ce texte à son ordre du jour.

23 juin 1942

Le Général de Gaulle déclare qu'« une fois l'ennemi chassé du territoire, tous les hommes et toutes les femmes de chez nous éliront l'Assemblée nationale ».

novembre 1943

Lucie Aubrac est nommée membre de l'Assemblée consultative provisoire. Elle n'y siégera qu'en novembre 1944 à Paris. Une femme y siège dès 1943 : Marthe Simard.

mars 1944

Le programme du Conseil national de la Résistance reste silencieux sur la question du vote des femmes.

18 mars 1944

Le Général de Gaulle déclare devant l'Assemblée consultative provisoire que « le régime nouveau doit comporter une représentation élue par tous les hommes et toutes les femmes de chez nous ».

24 mars 1944

A l'Assemblée consultative provisoire, l'amendement Fernand Grenier instaurant le vote des femmes est adopté par 51 voix contre 16.

21 avril 1944

L'article 17 de l'ordonnance portant organisation des pouvoirs publics en France après la Libération dispose que « les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ».

7 novembre 1944

Pour l'ouverture de sa session à Paris, l'Assemblée consultative provisoire comporte 10 femmes.

29 avril -13 mai 1945

Premier vote des femmes aux élections municipales

21 octobre 1945

Premier vote des femmes dans un scrutin national (référendum et Assemblée constituante). 33 femmes sont élues membres de l'Assemblée nationale constituante (17 communistes, 6 socialistes, 9 MRP, 1 PRL).

 

La Troisième république et le suffrage des femmes : l'inefficacité du législateur

Les écrits des chercheurs et des penseurs politiques en faveur du suffrage des femmes2

 

Joseph-Barthélemy, universitaire et député - Le vote des femmes, Paris, Félix Alcan, 1920.

Avec une infinie circonspection, Joseph-Barthélemy pèse et soupèse, au long de six cents pages, les avantages et les inconvénients de l'octroi aux femmes du droit de suffrage. Finalement, c'est oui. Espérons cependant que « l'électrice restera femme, avec tous les privilèges que lui ont acquis et sa grâce et son charme et la puissance de sa faiblesse. Les lois sociales ne transforment pas les lois de la nature » (p. 613).

Le parlementaire avait montré plus d'audace que l'universitaire. Joseph-Barthelemy rapporta d'une manière très favorable en 1919 une proposition de loi accordant le droit de vote aux femmes.

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Raymond Poincaré - Pour le suffrage des femmes, discours prononcé au Palais du Trocadéro le 3 décembre 1921.

A l'invitation de Maria Vérone, Poincaré, « ancien Président de la République », rend hommage au rôle joué par les femmes de 1914 à 1918, qui aurait dû leur valoir la conquête du « droit de cité dans la République ». Mais la réforme proposée est modeste. « Pourquoi ne pas commencer à leur ouvrir, à titre d'épreuve, l'accès des conseils municipaux ? ».

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Paul Valéry - Le suffrage des femmes

"La formule actuelle de la France, en ce qui concerne le droit des femmes, doit nettement s'écrire ainsi :
Au regard de la loi constitutionnelle, la première des femmes est un être inférieur au dernier des hommes.
Et, de plus :

Toute Française est un être inférieur à n'importe quelle femme des pays où la femme vote."

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André Tardieu - La réforme de l'État

Ce livre reprend sous une forme abrégée les propositions de réforme constitutionnelle présentées par André Tardieu dans « L'heure de la décision » (1934). Il comporte un chapitre sur « le vote des femmes ». « Une démocratie n'est qu'un mot, quand la moitié de la nation est privée du droit de suffrage et de représentation ». Tardieu attaque avec vivacité le Sénat accusé de « jouer à cache-cache avec le vote des femmes ».

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La proposition Dussaussoy, exemple d'un échec

En 1906, Paul Dussaussoy, député appartenant au groupe de l' action libérale dépose une proposition de loi "tendant à accorder aux femmes le droit de  vote dans les élections aux conseils municipaux, aux conseils d'arrondissement et aux conseils généraux". il conçoit la limitation aux élections locales du droit de vote des femmes comme la possibilité d'acquérir « l'expérience civique nécessaire à tous les membres d'une démocratie ». Ferdinand Buisson, au nom de la commission du suffrage universel dépose le 16 juillet 1909 un rapport favorable, qui présente un historique du suffrage féminin en France et à l'étranger et reconnaît le principe du droit de vote des femmes tout en préconisant une solution progressive séparant le vote municipal du vote politique et proposant l'électorat et l'éligibilité des femmes aux conseils municipal, d'arrondissement et général ainsi que la possibilité d'être déléguées sénatoriales. Paul Dussaussoy décède en 1909, l'examen du texte est reporté sine die.

Redéposée à chaque législature, la proposition est enfin examinée par la séance publique en mai 1919. En ouvrant la session de 1918, Jules Siegfried, doyen d'âge de la Chambre, déclara que la nation devrait accorder le droit de vote aux femmes en reconnaissance de leur « admirable conduite pendant la guerre ».

Le débat s'ouvre au Palais Bourbon le 8 mai 1919, sur le rapport favorable de Pierre-Étienne Flandin. Il propose que le droit de vote soit accordé aux femmes, mais, seulement dans les élections aux conseils municipaux, aux conseils d'arrondissement et aux conseils généraux, et à condition qu'elles aient atteint trente ans. Soutenu par le socialiste Bracke, qui demande que le droit de vote fût accordé aux femmes pour toutes les élections, le rapport Flandin est combattu, sur le terrain de l'opportunité, par Victor Augagneur, socialiste indépendant. Le 20 mai, après une intervention d'Aristide Briand (« Je vote pour l'égalité des droits des hommes et des femmes »), la proposition de loi est votée par 329 voix contre 95.

Au Sénat, le texte n'est examiné qu'en 1922 -et sur un rapport défavorable d'Alexandre Bérard.

Les sénateurs refusent de passer à la discussion des articles par 156 voix contre 134 mettant un coup d'arrêt au processus de reconnaissance de l'égalité politique entre les hommes et les femmes.

Suivent quinze ans d'un « jeu de cache-cache ». Les députés, à chaque législature, adoptent des propositions instituant le suffrage féminin, selon des modalités diverses (âge des électrices, type d'élections...), parfois compliquées par l'introduction du vote familial. La Chambre vote des résolutions invitant le Gouvernement à « user de son influence » pour faire inscrire ces textes à l'ordre du jour du Sénat. Les sénateurs n'en ont cure et enlisent ou repoussent les propositions des députés.

La dernière, et toujours vaine, étape a lieu en 1936. La Chambre du Front populaire adopte le 30 juillet la proposition de loi de Louis Marin donnant aux femmes électorat et éligibilité à toutes les élections. Ce texte est adopté à l'unanimité des 495 votants.

La seconde guerre mondiale surviendra avant que le Sénat se soit saisi de ce texte.

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Hubertine Auclert : Le vote des femmes (Paris, Giard et Brière, 1908)

« L'universalisation du suffrage aux femmes, décuplera la puissance de la nation, accélérera l'évolution sociale, intensifiera la sollicitude de la collectivité à l'égard de l'individu ; et, fera s'ouvrir pour les humains une ère de bonheur ». Paris, Giard et Brière, 1908.

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Maria Vérone - Pourquoi les femmes veulent voter (conférence faite à la Vie féminine, le 24 avril 1914).

"Les femmes veulent voter : pour défendre leurs biens ; défendre leur dignité ; conquérir leurs droits de mères ; défendre leurs enfants ; assurer le complet développement de leurs facultés ; obtenir l'application du principe :  à travail égal, salaire égal ; réclamer des réformes sociales ; lutter contre l'alcoolisme ; assurer la paix du monde."

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Yvonne Netter - Plaidoyer pour la femme française

L'auteur dénonce « la misérable condition juridique de la femme française », dont l'exclusion du droit de vote est un aspect. Elle estime que le Sénat «ne peut traiter ni par le mépris, ni par le silence, le vote unanime de la proposition Louis Marin, à la Chambre des députés, le 30 juillet 1936».

La décision du Général de Gaulle

« De même que nous prétendons rendre la France seule et unique maîtresse chez elle, ainsi ferons-nous en sorte que le peuple français soit seul et unique maître chez lui. En même temps que les Français seront libérés de l'oppression ennemie, toutes leurs libertés intérieures devront leur être rendues. Une fois l'ennemi chassé du territoire, tous les hommes et toutes les femmes de chez nous éliront l'Assemblée nationale qui décidera souverainement des destinées du pays ».

Déclaration du général de Gaulle, le 23 juin 1942.
Publiée en France dans les journaux clandestins.

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« Les femmes seront électrices et éligibles 3

dans les mêmes conditions que les hommes. »

Débat du 24 mars 1944 à l'Assemblée consultative d'Alger

M. le Président. - Je donne lecture de l'article 16 :

« Les femmes seront éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ».

J'ai été saisi d'un amendement de M. Grenier ainsi conçu :

« Les femmes seront électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ».

M. Grenier. - Je ne reviendrai pas pour défendre mon amendement sur ce que j'ai déjà dit au sujet du vote des femmes.

Ce sont les mêmes considérations qui m'ont inspiré. Je pense que l'amendement de M. Prigent ayant été adopté par l'Assemblée, les femmes doivent voter, non seulement aux élections qui aboutiront à la Constituante, mais également à toutes les élections qui auront lieu dès la libération.

M. le Président de la Commission. - Je dois rappeler que c'est à l'unanimité moins une voix que la Commission avait adopté le principe du vote des femmes, et que c'est à l'unanimité qu'elle avait estimé que les femmes ne voteraient pas aux élections provisoires qui auraient lieu en cours de libération.

Il ne s'agit pas d'apprécier les capacités, les mérites et les droits de la femme à voter, mais uniquement d'examiner les conditions de fait dans lesquelles elle va être amenée à exercer ce droit pour la première fois. N'oubliez pas que le délai de trois mois que nous avons prévu pour la reconstitution des listes électorales est extrêmement court, même pour des élections ordinaires. Or, le travail sera encore compliqué par l'absence des réfugiés, prisonniers et déportés. Si l'on doit ajouter les femmes sur ces listes les difficultés seront encore accrues. D'autre part, il est établi qu'en temps normal les femmes sont déjà plus nombreuses que les hommes. Que sera-ce à un moment où prisonniers et déportés ne seront pas encore rentrés ? Quels que soient les mérites des femmes, est-il bien indiqué de remplacer le suffrage universel masculin par le suffrage universel féminin ?

Enfin, je pense que la confection matérielle des listes électorales où, pour la première fois, figureront les femmes, donc des listes nouvelles, demandera beaucoup de temps. Si donc l'on admet les femmes à voter aux premières élections qui suivront la libération, on ouvre la porte à toutes sortes de fraudes et d'irrégularités dans cette période incertaine qui accompagnera les premières consultations populaires. Autant je considère que l'amendement de M. Prigent était fondé, autant j'estime qu'il n'y a pas lieu de retenir celui de M. Grenier. La Commission en demande donc le rejet.

M. Antier. - Je ne partage pas l'avis de la Commission. Je considère que la France, hommes et femmes réunis, résiste dans son ensemble. Il serait donc injuste d'écarter les femmes des premières élections, d'autant plus que ces élections se dérouleront à l'échelon communal et départemental. La confection des listes est donc possible.

M. Poimbœuf. - J'avais, à la Commission, soutenu le vote des femmes dès les premières élections, et c'est uniquement parce qu'il apparaissait pratiquement impossible de dresser les listes dans le délai légal de trois mois que, par la suite, je m'y étais opposé. J'insiste sur le terme « pratiquement ». On pourrait donc, peut-être, envisager une prorogation de ce délai de trois mois, ce qui permettrait de concilier tous les points de vue.

M. Grenier. - Je dois avouer qu'aucun des arguments exposés ne m'a convaincu. L'éloignement de leurs foyers de nombreux prisonniers et déportés qui ont été remplacés dans leurs tâches par leurs femmes, confère à ces dernières un droit encore plus fort de voter dès les premières élections. Quant à la confection matérielle des listes électorales, j'estime qu'il s'agit d'une question de bonne volonté et d'organisation dans chaque mairie. Il suffirait d'y employer un personnel suffisamment nombreux. On l'a bien fait pour les cartes de vêtements ou d'alimentation.

Je ne comprends pas non plus qu'on puisse supposer que nous demandons le vote féminin dès les premières élections pour faciliter je ne sais quelles irrégularités. Nous demandons simplement que toute la Nation soit appelée à se prononcer sur ceux qui la dirigeront, que ce soit à l'échelon municipal, départemental ou national.

Je dois d'ailleurs vous mettre en garde contre une réaction éventuelle de l'opinion publique. À la suite de nos derniers débats, le presse et la radio ont annoncé que le suffrage des femmes était décidé, et l'on n'a pas précisé s'il s'agissait d'élections suivant immédiatement la libération ou plus tardives. Si mon amendement n'est pas retenu, nous donnerons l'impression de nous être déjugés. (Applaudissements)

M. Hauriou. - C'est le groupe des indépendants de la Résistance qui a proposé d'ajouter à l'article 1er du projet d'ordonnance sur les élections à l'Assemblée constituante, une disposition prévoyant le vote des femmes. Nous ne pouvons donc être suspectés d'hostilité à cet égard. Je voudrais cependant présenter quelques observations.

En premier lieu, je dois souligner que sous le biais des élections municipales, c'est en réalité tout le problème des élections provisoires qui suivront que nous abordons. Car si nous admettons les femmes à voter aux premières élections qui suivront la libération, il sera impossible de ne pas les admettre aux élections pour l'Assemblée nationale provisoire. Il faut bien savoir dans quelle voie nous nous engageons. Le groupe des résistants indépendants a admis que, s'agissant d'élections pour une représentation provisoire, il ne saurait être question de faire voter les femmes, car ceci ne manquerait pas de provoquer un déséquilibre dans le corps électoral.

Par contre nous ne formulons aucune réserve au suffrage féminin quand les conditions seront redevenues normales.

Il y a dans notre position une seconde raison. Nous souhaitons que le vote féminin réussisse. Or, si nous suivions M. Grenier dans son amendement, il serait à redouter que les femmes n'encourent des responsabilités et des reproches immérités, dans une consultation populaire où elles auraient eu la majorité.

Nous estimons que le premier essai de vote des femmes doit avoir lieu dans des conditions normales, et c'est pourquoi nous voterons contre l'amendement de M. Grenier.

M. Antier. - La participation des femmes au suffrage universel est un droit qui n'est pas discutable.

M. le Président de la Commission. - Je voudrais répondre d'un mot à M. Grenier quant aux irrégularités et aux fraudes qui risquent de se produire si les femmes sont admises à voter tout de suite. Il sera matériellement et techniquement impossible, étant donnés les délais restreints, de procéder à une constitution régulière des listes électorales. J'insiste donc pour le rejet de l'amendement.

M. Ribière. - Au point de vue de la constitution de listes, je ne vois vraiment pas d'obstacles sérieux à l'admission des femmes. Notre collègue Grenier a judicieusement fait observer qu'il avait été possible, sans grandes difficultés, d'établir les cartes d'alimentation.

D'autre part, il faut reconnaître que les femmes qui sont en France et dont les maris sont prisonniers en Allemagne voteront dans le même esprit qu'auraient voté leurs maris. Refuser le droit de vote aux femmes pour ce premier suffrage serait à mon avis une injure pour les femmes.

M. Grenier. - Il semble que l'argument décisif contre mon amendement soit celui de la difficulté d'établir des listes électorales complètes. Je fais observer que, même pour les électeurs masculins, il sera impossible d'obtenir des listes complètes. Si l'on annonçait dans les communes que toutes les femmes doivent se présenter à la mairie, munies de leurs pièces d'identité, les femmes se feraient elles-mêmes inscrire. Si certaines ne se dérangent pas, tant pis pour elles, elles ne voteront pas. De toute façon, j'estime qu'il vaut mieux une participation des femmes à 80 ou 90 % que pas de participation du tout. Il faut qu'ici chacun se prononce par oui ou par non.

M. Vallon. - Je retrouve dans ce débat les traditions de l'ancien Parlement français dans ce qu'elles avaient de plus détestable. À maintes reprises, le Parlement s'est prononcé à la quasi unanimité pour le principe du vote des femmes, mais, chaque fois, l'on s'est arrangé par des arguments de procédure pour que la réforme n'aboutisse pas.

Ces petits subterfuges doivent cesser (Applaudissements) ; il faut parfois savoir prendre des risques.

M. Bissagnet. - L'amendement Grenier amènera un déséquilibre très net, car il y aura deux fois plus de femmes que d'hommes qui prendront part au vote. Aurons-nous donc une image vraie de l'idée du pays ? En raison de ce déséquilibre, je préfère que le suffrage des femmes soit ajourné jusqu'à ce que tous les hommes soient rentrés dans leurs foyers, et c'est pourquoi je voterai contre l'amendement.

M. Charles Laurent. - Je tiens à préciser que ce n'est pas du tout la question des difficultés d'établissement des listes électorales, qui m'a amené à voter contre l'amendement, à la Commission. Le véritable argument est celui tiré du déséquilibre auquel M. Bissagnet vient de faire allusion.

Au moment où la population sera appelée à aller aux urnes, il y aura cinq millions d'absents, et les femmes seront, en France, deux fois et demi plus nombreuses que les hommes. Il est impossible d'envisager le suffrage dans ces conditions. Aussi voterai-je dans le sens demandé par la Commission.

M. Darnal. - Je m'étonne pour ma part qu'on ait soulevé cet argument de déséquilibre. Est-ce à dire que les femmes françaises sont des déséquilibrées ? S'il peut y avoir déséquilibre, pourquoi alors a-t-on admis le vote des femmes lorsqu'il s'agit de questions aussi importantes que celles qui feront l'objet des élections à l'Assemblée nationale ? Devons-nous oui ou non légiférer pour sortir la France du marasme et de sa misère présente, et devons-nous nous attacher à des questions de procédure ?

La Résistance a dit, par la voix de M. Prigent, que nous avions résisté avec nos femmes et nos filles. Pourquoi alors les femmes n'apporteraient-elles pas leur concours intellectuel comme elles ont donné leur concours physique ?

M. Valentino. - Jusqu'à présent, on a semblé approuver l'octroi du vote aux femmes au moment des élections à l'Assemblée constituante et refusé ce même droit lors des élections municipales provisoires.

J'ai voté en faveur du vote des femmes à l'Assemblée constituante, je voterai cependant contre l'amendement de M. Grenier. Il n'y a pas contradiction dans mon attitude car je suis pour le respect de la légalité républicaine.

Pour la Constituante, il s'agit de fixer de nouvelles règles pour la Constitution de la France, et les femmes doivent participer au vote.

Mais nous ne sommes pas une Assemblée législative, nous ne pouvons bousculer la légalité républicaine.

Notre rôle consiste à réparer les lézardes que Vichy a pu créer et les conséquences des défaillances humaines. Ce qui est indispensable c'est de renouveler l'Administration municipale en restant fidèle aux règles.

M. Costa. - Après les arguments qui ont été présentés, je déclare que je voterai pour le vote « immédiat » des femmes.

M. Poimbœuf. - L'observation que je vais faire semblera remettre en discussion, contrairement à toutes les règles de procédure, l'article 15 qui a déjà été adopté (*) ; en réalité elle ne fera qu'apporter une précision.

J'estime, eu égard aux arguments invoqués, que le délai imparti risque d'être trop court, et je demande que l'on ajoute à l'article 15 qui parle « d'un délai de trois mois » la disposition suivante : « sous réserve de la constitution des listes électorales ». (Mouvements divers). Cette réserve ne constitue pas un « torpillage » du projet ; j'admets que les élections devront avoir lieu dans un délai de trois mois, et que les femmes y seront appelées. Ce n'est que si le délai s'avère trop court qu'il y aura lieu de le proroger. Les élections ne seront reculées que dans le cas où les listes électorales ne pourraient pas être établies à temps (Mouvements divers). Je déclare, en tout cas, que je voterai pour la participation immédiate des femmes aux premiers votes.

M. Duclos. - J'appartiens à un département, le Var, qui a connu un sénateur qui a lutté pendant de nombreuses années en faveur du vote des femmes. Aussi je saisis l'occasion qui m'est offerte de faire triompher la proposition, étant certain d'autre part d'exprimer le vœu des conseillers généraux. Les arguments présentés contre le vote des femmes ne me semblent pas pertinents. Les femmes des prisonniers et de ceux qui sont morts pour la Patrie remplaceront leurs maris. Quant à l'équilibre électoral, il est aisé de répondre que l'équilibre de la Nation a été rétabli par les sacrifices et le courage des femmes.

On a soulevé les difficultés d'ordre pratique qui ne manqueraient pas d'apparaître lors de l'établissement des listes électorales. Ces difficultés sont exagérées ; il sera très facile de se référer en la matière aux cartes d'alimentation. On me dira peut-être que les résultats numériques que fourniront ces cartes ne seront pas parfaits. Peut-être en effet, y aura-t-il quelques fraudes, mais les listes électorales d'antan étaient-elles parfaites ? Je prétends qu'il est possible de réduire considérablement les tripotages. Par un travail consciencieux et un contrôle sévère on aboutira à un double résultat heureux : réprimer les fraudes et rendre possible le vote des femmes.

M. le Président de la Commission. - Je n'aurais pas repris la parole si l'intervention de M. Poimbœuf n'avait pas remis en question l'article 15 précédemment voté. Nous constatons les inconvénients que peuvent présenter les amendements soulevés au cours des débats. Ils sèment la confusion dans la discussion.

Quant à l'amendement Grenier, s'il était adopté, il aboutirait en fait à retarder les élections (Mouvements). Je n'ai aucun amour-propre à défendre, j'ai voté au sein de la Commission en faveur du vote des femmes et j'ai accepté au nom de la Commission l'amendement Prigent, mais il me semble impossible de constituer les listes électorales dans les délais impartis.

Pour les hommes, il sera possible de retrouver les listes de recrutement. Cet élément n'existe pas pour les femmes.

On vous a parlé des cartes d'alimentation. Mais M. Duclos a admis que les listes établies sur cette base pourraient ne pas être très régulières, et en dépit de ses espoirs je crains que des tripotages ne puissent être évités. C'est pour écarter ce grave problème d'irrégularité que je propose de réserver le vote des femmes pour les élections subsidiaires.

L'amendement Grenier est mis aux voix par scrutin public.

A la majorité de 51 voix contre 16 sur 67 votants, l'amendement est adopté.

Ont voté pour : MM. Antier, d'Astier de la Vigerie, Aubrac, Aurange, Auriol, Billoux, Blanc, Bonte, Bourgoin, Bouzanquet, Buisson, R. P. Carrière, Claudius, Costa, Croizat, Cuttoli, Darnal, Debiesse, Duclos, Evrard, Fayet, Ferrière, Froment, Gazier, Gervolino, Giovoni, Girot, Grenier, Marty, Mayoux, Mercier, Mistral, Moch, Muselli, Parent, Poimbœuf, Prigent, Pourtalet, Rencurel, Ribière, Tubert, Vallon, de Villèle.

Bulletins 4, 6, 7, 9, 11, 13, 14, 15.

Ont voté contre : MM. Astier, Azaïs, Bosman, Cassin, Dumesnil de Gramont, Francke, Gandelin, Giacobbi, Hauriou, Jean-Jacques, Laurent, Maillot, Rucart, Valentino, Viard.

Bulletin 3.

En congé ou excusés : MM. Boillot, Ely Manel Fall, Seignon, Zivarattinam.

N'ont pas pris part au scrutin : MM. Bendjelloul, Bissagnet, de Boissoudy, Cot, Guérin, Guillery, Lapie, Morandat, Serda et M. Félix Gouin qui présidait la séance.

Supplément au Journal Officiel de la République française du 30 mars 1944, pp. 2-3 et 8 (scrutin).

(*) Article 15 : « Dès que dans un département l'établissement des listes électorales sera terminé, et au plus tard dans les trois mois suivant la libération de ce département, le Préfet sera tenu de convoquer le Collège électoral pour procéder à l'élection des municipalités et d'un conseil général provisoire. »

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Ordonnance du 21 avril 1944 (J.O. du 22 avril 1944) portant organisation des pouvoirs publics en France après la libération

Le comité français de la libération nationale,

Vu l'ordonnance du 3 juin 1943 portant institution du Comité français de la libération nationale ;

Vu l'ordonnance du 17 septembre 1943 portant constitution d'une assemblée consultative provisoire, modifiée par les ordonnances des 13 octobre et 6 décembre 1943 ;

Vu l'avis émis le 27 mars 1944, par l'assemblée consultative provisoire, conformémement aux dispositions de l'article 20 de l'ordonnance du 17 septembre 1943 ;

Le comité juridique entendu,

Ordonne :

[…]

Titre IV 

Elections

Article 16 : Lorsque dans un département, l'établissement des listes électorales est terminé, le préfet convoque le collège electoral pour procéder aux élections des municipalités et d'un conseil général provisoire.

Article 17 : les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes

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Textes ayant  valeur juridique 

 

1945, Charte des Nations Unies

La Charte des Nations Unies fut adoptée à la fin de la Conférence de San Francisco, le 26 juin 1945 par 50 pays. Elle affiche en préambule une profession de foi toute à fait novatrice :« Nous, peuples des Nations Unies, résolus à (…) proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites ».

Les Organisations intergouvernementales de femmes et les mouvements féministes de l’époque avaient obtenus que la notion d’égalité des droits des hommes et des femmes soient inscrite en toutes lettres afin que le droit des femmes ne disparaisse pas derrière celui des hommes. En citant nommément la notion d’égalité homme-femme les Nations Unies ont ainsi contribué à inscrire ce principe dans le droit international.
Cette Charte a eu d’autant plus de portée qu’elle est l’équivalent pour les Nations Unies d’une Constitution. Elle définit les buts et principes de l’Organisation des Nations unies, la composition, les buts et pouvoirs de ses organes exécutif (le Conseil des Nations Unies), délibératif (l’Assemblée Générale), judiciaire (la Cour internationale de justice) et administratif (le Conseil économique et social, le Conseil de tutelle et le Secrétariat Général).

Pour plus d’information :

http://www.un.org/french/aboutun/charte/

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1948, Déclaration universelle des droits de l’Homme


Cette déclaration réaffirme, entre autre, le principe d’égalité entre les sexes dans ses articles 1 et 2.

Article 1 : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Article 2 : Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion publique ou de toute autre opinion nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. (…)
Pour lire l’ensemble de la déclaration :
http://www.un.org/french/aboutun/du...

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Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966

– Article 2

Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment […] de sexe…

– Article 3 

1. Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à assurer le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits civils et politiques énoncés dans le présent Pacte. 

– Article 4 

1. Dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les Etats parties au présent Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la situation l’exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le présent Pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu’elles n’entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur […] le sexe…

– Article 26

Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. A cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment […] de sexe…

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Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966

– Article 2

2. Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur […] le sexe…

– Article 3

Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à assurer le droit égal qu’ont l’homme et la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels qui sont énumérés dans le présent Pacte.

– Article 7

Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, qui assurent notamment :

a) La rémunération qui procure, au minimum, à tous les travailleurs :

i) Un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale sans distinction aucune ; en particulier, les femmes doivent avoir la garantie que les conditions de travail qui leur sont accordées ne sont pas inférieures à celles dont bénéficient les hommes et recevoir la même rémunération qu’eux pour un même travail ;

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1979, Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes

(CEDEF en français ou CEDAW en anglais)
Cette convention constitue l’instrument international le plus complet concernant les femmes. A la mi-2007, il a été ratifié par plus de 90% des pays membres de Nations Unies (185 pays).
En ratifiant la CEDEF, chaque gouvernement s’engage à inscrire dans le droit national le principe d’égalité homme-femme. L’engagement porte aussi sur la mise en place de mécanismes et d’instruments de lutte contre les discriminations à l’égard des femmes, qu’elles soient politiques, sociales, économiques ou culturelles. Les principes d’égalité et de mise en place d’outils pour leurs applications sont précisément déclinés dans chaque domaine : accès à l’éducation, accès à tous les postes de la vie publique et politique, égalité dans le domaine de l’emploi, reconnaissance de la fonction sociale de la maternité, modification des traditions coutumières préjudiciables aux femmes, égalité dans l’accès aux soins de santé, accès égal à la vie économique (prêt bancaires, prestations familiales…), à la pratique du sport…
La mise en œuvre de la Convention est contrôlée par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (lui aussi souvent désigné par son acronyme anglais CEDAW) est composé de 23 expertes indépendantes choisies par les États parties. Cependant, elles ne représentent pas leurs gouvernements mais siègent en leur qualité personnelle et expriment leurs opinions personnelles. Le comité se réunit deux fois par an en général au siège de l’ONU, à New-York (USA). Il est l’organe en charge du suivi de l’application de la Convention pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de son protocole additionnel. Le Comité reçoit également les plaintes d’individus ou de groupes discriminés et peuvent commanditer des enquêtes en cas d’atteinte grave aux droits des femmes.
Tous les 4 ans, les 185 pays signataires, doivent remettre au Comité un rapport détaillé des actions mises en œuvre pour la lutte contre les inégalités subies par les femmes. Mais il faut constater qu’il est encore difficile de disposer de données fiables pour évaluer les progrès engagés depuis la signature de la CEDEF, sans doute en raison de l’absence d’une grille d’analyse internationale.
La thématique des inégalités (et des violences) subies par les femmes est complexe à mesurer. D’où la difficulté d’établir des protocoles et d’obtenir des données fiables. Certains indicateurs voient le jour, notamment l’Indice de développement et des inégalités entre les sexes en Afrique (IDISA) mis au point en 2006 par la Commission économique pour l’Afrique. L’IDISA permet de mesurer de façon homogène les inégalités de genre en Afrique, de produire des données chiffrées et ainsi d’évaluer la portées des actions et la volonté des gouvernements à rétablir l’équilibre.


Pour plus d’information sur l’IDISA et télécharger le document Pdf :

http://www.mondefemmes.org/indicate...

Pour plus d’information sur la CEDAW, en anglais : http://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/

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1999, Le protocole additionnel de la CEDEF


Un Protocole optionnel à la CEDEF a vu le jour en 1999. Contrairement à la Convention, le Protocole, n’admet aucune réserve des Etats lors de leur ratification du texte. Il permet aux femmes victimes de discriminations sexo-spécifiques de porter plainte, individuellement ou collectivement, auprès du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. 88 pays parmi les 185 signataires de la CEDEF ont ratifié le protocole optionnel au 15 juin 2007.
La Convention et son protocole additionnel ont favorisé une évolution des législations et l’élaboration de politiques nationales visant à améliorer la participation des femmes dans tous les domaines de la vie politique, sociale, juridique et culturelle.


Pour plus d’information sur le protocole additionnel, en anglais :

http://www.un.org/womenwatch/daw/ce...

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Résolution 1325 du Conseil de Sécurité du 31 octobre 2000

Cette Résolution est la première à s’intéresser spécifiquement à l’impact des guerres sur la situation des femmes. Elle demande aux États de prendre les mesures nécessaires afin de protéger les droits des femmes et des filles dans les conflits armés, d’impliquer davantage les femmes à tous les niveaux de prise de décision et d’assurer une égalité entre les sexes dans toutes les opérations de promotion et de maintien de la paix.

Résolutions 1820 (2008)1888 (2009), 1889 (2009), 1960 (2010) du Conseil de Sécurité sur la place et le rôle des femmes dans les affaires de guerre et de paix(Doc. PDF n° 2 à 5)
Le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté par la suite ces quatre résolutions supplémentaires sur la place et le rôle des femmes dans les affaires de guerre et de paix.

Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Principes directeurs sur la protection internationale : la persécution liée au genre dans le cadre de l’article 1A(2) à de la Convention de 1951, 8 juillet 2008
En accordant une attention plus importante aux activités politiques « publiques » plus typiquement masculines, on a occulté, dans la mise en œuvre de la Convention relative aux réfugiés, des formes de persécution qui touchent plus typiquement les femmes. Les principes directeurs édictés par le HCR sur la persécution liée au genre rappellent que si les femmes peuvent être persécutées pour les mêmes motifs que les hommes, le fait d’être une femme peut influencer ou dicter le type de persécution ou de préjudices subis, ainsi que les raisons du traitement subi. C’est en tant que femmes que certaines sont l’objet de violences spécifiques telles que le viol, le harcèlement sexuel, la torture sexuelle, la stérilisation ou la grossesse forcées. Et c’est aussi en tant que femmes que celles qui transgressent ou refusent les lois, normes, rôles, contraintes, discriminations qui leur sont imposées sont persécutées ou craignent de l’être.

CONSEIL DE L’EUROPE

Les textes suivants, adoptés par l’Assemblée parlementaires et par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, quelle que soit leur dénomination (résolution, recommandation, déclaration), n’ont pas de portée contraignante pour les États membres. Ils indiquent néanmoins les actions qui sont attendues des gouvernements pour renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes dans différents domaines

Textes adoptés par l’assemblée parlementaire

Résolution 855 (1986) relative à l’égalité entre les hommes et les femmes

Recommandation 1229 (1994) relative à l’égalité des droits entre les hommes et les femmes

Recommandation 1269 (1995) relative à un progrès tangible des droits des femmes à partir de 1995

Recommandation 1271 (1995) relative aux discriminations entre les hommes et les femmes pour le choix du nom de famille et la transmission du nom des parents aux enfants

Recommandation 1899 (2010) Augmenter la représentation des femmes en politique par les systèmes électoraux

Textes adoptés par le Comité des ministres

Recommandation Rec (2002) 5 sur la protection des femmes contre la violence

Recommandation Rec (2003) 3 sur la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et publique

Recommandation CM/Rec (2007) 17 sur les normes et mécanismes d’égalité entre les femmes et les hommes

Déclaration CM(2009)68 : « Faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une réalité dans les faits » adoptée par le Comité des ministres le 12 mai 2009

 

TEXTES COMMUNAUTAIRES

Le droit communautaire a eu une influence déterminante sur les progrès de l’égalité entre les hommes et les femmes. Le Traité de Rome de 1957 contenait déjà un article 119 obligeant les États membres à assurer l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et féminins. Une série de directives sont venues mettre en œuvre et élargir ce principe à l’ensemble des relations de travail, directive qui ont été transposées dans le droit français, essentiellement dans le code du travail (voir infra). La Cour de Justice des Communautés européennes (aujourd’hui Cour de Justice de l’Union européenne) a contribué de son côté, par une jurisprudence audacieuse, à approfondir les exigences de l’égalité de traitement entre hommes et femmes.

Le Traité d’Amsterdam adopté en 1997 et entré en vigueur en 1999 a représenté une nouvelle étape de cette évolution en proclamant que la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes fait partie des missions de la Communauté. Il a aussi donné aux instances communautaires compétence pour prendre des initiatives en vue de combattre toutes les discriminations, entre autres fondées sur le sexe.

On retrouve ces mêmes principes dans le Traité sur l’Union européenne et le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dans leur rédaction issue du Traité de Lisbonne.

Pour mettre en œuvre ces principes, la Commission a élaboré une « feuille de route pour l’égalité entre les femmes et les hommes », couvrant la période 2006-2010. Dans un document, intitulé « stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes » et qui couvre la période 2010-2015, la commission a présenté ses nouvelles priorités en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, qui visent notamment à contribuer à améliorer la place des femmes dans le marché de l’emploi, dans la société et dans les postes de décision.

Traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne

– Article 119

Chaque État membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail.
Par rémunération il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier.

L’égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique :

a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tache soit établie sur la base d’une même unité de mesure ;

b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail.

 

Traité instituant la communauté européenne modifié par le Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997

– Article 2

La Communauté a pour mission […] de promouvoir dans l’ensemble de la Communauté un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques, un niveau d’emploi et de protection sociale élevé, l’égalité entre les hommes et les femmes…

– Article 3

2. Pour toutes les actions visées au présent article, la Communauté cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l’égalité, entre les hommes et les femmes.

– Article 13

Sans préjudice des autres dispositions du présent traité et dans les limites des compétences que celui-ci confère à la Communauté, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

– Article 141 (ex-article 119)

1. Chaque État membre assure l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur.
2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier.

L’égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique:

a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d’une même unité de mesure;

b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail.

3. Le Conseil, statuant selon la procédure visée à l’article 251 et après consultation du Comité économique et social, adopte des mesures visant à assurer l’application du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière d’emploi et de travail, y compris le principe de l’égalité des rémunérations pour un même travail ou un travail de même valeur.

4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas un État membre de maintenir ou d’adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle.

 

Traité sur l’Union européenne (rédaction actuelle)

– Article 2

L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes.

– Article 3

[L’Union] combat l’exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant.

Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (rédaction actuelle)

 

– Article 8

Pour toutes ses actions, l’Union cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l’égalité, entre les hommes et les femmes.

– Article 10

Dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l’Union cherche à combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

– Article 19

1. Sans préjudice des autres dispositions des traités et dans les limites des compétences que ceux-ci confèrent à l’Union, le Conseil, statuant à l’unanimité conformément à une procédure législative spéciale, et après approbation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.
– Article 153
En vue de réaliser les objectifs visés à l’article 151, l’Union soutient et complète l’action des États membres dans les domaines suivants:
i) l’égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et le traitement dans le travail;


– Article 157

1. Chaque État membre assure l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur.


2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier.

L’égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique:


a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d’une même unité de mesure;


b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail.

3. Le Parlement européen et le Conseil, statuant selon la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social, adoptent des mesures visant à assurer l’application du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière d’emploi et de travail, y compris le principe de l’égalité des rémunérations pour un même travail ou un travail de même valeur.
4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas un État membre de maintenir ou d’adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle.

 

Directive 75/117/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins

Directive 76-207 du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et les conditions de travail

Directive relative à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale — 1979 (79/7/CEE). — Vise l’application du principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans les régimes légaux qui assurent une protection contre la maladie, l’invalidité, la vieillesse, les accidents du travail et les maladies professionnelles, et le chômage (pour mémoire)

Directive relative aux régimes professionnels de sécurité sociale — 1986 (86/378/CEE). — Vise la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans les régimes professionnels de sécurité sociale. Modifiée par la [directive 96/97/CE du Conseil, du 20 décembre 1996. (pour mémoire)

Directive relative à l’exercice d’une activité indépendante — 1986 (86/613/CEE). — Vise à mettre en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, y compris une activité agricole, et prévoit une protection des femmes indépendantes lors de la grossesse et de la maternité. (pour mémoire)

Directive relative aux travailleuses enceintes — 1992 (92/85/CEE). — Fixe des mesures minimales visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, y compris la nécessité d’un droit à un congé de maternité d’au moins quatorze semaines.
 (pour mémoire)

Directive relative au congé parental — 1996 (96/34/CE). — Accorde un congé parental à tous les parents, hommes et femmes, afin de leur permettre de s’occuper de leur enfant pendant au moins trois mois jusqu’à un âge déterminé à définir par les États membres, et accorde aux travailleurs le droit de s’absenter du travail en cas de maladie ou d’accident d’une personne à charge. (pour mémoire)

Directive 97/80/CEE relative à la charge de la preuve dans le cas des discriminations fondées sur le sexe

Directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002, modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et les conditions de travail

— Elle modifie la directive de 1976 sur l’égalité de traitement en y intégrant les définitions de la discrimination directe et indirecte et du harcèlement et en demandant aux États membres de mettre en place des organismes de promotion de l’égalité pour promouvoir, analyser, assurer le suivi et soutenir l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes.

Directive 2004/113/CE sur l’égalité dans l’accès aux biens et aux services

— Elle étend le champ d’application de la législation sur l’égalité entre les femmes et les hommes au-delà de la sphère de l’emploi en mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement dans l’accès aux biens et aux services mis à la disposition du public.

« Feuille de route pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2006-2010 » : Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, Comité économique et social européen et au Comité des régions du 1er mars 2006 (COM(2006) 92 final)

« Stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2010-2015 » : Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 21 septembre 2010 (COM(2010) 491 final)

 

Conseil des Communes et Régions d’Europe

Charte européenne pour l’égalité des hommes et des femmes dans la vie locale, 2006

TEXTES FRANCAIS

Préambule de la constitution de 1946 (extrait)
Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après :
La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. Droit de disposer de son corps et protection contre les violences

Loi du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances (« loi Neuwirth)

Loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de la grossesse (« loi Veil »)

Loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception

Loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein de couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants

Code civil

Loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille (modifiée par loi du 18 juin 2003 relative à la dévolution du nom de famille) (art. L. 311-1 et s. du code civil)

– Article 311-21

Lorsque la filiation d’un enfant est établie à l’égard de ses deux parents au plus tard le jour de la déclaration de sa naissance ou par la suite mais simultanément, ces derniers choisissent le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux. En l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l’égard duquel sa filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l’égard de l’un et de l’autre.
En cas de naissance à l’étranger d’un enfant dont l’un au moins des parents est français, les parents qui n’ont pas usé de la faculté de choix du nom dans les conditions du précédent alinéa peuvent effectuer une telle déclaration lors de la demande de transcription de l’acte, au plus tard dans les trois ans de la naissance de l’enfant.

Lorsqu’il a déjà été fait application du présent article ou du deuxième alinéa de l’article 311-23 à l’égard d’un enfant commun, le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour les autres enfants communs.

Lorsque les parents ou l’un d’entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu’un seul nom à leurs enfants.

– Article 311-23

Lorsque la filiation n’est établie qu’à l’égard d’un parent, l’enfant prend le nom de ce parent.
Lors de l’établissement du second lien de filiation puis durant la minorité de l’enfant, les parents peuvent, par déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil, choisir soit de lui substituer le nom de famille du parent à l’égard duquel la filiation a été établie en second lieu, soit d’accoler leurs deux noms, dans l’ordre choisi par eux, dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux. Le changement de nom est mentionné en marge de l’acte de naissance.

Toutefois, lorsqu’il a déjà été fait application de l’article 311-21 ou du deuxième alinéa du présent article à l’égard d’un autre enfant commun, la déclaration de changement de nom ne peut avoir d’autre effet que de donner le nom précédemment dévolu ou choisi.

Si l’enfant a plus de treize ans, son consentement personnel est nécessaire.

– Article 311-24

La faculté de choix ouverte en application des articles 311-21 et 311-23 ne peut être exercée qu’une seule fois.

Lutte contre les discriminations

Entre 1972 et 2008 une série de lois ont cherché à garantir l’égalité entre hommes et femmes, notamment dans la sphère professionnelle, d’une part, à prohiber et réprimer les discriminations fondées sur le sexe, d’autre part. Toutes ces réformes ont été intégrées dans le code du travail et dans le code pénal.

Loi du 9 décembre 1972. — Elle pose le principe de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes pour un travail égal ou de valeur égale. Non seulement la rémunération (salaire de base et tous les avantages) doit être égale, mais les différents éléments qui la composent doivent être fixés selon les mêmes critères pour les hommes et pour les femmes (définition des catégories d’emploi et de qualification, des grilles de salaire et des règles de promotion).

Loi du 4 juillet 1975. — Elle étend aux discriminations fondées sur le sexe les dispositions adoptées en 1972 en matière de discrimination raciale. Constitue un délit le fait de rédiger une offre d’emploi réservée à un sexe, de refuser une embauche ou de prononcer un licenciement en fonction du sexe ou de la situation de famille, « sauf motif légitime ». 

Loi du 13 juillet 1983 portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (dite « loi Roudy »). — Elle transpose la directive européenne du 9 février1976 (voir supra) et réaffirme le principe de l’égalité dans tous les domaines des relations professionnelles. Elle supprime la notion de « motif légitime » en matière de discrimination fondée sur le sexe et définit la notion de « travaux de valeur égale ». La loi institue l’obligation pour les entreprises de produire un rapport annuel sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise. Enfin, conformément encore à la directive, la loi prévoit que des mesures ponctuelles peuvent être prises « au seul bénéfice des femmes visant à établir l’égalité des chances entre hommes et femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes ».  

Loi du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes (dite loi Génisson ») —Elle encourage la mise en œuvre de “mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées notamment en ce qui concerne les conditions d’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et pour ce qui est des conditions de travail et d’emploi”. Elle crée une obligation de négocier sur l’égalité professionnelle au niveau de l’entreprise et au niveau des branches. Elle réaffirme l’obligation pour les entreprises de rédiger un rapport de situation comparée qui doit reposer sur des indicateurs chiffrés.

Loi du 16 novembre 2001, relative à la lutte contre les discriminations. — Elle réforme le dispositif législatif de lutte contre les discriminations en transposant les directives européennes de 2000. Elle complète les critères de discrimination prohibée, à la fois dans le code pénal et dans le code du travail, elle introduit la notion de discrimination indirecte, elle allège la charge de la preuve et permet aux associations et aux syndicats d’entamer des actions en justice à la place de la victime.

Loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. — Elle achève la transposition des directives européennes en tenant compte des remarques de la Commission : définition de la discrimination directe et indirecte, redéfinition de la notion de harcèlement comme comportement discriminatoire, etc.

Loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle : voir plus loin, sous « parité ».

Code du travail

Première partie, Titre IV : Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes, articles L. 1141-1 à L. 1146-3
Première partie, Titre V : Harcèlements : article L. 1151-1 à L. 1155-4

Parité

Loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes
– Article 1er
L’article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. »
– Article 2

L’article 4 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l’article 3 dans les conditions déterminées par la loi. »

Loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives

Loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives

Loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République
– Article 1


I. ― L’article 1er de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé : 
« La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

II. ― Le dernier alinéa de l’article 3 de la Constitution est supprimé.

Loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle. — Elle prévoit l’instauration progressive de quotas pour aller vers la féminisation des instances dirigeantes des grandes entreprises (entreprises publiques et entreprises cotées en bourse). Trois ans après la promulgation de la loi, les instances concernées devront compter au moins 20% de femmes, six ans après, le taux de féminisation devra atteindre 40%. Le non respect de ces quotas entraînera alors la nullité des nominations (sauf celles des femmes).

 

Déclarations

à l’issue des grandes conférences

La question de l’émancipation des femmes était le thème central de la 1ère Conférence internationale des Femmes à Mexico (Mexique) en 1975. L’année a été proclamée Année Internationale de la Femme, elle a été suivie par la proclamation de la Décennie de la Femme (1976–1985) au cours de laquelle furent organisées deux autres Conférences des Nations Unies pour les Femmes en 1980 à Copenhague (Danemark) et en 1985 à Nairobi (Kenya). La dernière Conférence sur les Femmes, intitulée 4ème Conférence Mondiale sur les Femmes de Pékin (Chine) a eu lieu en 95. La conférence de Pékin a été une étape majeure dans la reconnaissance et l’affirmation des droits de la femme par les États et par les femmes elles-mêmes.

Parallèlement, les Conférences mondiales portant sur les droits de l’Homme (au sens droit humains) ont également permis de produire une réflexion et des déclarations sur l’engagement des membres des Nations Unies à lutter contre les injustices et violences faites aux femmes.

 

Juin 93, Conférence mondiale sur les droits de l’Homme à Vienne


Cette conférence marque un tournant décisif dans la reconnaissance des droits fondamentaux des femmes. Le slogan d’alors était : « les droits des femmes sont aussi des droits humains » La déclaration qui a suivi aura contribué à définir concrètement l’ensemble des violences recensées dans le monde.

Pour lire la déclaration et le programme d’action de cette conférence :

http://www.unhchr.ch/french/html/me…

 

Décembre 93, La Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes

L’avancée la plus significative de cette déclaration c’est qu’elle définit la violence sexiste et en donne une typologie précise. C’est là qu’apparaît le terme « violence à l’égard des femmes » qui désigne : « tous les actes de violence dirigés contre le sexe féminin causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. »

Cette déclaration reconnaît en outre les vulnérabilités propres aux femmes appartenant à des minorités sociales ou culturelles : femmes issues de communautés autochtones, femmes âgées et déplacés, réfugiées et migrantes, femmes vivant en zone pauvre ou isolées ou encore en détention.
Pour lire la totalité de cette déclaration : http://www.ohchr.org/french/law/fem...

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1995, Conférence mondiale sur le droit des femmes à Pékin


« La plate-forme d’action de Pékin est issue d’une conférence mondiale sur les femmes qui a eu lieu à Pékin, en septembre 1995, et dont la Déclaration et le Programme d’action ont invité la communauté internationale à s’engager pour la promotion de la femme et l’égalité des sexes. La déclaration, signée par 189 Etats, les exhorte à mettre en œuvre tous les moyens vers une réelle égalité homme/femme, une politique de développement et un engagement vers la paix.

La Déclaration et le Programme d’action de Beijing [Pékin] ont été adoptés par consensus le 15 septembre 1995. La Déclaration reflète l’engagement de la communauté internationale au service de la promotion de la femme et de la mise en œuvre du Programme d’action, en veillant à ce qu’une perspective "sexospécifique" soit appliquée à toutes les politiques et tous les programmes aux niveaux national, régional et international. »
Texte issu du site de l’Association Internationale des Droits de l’Homme (AIDH), la déclaration et le programme d’action sont également consultables sur le site (en français) :

http://www.aidh.org/Femme/pekin.htm

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2000 Sommet du Millénaire,

une nouvelle étape


La Déclaration du millénaire et les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) sont l’aboutissement du Sommet du Millénaire de septembre 2000, qui a réuni les dirigeants mondiaux au siège des Nations unies à New York. La Déclaration expose dans leurs grandes lignes les préoccupations centrales de la communauté internationale - paix, sécurité, développement, viabilité de l’environnement, droits humains et démocratie - et propose un ensemble d’objectifs qui se renforcent mutuellement en matière de développement social et économique. Adoptés par 190 États, chiffrés et datés, les huit objectifs du millénaire pour le développement, leurs 18 cibles et 48 indicateurs de suivi forment actuellement un cadre de référence pour les stratégies de coopération et de solidarité internationale.

L’égalité figure parmi les valeurs fondamentales énoncées par la Déclaration du millénaire pour le développement : « L’égalité des droits et des chances des hommes et des femmes doit être assuré ». « Le droit d’être à l’abri de la violence, surtout pour les filles et les femmes » est aussi déclaré comme un droit fondamental.
Plusieurs objectifs, cibles et indicateurs du millénaire concernent plus particulièrement l’égalité femmes/ hommes :

• Objectif 2 : Assurer l’éducation primaire pour tous
Cible 3 : d’ici à 2015, donner à tous les enfants, garçons et filles, partout dans le monde, les moyens d’achever un cycle complet d’études primaires

• Objectif 3 : Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes

Cible 4 : Eliminer les disparités entre les sexes dans les enseignements primaires et secondaire d’ici à 2005 si possible, et à tous les niveaux de l’enseignement en 2015 au plus tard
Les indicateurs mentionnés sont : rapport filles/garçons dans l’enseignement primaire, secondaire et supérieur (Unesco) ; taux d’alphabétisation des femmes de 15 à 24 ans par rapport à celui des hommes (Unesco) ; pourcentage de salariés femmes dans le secteur non agricole (Organisation internationale du travail) ; proportion de sièges occupés par des femmes au parlement national (Union parlementaire internationale)

• Objectif 5 : Améliorer la santé maternelle
Cible 7 : Réduire de trois quarts, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité maternelle.
Il est essentiel que l’OMD 3 soit considéré et mis en œuvre de façon transversale aux autres OMD (santé, réduction de la faim et de la pauvreté, environnement durable, habitat décent, partenariat international pour le développement…). En effet, l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes sont à la fois un objectif, une condition et un moyen pour atteindre l’ensemble des OMD. Pour le moment, comme l’a souligné la Banque mondiale, qui avait lancé un appel pour un fonds international pour la mise en œuvre de cet objectif, le manque d’intégration de l’OMD « Egalité entre femmes et hommes » aux autres ODM en diminue la portée et induit des financements nettement insuffisants dans ce domaine.

Pour plus d’information sur les OMD : voir le site des Nations Unies :

http://www.un.org/french/millennium..., cette page détaille les objectifs,

la page « Gender equality » http://www.mdgender.net propose un suivi actualisé des OMD au regard de l’égalité femmes/hommes.

Sites de référence :

 Le site de l’ONU pour la promotion des femmes : www.un.org/womenwatch,

 Genre en Action, portail très complet d’informations et de ressources sur Genre et développement : www.genreenaction.net
 Le Monde selon les femmes, ONG de sensibilisation et de formation en genre et développement, également centre de ressources (français et espagnol) : www.mondefemmes.org
 L’Association pour les droits de la femme et le développement (AWID) a pour but de mobiliser et d’informer sur le droit de la femme (français et anglais) : www.whrnet.org, page directe pour toutes les informations sur les traités fondamentaux : http://www.whrnet.org/fr/traites_in...

 WIDE, réseau féministe européen pour la mondialisation de l´égalité entre les femmes et les hommes et la justice sociale, (en français, anglais et espagnol) : http://www.wide-network.org/index.jsp

 Human Rights Education Associates (HREA), une organisation non-gouvernementale internationale dédiée à l’éducation aux droits de l’Homme. Met à disposition un centre de ressources et des outils de formations (en français et en anglais) : www.hrea.org/fr/aproposhrea.html

 Le site de l’association Human rights watch propose une section spécialisée dans la défense du droit des femmes (anglais, français et espagnol) : http://www.hrw.org/doc/?t=french_women

 L’Association Internationale des Droits Humains (AIDH) met à dispositions les textes de loi, les traités et une section droits de la femme : http://www.aidh.org

 Pour des informations sur les violences faites aux femmes avec une entrée plus axée sur la santé publique, des informations sont disponibles sur le site de Médecin du Monde : http://www.medecinsdumonde.org/fr/t...

Amnesty International lutte également contre les violences faites aux femmes, avec une entrée plus juridique : http://www.amnesty.fr/index.php/amn...

Livres de référence :

Le livre Noir de la condition des femmes, dirigé par Christine Ockrent/ XO éditions, mars 2006

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Contre le vote des femmes

florilège

 

Ce florilège antiféministe recueille des déclarations ou écrits d'hommes politiques, députés et sénateurs, de droite et de gauche, de 1881 à 1944. S'y ajoute un texte d'un non parlementaire, l'écrivain Romain Rolland. On mesure à cet entassement de stéréotypes quel courant contraire la « cause des femmes » avait à remonter sous la IIIe République, et on comprend mieux pourquoi elle n'y est pas parvenue.

Le refus du suffrage féminin repose sur un double argumentaire à peu près immuable, et sereinement contradictoire :

1. Les femmes valent mieux que les « luttes du forum » où elles compromettraient leur dignité fondamentale d'épouses et de gardiennes du foyer familial. C'est le thème de la « meilleure part », dont la longue carrière se poursuit, dans un domaine non politique.

2. Les femmes, différentes, immatures, influençables, inférieures, ne peuvent prendre une part intelligente et autonome à la vie publique.

La spécificité des femmes est donc invoquée deux fois, positivement et négativement, pour justifier qu'elles restent privées des droits politiques.

La position de Romain Rolland, qui n'est pas marginale, appelle un commentaire distinct. Il s'en prend au suffrage universel dans son principe, qu'il soit celui des hommes ou celui des femmes. On touche peut-être ici à une cause profonde du retard français. Le suffrage féminin a été longtemps, et peut-être reste encore, la cible avouable de tous ceux qui n'avaient pas pris leur parti du suffrage universel tout court, instauré dès 1848, mais n'osaient l'attaquer de front, parce qu'il était devenu un droit acquis. « N'ajoutons pas le suffrage des incompétences à celui des incompétents », répondait en substance le philosophe Alfred Fouillée, en 1910, à la question : « Les femmes doivent-elles voter ? ». Romain Rolland ne dit pas autre chose. « Le retard français s'explique (...) par une sorte de réaction compensatrice à la précocité de la conquête du suffrage masculin. (On voit resurgir) sous les espèces féminines le vieux thème de la prématurité du suffrage », explique Pierre Rosanvallon dans son ouvrage Le sacre du citoyen, Histoire du suffrage universel en France.

 

LES FEMMES NE PEUVENT PRENDRE UNE PART INTELLIGENTE  À LA CONDUITE DES AFFAIRES PUBLIQUES

« En vain prétend-on que l'égalité civile accordée à la femme a pour corollaire nécessaire son émancipation politique. C'est méconnaître absolument le rôle de la femme dans l'humanité. Destinée à la maternité, faite pour la vie de famille, la dignité de sa situation sera d'autant plus grande qu'elle n'ira point la compromettre dans les luttes du forum et dans les hasards de la vie publique. Elle oublierait fatalement ses devoirs de mère et ses devoirs d'épouse, si elle abandonnait le foyer pour courir à la tribune. Elle n'y apporterait pas d'ailleurs la modération de langage et la netteté des conceptions, qui sont indispensables dans les usages parlementaires. D'autre part, elle introduirait dans la famille un élément de dissolution, qui lui ferait perdre la légitime influence qu'exerce sur le père de famille la femme respectable, qui est l'honneur de la maison. Nulle part le rôle de la femme ne fut mieux compris qu'à Rome ; vénérée et vénérable dans la vie privée, la matrone romaine n'était rien dans la vie publique et jamais elle ne songea à compromettre la majesté du foyer domestique dans la tourbe des comices. Ces moeurs, heureusement, sont encore les nôtres et la condamnation de la théorie que nous combattons est celle que prononce tous les jours l'immense majorité des femmes.

On a donc parfaitement raison d'exclure de la vie politique les femmes et les personnes qui, par leur peu de maturité d'esprit, ne peuvent prendre une part intelligente à la conduite des affaires publiques. Il est encore fort juste d'en chasser tous ceux qui s'en sont rendus indignes, en manquant gravement à leurs devoirs sociaux et qui ont été frappés d'une condamnation d'une certaine gravité ».

Extrait de la thèse d'Émile Morlot (1884) : « De la capacité électorale »

Morlot (1859 - 1907) sera par la suite maître des requêtes au Conseil d'État et député radical de l'Aisne de 1896 à 1907.

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LES MAINS DES FEMMES NE SONT PAS FAITES POUR VOTER

« Les mains des femmes sont-elles bien faites pour le pugilat de l'arène publique ? Plus que pour manier le bulletin de vote, les mains de femmes sont faites pour être baisées, baisées dévotement quand ce sont celles des mères, amoureusement quand ce sont celles des femmes et des fiancées : ... Séduire et être mère, c'est pour cela qu'est faite la femme ».

Alexandre Bérard.

Rapport du Sénateur sur plusieurs propositions de loi tendant à accorder aux femmes l'électorat et l'éligibilité.

(Rapport n ° 561, annexé au procès-verbal de la séance du Sénat du 3 octobre 1919).

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LES FEMMES ENCORE PLUS INAPTES QUE LES HOMMES À VOTER

« La moyenne des hommes et des femmes sont également incapables de juger actuellement des choses politiques. Elles dépassent infiniment leurs capacités d'attention et de compréhension.

... Les femmes étant encore plus livrées que les hommes aux forces émotives seront emportées plus massivement encore par ces vastes ondes... La masse électorale nouvelle en s'ajoutant à l'ancienne ne fera qu'amplifier les vibrations de l'opinion régnante ».

Romain Rolland.

« Le nouveau monde » - 1925.

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LE VOTE DES FEMMES, C'EST L'AVENTURE

« Nous sommes disposés à accorder aux femmes tout ce que leur sexe a le droit de demander, mais en dehors de la politique (...). Donner le droit de vote aux femmes, c'est l'aventure, le saut dans l'inconnu, et nous avons le devoir de ne pas nous précipiter dans cette aventure.

Ayons le courage de rester nous-mêmes. Nous avons remonté d'autres courants que le féminisme. Nous avons remonté le courant du boulangisme, le courant du nationalisme et toutes les fois que la République a été en péril c'est le Sénat qui l'a sauvée ».

Armand Calmel.

Sénat, séance du 5 juillet 1932, p. 1104-1105.

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JUSQU'À LA FIN : LE SUFFRAGE FÉMININ EST DANGEREUX

« II est établi qu'en temps normal les femmes sont déjà plus nombreuses que les hommes. Que sera-ce à un moment où les prisonniers et les déportés ne seront pas encore rentrés. Quels que soient les mérites des femmes, est-il bien indiqué de remplacer le suffrage masculin par le suffrage féminin ? ».

Paul Giacobbi.

Assemblée consultative d'Alger, mars 1944.

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