L'Histoire débute au XVIe siècle, lorsque les grands-ducs de Médicis, désireux de transformer Livourne en un port prospère, ouvrent leurs portes aux communautés marchandes, dont les Juifs.
Cette politique d’accueil, formalisée par l’Édit de Livourne (1593), aussi appelé La Livornina, attire des Juifs du monde entier, faisant de la ville un centre névralgique du judaïsme méditerranéen.
Pour Livourne, il s'agit de redynamiser la région, le port local voisin de Pise étant ensablé
Les débuts : l’Édit de Livourne (1593)
L’Édit de Livourne, promulgué par Ferdinand Ier de Médicis, est un texte révolutionnaire pour l’époque.
Il garantit aux Juifs la liberté de culte, la protection contre l’Inquisition, des exemptions fiscales et le droit de pratiquer le commerce sans restrictions. Ces privilèges attirent rapidement des Juifs fuyant les persécutions en Espagne, au Portugal et en Italie.
Parmi les premiers arrivants figurent des marranes (Juifs convertis de force au christianisme) qui retrouvent leur identité juive à Livourne.
Au XVIIe siècle, la communauté juive de Livourne connaît une croissance spectaculaire. En 1601, on compte environ 150 Juifs dans la ville. Ce nombre passe à 3 000 en 1689, puis à près de 5 000 au milieu du XVIIIe siècle, faisant de Livourne l’une des plus grandes communautés juives d’Italie.
Des Juifs et des Conversos d'Oran s'installent aussi à partir de 1667, suite à leur expulsion décidée par le gouverneur espagnol d'Oran. Parmi eux, des conversos vont d'ailleurs revenir au Judaïsme.
Les Juifs jouent un rôle central dans le commerce méditerranéen, notamment dans les échanges de corail, de textiles, de diamants et d’épices. Des familles influentes, comme les Attias, Belmontes, Ergas, Franchetti et Modigliani, dominent les réseaux commerciaux.
La Nazione Ebrea : une communauté autonome
La communauté juive de Livourne, appelée "Nazione Ebrea", est organisée de manière autonome.
Elle dispose de ses propres institutions, dont une synagogue majestueuse (construite en 1603 et agrandie en 1789), des écoles talmudiques (yeshivot), des tribunaux rabbiniques et des associations caritatives. La synagogue, de style baroque, est l’une des plus belles d’Europe et symbolise la richesse et l’importance de la communauté.
Livourne devient un centre intellectuel juif de premier plan. Des érudits comme Joseph Attias (1672-1739), bibliophile et mécène, et Malachi Ha-Cohen (1695-1772), rabbin et auteur, y vivent et y travaillent. La ville est également réputée pour ses imprimeries hébraïques, qui produisent des textes religieux et philosophiques diffusés dans tout le monde juif.
Les Juifs sépharades, espagnols et portugais, de Livourne sont appelés les Granas. Le terme vient de El-Gorna, nom arabe de Livourne.
XVIIIe siècle : apogée et déclin
Au XVIIIe siècle, Livourne atteint son apogée économique et culturel. Cependant, la concurrence croissante des ports européens et les bouleversements politiques, comme les guerres napoléoniennes, affectent son économie. Sous Napoléon, les Juifs obtiennent l’égalité des droits civiques, mais les guerres perturbent le commerce. Après la chute de Napoléon, la communauté retrouve son statut, mais son influence décline progressivement.
XIXe siècle : émigration et intégration
Avec l’unification de l’Italie en 1861, les Juifs de Livourne obtiennent la pleine citoyenneté italienne. Cependant, beaucoup émigrent vers d’autres villes italiennes ou à l’étranger, notamment en Amérique et en Afrique du Nord (La communauté juive de Tunis est ainsi divisée en Twouensas, les locaux et Granas issus de cette immigration livournaise). En 1900, la communauté compte environ 2 500 membres, contre 5 000 un siècle plus tôt.
XXe siècle : persécutions et résilience
La communauté juive de Livourne est durement touchée par les lois raciales fascistes de 1938, qui interdisent aux Juifs de participer à la vie publique. Pendant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux Juifs sont déportés vers les camps d’extermination. Sur les 2 000 Juifs vivant à Livourne en 1938, seuls quelques centaines survivent à la Shoah.
Aujourd’hui, la communauté juive de Livourne compte environ 700 membres. Bien que réduite, elle reste active et fière de son héritage. La synagogue, reconstruite après les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, est un symbole de cette résilience.
Personnalités célèbres
Parmi les personnalités juives originaires de Livourne figurent :
- Amedeo Modigliani (1884-1920), le célèbre peintre et sculpteur, dont la famille était originaire de Livourne.
- Elia Benamozegh (1823-1900), rabbin et philosophe, connu pour ses travaux sur le dialogue interreligieux.
- Sabato Morais (1823-1897), rabbin et éducateur, qui joua un rôle clé dans la fondation du Jewish Theological Seminary of America.
Extraits de la Livornina (traduits en français)
Liberté de culte : "Les Juifs pourront vivre librement à Livourne, pratiquer leur religion et construire des synagogues sans crainte de persécution."
Protection contre l’Inquisition : "Aucun Juif ne pourra être inquiété par l’Inquisition pour ses croyances ou ses pratiques religieuses."
Exemptions fiscales : "Les Juifs bénéficieront d’exemptions fiscales pendant dix ans pour encourager leur installation et leur commerce."
Bibliographie
- G. Bedarida, Les Juifs de Livourne, Livourne 2006.
- L. Frattarelli Fischer, Vivere fuori dal ghetto. Les juifs de Pise et de Livourne (le siècle XVI-XVIII), Turin, 2008.
- Toaff, Renzo. *La Nazione Ebrea a Livorno e a Pisa (1591-1700)*. Florence, 1990.
- Luzzatto Voghera, Gadi. *Gli ebrei in Italia*. Milan, 2014.
- Frattarelli Fischer, Lucia. *Vivere fuori dal ghetto: Ebrei a Pisa e Livorno*. Turin, 2008.
Liens utiles
- Jewish Encyclopedia : Livorno - https://www.
- Museo Ebraico di Livorno - http://www.
- Archives de la communauté juive de Livourne - https://archivio.
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