Le 28 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1373 (2001), arrêtant des stratégies pour lutter par tous les moyens contre le terrorisme et, en particulier, contre son financement. Le point 1, sous c), de cette résolution dispose, notamment, que tous les États doivent geler sans attendre les fonds et les autres avoirs financiers ou les ressources économiques des personnes qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent, des entités appartenant à ces personnes ou contrôlées par elles, et des personnes et des entités agissant au nom, ou sur instruction, de ces personnes et entités. Ladite résolution ne prévoit pas de liste de personnes auxquelles ces mesures restrictives doivent être appliquées.

Le 27 décembre 2001, le Conseil de l’Union européenne a adopté une position commune 1 et un règlement 2 en vue de lutter contre le terrorisme.En cela le Conseil se conforme à la résolution 1373 (2001) du conseil de sécurité des Nations-unies.

L'acte de terrorisme y est ainsi défini :

Aux fins de la présente position commune, on entend par “acte de terrorisme”, l’un des actes intentionnels suivants, qui, par sa nature ou son contexte, peut gravement nuire à un pays ou à une organisation internationale, correspondant à la définition d’infraction dans le droit national, lorsqu’il est commis dans le but de :

i)      gravement intimider une population, ou

ii)      contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou

iii)      gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale :

a)      les atteintes à la vie d’une personne, pouvant entraîner la mort ;

b)      les atteintes graves à l’intégrité physique d’une personne ;

c)      l’enlèvement ou la prise d’otage ;

d)      le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique, à un système de transport, à une infrastructure, y compris un système informatique, à une plate-forme fixe située sur le plateau continental, à un lieu public ou une propriété privée susceptible de mettre en danger des vies humaines ou de produire des pertes économiques considérables ;

e)      la capture d’aéronefs, de navires ou d’autres moyens de transport collectifs ou de marchandises ;

f)      la fabrication, la possession, l’acquisition, le transport, la fourniture ou l’utilisation d’armes à feu, d’explosifs, d’armes nucléaires, biologiques ou chimiques ainsi que, pour les armes biologiques ou chimiques, la recherche et le développement ;

g)      la libération de substances dangereuses, ou la provocation d’incendies, d’inondations ou d’explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ;

h)      la perturbation ou l’interruption de l’approvisionnement en eau, en électricité ou toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ;

i)      la menace de réaliser un des comportements énumérés aux point a) à h) ;

j)      la direction d’un groupe terroriste ;

k)      la participation aux activités d’un groupe terroriste, y compris en lui fournissant des informations ou des moyens matériels, ou toute forme de financement de ses activités, en ayant connaissance que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe.

Aux fins du présent paragraphe, on entend par “groupe terroriste”, l’association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des actes terroristes. Les termes “association structurée” désignent une association qui ne s’est pas constituée par hasard pour commettre immédiatement un acte terroriste et qui n’a pas nécessairement de rôles formellement définis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure élaborée.

 le Conseil a alors adopté la décision 2001/927/CE, établissant la liste prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001 (JO 2001, L 344, p. 83). Le nom du « Hamas-Izz al-Din al-Qassem (branche terroriste du Hamas) » figurait sur cette liste .

Dans les exposés des motifs relatifs à ces actes, le Conseil décrivait le Hamas comme étant un groupe impliqué dans des actes terroristes et qui, à partir de l’année 1988, avait régulièrement perpétré et revendiqué des attaques visant des cibles israéliennes.

Il faisait état, en particulier, d’une série d’actes terroristes commis à partir de l’année 2005 et ajoutait que le Hamas avait fait l’objet, au cours de l’année 2001, de décisions adoptées par les autorités du Royaume-Uni et par les autorités des États-Unis.

"Quant aux incidents invoqués à titre autonome par le Conseil dans les actes litigieux pour établir que le risque d’implication du Hamas dans des activités terroristes persistait, le Tribunal a considéré, aux points 337 et 338 de l’arrêt attaqué, que quatre de ces incidents suffisaient à eux seuls, en raison de leur caractère récent, à établir le caractère persistant de ce risque et à justifier les actes litigieux, ces quatre incidents étant la mort de deux soldats israéliens tués dans la bande de Gaza (26 mars 2010), l’assassinat de quatre colons israéliens par des habitants de Hébron (31 août 2010), une attaque à la roquette commise par le Hamas contre un bus scolaire tuant un civil (7 avril 2011) et une autre attaque à la roquette dans le sud d’Israël ayant fait deux blessés parmi la population israélienne (20 août 2011) .

Le Tribunal a souligné, notamment aux points 320 et 336 de l’arrêt attaqué, s’agissant desdits incidents, que la motivation figurant dans les exposés des motifs des actes litigieux était suffisante et que leur matérialité n’avait pas été contestée par le Hamas en temps utile de manière suffisamment concrète et circonstanciée."

Les mesures prises en vue de lutter contre le terrorisme ordonnent le gel des fonds des personnes et des entités inscrites sur une liste établie et régulièrement mise à jour par des décisions du Conseil.

Le même jour, le Conseil a adopté sa première décision 3 établissant cette liste. Par cette décision, le Conseil a inscrit le mouvement Hamas sur la liste de gel de fonds et y a maintenu ce mouvement depuis lors. Le Hamas a contesté ce maintien et demandé au Tribunal de l’Union européenne d’annuler les actes du Conseil relatifs à ce maintien.


Par arrêt du 17 décembre 2014 4, le Tribunal avait constaté que les actes attaqués étaient fondés sur des imputations factuelles tirées de la presse et d’Internet alors qu’il estimait qu’ils auraient dû l’être sur des éléments concrètement examinés et retenus dans des décisions d’autorités nationales compétentes au sens de cette position commune. Le Tribunal avait donc annulé les actes attaqués, tout en maintenant temporairement leurs effets afin de garantir l’efficacité de tout futur éventuel gel des fonds. La durée de ce maintien avait été fixée à trois mois ou, en cas de pourvoi devant la Cour de justice, jusqu’à la clôture de celui-ci.


Dans le cadre du pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt du Tribunal, la Cour a observé, dans son arrêt du 26 juillet 2017 5, que seule l’inscription initiale 6 d’une personne ou d’une entité sur la liste doit être fondée sur une décision nationale émanant d’une autorité compétente. Une telle condition n’étant pas prévue pour le maintien ultérieur 7 de ces personnes ou entités sur la liste, la Cour en déduit qu’il n’est pas nécessaire que les nouveaux éléments dont se prévaut le Conseil pour justifier le maintien d’une personne ou d’une entité sur la liste fassent l’objet d’une décision nationale adoptée postérieurement à celle ayant servi de fondement à l’inscription initiale. La personne ou l’entité concernée est protégée par la possibilité de contester l’ensemble des éléments sur lesquels le Conseil s’appuie afin de démontrer la persistance du risque de son implication dans des activités terroristes devant le juge de l’Union.

Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, lors du réexamen de la situation du Hamas, le Conseil pouvait se fonder sur des sources autres que des décisions nationales adoptées par les autorités compétentes.


La Cour a donc annulé l’arrêt du Tribunal de 2014 et a renvoyé l’affaire au Tribunal.

L’arrêt du Tribunal étant annulé, les actes du Conseil maintenant le gel de fonds du Hamas sont restés en vigueur.

Par l'arrêt du 18 décembre 2018 , dans le cadre du renvoi ordonné par la Cour, le Tribunal rejette le recours du Hamas concernant les actes du Conseil adoptés entre 2010 et 2014, ainsi qu’en 2017.


Le Tribunal observe que, bien que les actes du Conseil soient fondés sur des décisions américaines, il ne ressort pas de la motivation de ces actes que le Conseil a vérifié que les décisions américaines avaient été adoptées dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.

Le Tribunal en conclut que les décisions américaines ne peuvent servir de fondement aux actes du Conseil.

Néanmoins, le Tribunal souligne que le Conseil n’est pas tenu de se référer à une pluralité de décisions d’autorités compétentes.

Le Tribunal estime donc que le Conseil a pu se référer uniquement à une décision du Royaume-Uni, en l’occurrence une décision du Home Secretary (ministère de l’Intérieur, Royaume-Uni) qui, bien qu’étant une autorité administrative, a la qualité d’autorité compétente au sens de la position commune, étant donné que ses décisions sont susceptibles de faire l’objet d’un recours juridictionnel.

Le Tribunal précise que le Conseil n’était pas tenu d’indiquer, dans les actes attaqués, les faits se trouvant à l’origine de la décision du Home Secretary, ni de vérifier la qualification de ces faits au regard de la position commune 2001/931. Il ne devait pas non plus y indiquer les modalités du réexamen de cette décision.

Le Tribunal observe que, contrairement à ce que soutient le Hamas, la détention d’un pouvoir à la suite d’élections, la nature politique d’une organisation ou sa participation à un gouvernement ne constituent pas des motifs permettant d’échapper à l’application des règles contenues dans la position commune. Il ajoute que, le Hamas n’étant pas un État souverain, il ne peut invoquer à son profit le principe de non-ingérence pour tenter d’annuler les décisions du Conseil.

Sur la prétendue violation de son droit de propriété par les décisions du Conseil, le Tribunal estime que les mesures organisant le gel de fonds du Hamas ne sont ni démesurées ni intolérables, pas plus qu’elles ne portent atteinte à ses droits fondamentaux, car le but poursuivi par de telles mesures est de lutter contre les menaces que font peser les actes de terrorisme sur la paix et la sécurité internationales. En outre, le maintien sur les listes de gel de fonds fait l’objet d’un réexamen périodique.

 Un pourvoi est introduit par le Hamas contre cette décision en 2020, mais il est aussi rejeté

 

Sources sur InfoCuria Europa :

le texte intégral de l'arrêt de 2018  et pourvoi rejeté contre cet arrêt le 10 septembre 2020

le texte intégral de l'ordonnance de renvoi du 16 avril 2015

le texte intégral de l'arrêt de 2014

La requête introduite par le Hamas le 12 septembre 2010

 

 

 

 

 

1 Position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 93).
2 Règlement (CE) n° 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 70).
3 Décision 2001/927/CE établissant la liste prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 (JO 2001, L 344, p. 83).
4 Arrêt du 17 décembre 2014, Hamas/Conseil (T-400/10) ; voir aussi CP n° 178/2014.
5 Arrêt du 26 juillet 2017, Hamas/Conseil (C-79/15) ; voir aussi CP n° 85/2017.
6 Voir article 1er, paragraphe 4, de la position commune.
7 Voir article 1er, paragraphe 6, de la position commune.