Suite au Plan Morrisson-Grady de Juillet 1946 qui envisage un plan de partage en Palestine sous autorité mandataire, le Président Truman revient sur ce plan qui n'a pas soulevé un grand enthousiasme en Amérique et traite aussi avec empathie des réfugiés juifs survivants d'une Europe dévastée.
Déclaration du président Truman, 4 octobre 1946 (1)
J'ai appris avec un profond regret que les réunions de la Conférence palestinienne à Londres ont été ajournées et ne doivent reprendre que le 16 décembre 1946.
A la lumière de cette situation, il convient d'examiner le bilan des efforts de l'administration dans ce domaine, efforts qui ont été soutenus au Congrès et non par des membres des deux partis politiques, et d'exprimer mon opinion sur la situation telle qu'elle existe actuellement.
On se rappellera que, lorsque M. Earl Harrison a rendu compte, le 29 septembre 1945, de la situation des personnes déplacées en Europe, j'ai immédiatement demandé instamment que des mesures soient prises pour améliorer la situation de ces personnes, au moins jusqu'à l'admission de 100 000 Juifs en Palestine.(2)
En réponse à cette suggestion, le gouvernement britannique a invité le gouvernement des Etats-Unis à coopérer à la création d'une commission d'enquête anglo-américaine commune, invitation que ce gouvernement a accepté avec plaisir dans l'espoir que sa participation contribuerait à améliorer la situation des Juifs déplacés en Europe et à trouver une solution au problème difficile et complexe de la Palestine elle-même.
L'urgence avec laquelle ce gouvernement a examiné la question se reflète dans le fait qu'un délai de 120 jours a été fixé pour l'accomplissement de la tâche du Comité.
Le rapport unanime de la Commission d'enquête anglo-américaine a été présenté le 20 avril 1946, et j'ai eu le plaisir de constater que, parmi les recommandations contenues dans le rapport, il y avait l'approbation de ma suggestion précédente d'admettre 100 000 Juifs en Palestine. L'administration s'est immédiatement préoccupée de trouver les moyens de transporter les 100.000 personnes et de les soigner dès leur arrivée.
C'est dans cet esprit que des experts furent envoyés à Londres en juin 1946 afin de mettre au point provisoirement les modalités du voyage. Le Gouvernement britannique a coopéré avec ce groupe mais a précisé qu'à son avis, le rapport devait être considéré dans son ensemble et que la question des 100 000 dollars ne pouvait être examinée séparément.
Le 11 juin, j'ai annoncé la création d'un comité ministériel sur la Palestine et les problèmes connexes, composé des secrétaires d'État, de la Guerre et du Trésor, pour m'aider à examiner les recommandations de la Commission d'enquête anglo-américaine(3) Les membres suppléants de ce comité du Cabinet, dirigé par l'ambassadeur Henry F. Grady, sont partis à Londres le 10 juillet 1946, pour discuter avec les représentants du gouvernement britannique de la meilleure façon de mettre ce rapport à exécution. Les suppléants soumirent le 24 juillet 1946 un rapport, communément appelé "plan Morrison", préconisant un régime d'autonomie provinciale qui pourrait aboutir à un État binational ou à un partage. Cependant, l'opposition à ce plan s'est développée parmi les membres des principaux partis politiques aux États-Unis, tant au Congrès que dans l'ensemble du pays. Conformément au principe que j'ai toujours essayé de suivre, d'avoir un degré maximal d'unité au sein du pays et entre les partis sur les principaux éléments de la politique étrangère américaine, je n'ai pas pu donner mon appui à ce plan.
J'ai néanmoins maintenu mon vif intérêt pour la question et j'ai, à plusieurs reprises, fait connaître et demandé instamment que des mesures soient prises le plus tôt possible pour admettre 100 000 réfugiés juifs en Palestine.
Dans l'intervalle, ce gouvernement a été informé des efforts déployés par le gouvernement britannique pour amener à Londres des représentants des Arabes et des Juifs, en vue de trouver une solution à ce pénible problème. J'ai exprimé l'espoir qu'à l'issue de ces conversations, une solution équitable du problème palestinien pourrait être trouvée (4) Bien que toutes les parties invitées ne se soient pas trouvées en mesure d'y assister, j'avais espéré qu'il ait encore une possibilité que des représentants de l'Agence juive puissent y participer. Dans l'affirmative, la perspective d'un règlement convenu et constructif aurait été renforcée.
Le gouvernement britannique a présenté à la Conférence le "plan Morrison" pour l'autonomie des provinces et a déclaré que la Conférence était ouverte à d'autres propositions. Entre-temps, l'Agence juive a proposé une solution au problème palestinien par la création d'un Etat juif viable qui contrôlerait ses propres politiques d'immigration et économiques dans une région adéquate de la Palestine plutôt que dans l'ensemble de la Palestine. Il proposait en outre la délivrance immédiate de certificats pour 100 000 immigrants juifs. Cette proposition a fait l'objet d'une large attention aux États-Unis, tant dans la presse que dans les forums publics. D'après la discussion qui s'en est suivie, je pense qu'une solution en ce sens nécessiterait le soutien de l'opinion publique américaine. Je ne peux pas croire que l'écart entre les propositions qui ont été avancées soit trop grand pour être comblé par des hommes de raison et de bonne volonté. Notre gouvernement pourrait apporter son soutien à une telle solution.
Compte tenu de la situation à laquelle nous avons été conduit, je tiens à exposer mon point de vue aussi succinctement que possible :
1. Compte tenu du fait que l'hiver arrivera avant la reprise de la Conférence, je crois et je demande instamment qu'une immigration substantielle en Palestine ne puisse attendre une solution au problème palestinien et qu'elle commence immédiatement. Les préparatifs de ce mouvement ont déjà été faits par ce gouvernement et il est prêt à apporter son aide immédiate.
2. Je répète, comme je l'ai déjà fait à maintes reprises, que les lois sur l'immigration d'autres pays, dont les États-Unis, devraient être libéralisées en vue de l'admission des personnes déplacées. Je suis prêt à faire une telle recommandation au Congrès et à poursuivre aussi énergiquement que possible la collaboration avec d'autres pays sur l'ensemble du problème des personnes déplacées.
3. En outre, si une solution viable pour la Palestine devait être trouvée, je serais disposé à recommander au Congrès un plan d'assistance économique pour le développement de ce pays.
A la lumière de la terrible épreuve que le peuple juif d'Europe a endurée pendant la récente guerre et la crise actuelle, je ne peux pas croire qu'un programme d'action immédiate dans le sens suggéré ci-dessus n'ait pu être élaboré avec la coopération de toutes les personnes concernées. L'administration continuera à faire tout ce qui est en son pouvoir à cette fin.
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Notes :
(1) Bulletin du département d'État du 13 octobre 1946, p. 669-670.
(2) Pour le texte du rapport de M. Harrison au. Président, voir Bulletin du Département d'État du 10 septembre 1945, p. 456 ; et pour la déclaration du Président, voir Bulletin du Département d'État du 18 novembre 1945, p. 790.
(3) Pour le texte du décret portant création du Comité, voir le Bulletin du Département d'État du 23 juin 1946, p. 1089.
(4) Bulletin du département d'État du 25 août 1946, p. 380.
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