Antiquités Judaïques - Livre 15

[217 ] Cependant Hérode, arrivé en Égypte, eut avec César des entrevues pleines de cordialité, comme un ami déjà ancien, et fut comblé d'honneurs. César lui fit don de quatre cents Gaulois, choisis parmi les gardes du corps de Cléopâtre, et lui rendit le territoire que cette reine lui avait fait enlever ; il ajouta encore à son royaume Gadara, Hippos, Samarie, et, sur le littoral, Gaza, Anthédon, Jopé et la Tour de Straton.

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 [292] 5. Il commandait déjà la ville par le palais où il habitait, et le Temple par la forteresse appelé Antonia, qui avait été bâtie par lui. Il s'avisa de faire de Samarie un troisième rempart contre la population tout entière ;

[293] il lui donna le nom de Sébaste et pensa que cette place pourrait lui servir de forteresse contre la contrée, aussi utilement que les autres]. Il fortifia donc cette bourgade, distante de Jérusalem d'un jour de marche, et aussi bien placée pour tenir en respect la capitale que la campagne. Pour la défense du royaume entier, il releva la forteresse appelée jadis Tour de Straton, et à laquelle il donna le nom de Césarée

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[331 ]Il avait remarqué sur le bord de la mer un emplacement tout à fait propre à la fondation d'une ville : c'était le lieu autrefois appelé Tour de Straton. Il dressa un plan grandiose de la ville même et de ses édifices et la construisit entièrement, non pas de matériaux quelconques, mais en pierre blanche.

[332] Il l'orna de palais somptueux et de monuments à l'usage du public ; et, ce qui fut le plus important et exigea le plus de travail, la pourvut d'un port, parfaitement abrité, aussi grand que le Pirée, avec des quais de débarquement à l'intérieur et un second bassin. Le plus remarquable dans la construction de cet ouvrage, c'est qu'Hérode ne trouva sur les lieux mêmes aucune facilité pour le mener à bien, et qu'on ne put l'achever qu'avec des matériaux amenés à grands frais du dehors.

[333] La ville est, en effet, située en Phénicie, sur la route maritime d'Égypte, entre Jopé et Dora, petites marines, d'accès difficile à cause du régime des vents de sud-ouest qui arrivent du large chargés de sable dont ils couvrent le rivage, entravant le débarquement, si bien que le plus souvent les marchands sont obligés de jeter l'ancre en pleine mer.

[334] Hérode remédia aux inconvénients de ce régime ; il traça le port en forme circulaire, de façon que de grandes flottes pussent mouiller tout près du rivage, immergeant à cet effet des rochers énormes jusqu'à une profondeur de vingt brasses ; ces rochers avaient pour la plupart cinquante pieds de longueur, au moins dix-huit de largeur et neuf d'épaisseur, quelques-uns plus, d'autres moins.

[335] Le môle, bâti sur ces fondements, qu'il projeta dans la mer, avait une longueur de deux cents pieds. La moitié, véritable rempart contre la grosse mer, était destinée à soutenir l'assaut des flots qui venaient s'y briser de tous côtés ; on l'appela donc le brise-lames.

[336] Le reste soutenait un mur de pierre coupé de distance en distance par des tours dont la plus grande s'appelle Drusus, très bel ouvrage, tirant son nom de Drusus, beau-fils de César, mort jeune.

[337] On construisit une série d'abris voûtés pour servir d'asile aux matelots ; sur le devant, on traça un large quai de débarquement, enveloppant dans son pourtour le port tout entier et offrant une promenade charmante. L'entrée et l'ouverture du port se trouvaient exposées au vent du nord, qui est le plus favorable.

[338] A l'extrémité de la jetée, à gauche de l'entrée, s'élevait une tour [bourrée de pierres ?], pouvant opposer une forte résistance ; à droite se dressaient, reliés entre eux, deux énormes piédestaux, plus grands que la tour d'en face.

[339] Tout autour du port est une suite ininterrompue de bâtiments construits en pierre soigneusement polie ; au centre est une colline sur laquelle on bâtit le temple de César, visible de loin pour les navigateurs et renfermant les statues de Rome et de César. La ville elle-même reçut le nom de Césarée ; elle est remarquable par la qualité des matériaux employés et le soin apporté à la construction.

[340] Les souterrains et les égouts construits sous la ville ne furent pas moins soignés que les édifices élevés au-dessus d'eux. Les uns, espacés à intervalles réguliers, aboutissent au port et à la mer ; un autre, transversal, les réunit tous de façon à emporter facilement les pluies et les immondices et à permettre à la mer, lorsqu'elle est poussée par le vent du large, de s'étendre et de laver en dessous la ville entière.

[341] Hérode bâtit aussi un théâtre de pierre et, au sud du port et en arrière, un amphithéâtre pouvant contenir un très grand nombre de spectateurs et parfaitement situé, avec vue sur la mer. La ville fut terminée en douze ans, car le roi ne souffrit aucune interruption dans les travaux et n'épargna aucune dépense.

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La Guerre des Juifs, Livre I , 5

[407] Il remarqua parmi les cités du littoral une ville appelée Tour de Straton , alors en pleine décadence, mais qu'une situation favorable recommandait à sa libéralité. Il la reconstruisit tout entière en pierre blanche, l'orna des palais les plus magnifiques et y déploya plus que partout ailleurs la naturelle grandeur de son génie.

Tout le littoral entre Dora et Joppé, à égale distance desquelles se trouve cette ville, est dépourvu de ports : aussi tous les navigateurs qui longent la Phénicie pour se rendre en Égypte jetaient-ils l'ancre au large sous la menace du vent du sud-ouest ; car, même quand il souffle modérément, le flot se soulève à une telle hauteur contre les falaises que son reflux entretient à une grande distance la fureur de la mer.

Le roi, par sa prodigue magnificence, triompha de la nature, construisit un port plus grand que le Pirée et pratiqua dans ses recoins d'autres mouillages profonds.

[408] Bien que le terrain contrariât tous ses projets, il combattit si bien les obstacles, qu'il garantit contre les attaques de la mer la solidité de ses constructions, tout en leur donnant une beauté qui éloignait toute idée de difficulté.

En effet, après avoir mesuré pour le port la superficie que nous avons indiquée, il fit immerger dans la mer, jusqu’à une profondeur de vingt brasses, des blocs de pierre dont la plupart mesuraient cinquante pieds de longueur, neuf de hauteur et dix de largeur; quelques-uns même étaient plus grands encore.

Quand le fond eut été ainsi comblé, il dressa sur ces assises, au-dessus de l'eau, un môle large de deux cents pieds : la moitié, cent pieds, servait à recevoir l'assaut des vagues, - d'où son nom de « brise-lames » - le reste soutenait un mur de pierre, qui faisait tout le tour du port ; de ce mur surgissaient, de distance en distance, de hautes tours dont la plus grande et la plus magnifique fut appelée Drusion, du nom du beau-fils de l’empereur.

[411] Il ménagea dans le mur un grand nombre de chambres voûtées, où s'abritaient les marins qui venaient jeter l'ancre : toute la terrasse circulaire, courant devant ces arcades, formait un large promenoir pour ceux qui débarquaient.

L'entrée du port s'ouvrait au nord, car, dans ces parages, c'est le vent du nord qui est, de tous, le plus favorable.

Dans la passe on voyait de chaque côté trois colosses, étayés sur des colonnes ; ceux que les navires entrants avaient à bâbord s'élevaient sur une tour massive, ceux à tribord sur deux blocs de pierre dressés et reliés entre eux, dont la hauteur dépassait celle de la tour vis-à-vis. Adjoignant au port on voyait des édifices construits eux aussi en pierre blanche, et c'était vers le port que convergeaient les rues de la ville, tracées à des intervalles égaux les unes des autres.

En face de l'entrée du port s'élevait sur une éminence le temple d'Auguste, remarquable par sa beauté et sa grandeur ; il renfermait une statue colossale de l'empereur, qui ne le cédait point à celle du Zeus d'Olympie dont elle était inspirée, et une statue de Rome, semblable à celle d'Héra, à Argos.

Hérode dédia la ville à la province, le port à ceux qui naviguaient dans ces parages, à César la gloire de cette fondation ; aussi donna-t-il à la cité le nom de Césarée.

[415] Le reste des constructions, l'amphithéâtre, le théâtre, les places publiques, furent dignes du nom de cette ville.

Hérode y institua aussi des jeux quinquennaux, également dénommés d'après l'empereur ; il les inaugura lui-même, dans la 192e Olympiade, en proposant des prix magnifiques : non seulement les vainqueurs, mais encore ceux qui venaient au second et au troisième rang prenaient part aux largesses royales.