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Le Cheriff de la Mecque, Hussein a proclamé l'indépendance du Hedjaz, partie occidentale de l'Arabie Saoudite actuelle en 1916. Il souhaite sortir de l'orbite de l'empire Ottoman et créer un grand royaume arabe, avec Damas pour capitale. Ses intérêts rejoignent alors en partie ceux de l'empire britannique qui souhaite lui aussi la fin de l'empire ottoman. La révolte démarre en 1915.

En 1920, à l’issue de la guerre, l’Empire ottoman est démembré et chacun cherche à s'arroger une partie du puzzle.

C'est dans ce contexte que Haïm Weizmann, représentant de l’Organisation sioniste mondiale et l’émir Fayçal, troisième fils de Hussein qui a participé à la révolte arabe contre les Turcs aux côtés de son père , nouent des relations cordiales à travers leurs revendications communes d'émancipation nationale. Fayçal reconnaît alors la légitimité du mouvement sioniste et approuve la déclaration Balfour. La première entrevue a lieu en juin 1918, l'accord est signé le 3 janvier 1919,à l’occasion de la conférence de Paix de Paris

Le mot Palestine désigne dans l’accord le futur État juif.

Pour Fayçal, il ne doit y avoir qu’un Etat arabe, réunissant toute la nation arabe. Mais les territoires arabes anciennement sous contrôle de l’Empire ottoman ne seront pas réunifiés et l’accord restera lettre morte. En effet, suite à la conférence de San Rémo d’avril 1920 et au traité de Sèvres d’août 1920, les territoires arabes sont placés sous les mandats britannique et français.

Dans une lettre signée de sa main, Fayçal écrit :

le mouvement juif est national et non impérialiste, et notre mouvement également. Il y a en Palestine assez de place pour les deux peuples. 1

Pour James Barr, la main de Fayçal est totalement téléguidée par les Anglais lorsqu'il écrit ces mots.2

Les Français récupèrent la Syrie et le Liban et chassent alors l’émir Fayçal de son éphémère trône de Syrie ( 7 mars au 27 juillet 1920) , non sans bombarder Damas. Les Anglais le réinstallent en Irak à partir de 1921. Ils placent aussi son frère Abdallah 1er sur le trône de la Transjordanie, détachée de la Palestine mandataire à cette fin.

En 1924, Hussein, le Cherif de la Mecque perd son trône, chassé du Hedjaz par Ibn Saoud.

Haïm Weizzman, devient en 1921 président de l’organisation juive mondiale, en 1929 président de l’agence juive, puis en 1948 premier président d’Israël.

 

Extraits de l’accord

" Son Altesse Royale l’Emir Fayçal, représentant et agissant au nom du royaume arabe de Hedjaz et le Docteur Haïm Weizmann, représentant de l’Organisation sioniste et agissant en son nom, sont convenus des articles suivants:

 

Article 1er

Pour tout ce qui concerne leurs relations mutuelles et à l’occasion des négociations qui pourraient avoir lieu, l’Etat arabe et la Palestine s’inspireront d’un désir d’entente et d’une bonne volonté réciproques et, à cette fin, des représentants arabes et juifs, dûment accrédités, seront désignés et maintenus dans les territoires de l’autre Etat […].

(…)

Article 3

Dans l’établissement de la constitution et de l’administration de la Palestine, toutes mesures seront prises en vue de garantir pleinement l’exécution pratique de la déclaration du gouvernement anglais du 2 novembre 1917. [déclaration Balfour ]

 

Article 4

Toutes les mesures nécessaires seront prises pour encourager et stimuler l’immigration des Juifs en Palestine sur une large échelle et pour établir dans le plus bref délai les immigrants juifs sur le territoire, grâce à une meilleure mise en valeur du sol et à une culture intensive. Il est convenu que dans l’exécution de ces mesures, la protection des droits des paysans et des fermiers arabes sera assurée et que ces derniers seront aidés à l’avenir en ce qui concerne le développement économique […].

 

Article 7

L’Organisation sioniste se propose d’envoyer en Palestine une commission d’experts, chargée de dresser un tableau d’ensemble des ressources économiques du pays et de rédiger un rapport quant aux meilleurs moyens d’en assurer le développement.

L’Organisation sioniste mettra la commission ci-dessus mentionnée à la disposition de l’État arabe, afin qu’elle se livre également à une enquête approfondie sur les ressources économiques de l’État arabe et établisse un rapport définissant les conditions susceptibles d’assurer leur développement maximal.

Enfin, l’Organisation sioniste s’efforcera d’aider l’État arabe à obtenir les moyens indispensables au développement de ses ressources naturelles et de ses possibilités économiques.

(…)

 

Article 8

Les parties soussignées reconnaissent agir en complet accord et en parfaite harmonie sur toutes les questions ci-dessus visées, à porter devant la Conférence de la Paix […].

 

Fait et écrit par nous, le 3 janvier 1919

Haïm Weizmann, Faysal Ibn Hussein. "

 

Fayçal a ajouté de sa main sur le document :

Si les Arabes sont établis comme je l’ai demandé dans mon manifeste du 4 janvier, adressé au Secrétaire (britannique) d’Etat aux Affaires étrangères, je vais réaliser ce qui est écrit dans cet accord. Si des modifications sont apportées, je ne peux pas être responsable de ne pas avoir réalisé cet accord3

 

Source: Renée Neher-Bernheim, Histoire juive de la Révolution à l’État d’Israël. Faits et documents

(Seuil, Points Histoire, 2002), pp. 761-762. Accord sité par AKADEM (sauf article 7)

 

Lire aussi

- le compte rendu en Anglais par Weizzman de sa rencontre avec Fayçal

- le memorandum Fayçal à la conférence de la paix des puissances alliées en 1921

 

* * *

 

Le 10 mars 1921, Fayçal soumet aux alliés réunis à la conférence de la paix un mémorandum marquant ses désillusions. La résolution de San Remo et le traité de Sèvres (1920) sont passés par là :

 

Mémorandum présenté à la Conférence

des puissances alliées à la Chambre des communes

Présenté par le Général Hoddad Pacha (Armée Hejaz) et délégué par Son Altesse Royale Amir Faisal, le 10 mars 1921,

 Au nom de Sa Majesté,

Les Arabes entrèrent dans la guerre du côté des Alliés avec des buts clairs. Ils voulaient obtenir leur indépendance et redevenir des hommes libres, maîtres de leur destinée.

Mais mon Père, Sa Majesté le Roi Hussein, n'a pas entrepris la tâche responsable et dangereuse de diriger la révolte arabe avant d'avoir obtenu des assurances du gouvernement de Sa Majesté britannique que les Arabes récolteraient une récompense proportionnée aux risques qu'ils courraient et aux sacrifices qu'ils devaient faire.

Ces promesses, données à mon Père par le gouvernement britannique, offraient aux Arabes la promesse définitive d'indépendance4 dans les limites incluses par une ligne tirée d'Alexandretta le long du 37e degré de latitude jusqu'à la frontière perse puis jusqu'au golfe Persique ; À l'ouest les mers,les frontières que sont la mer Rouge, la péninsule du Sinaï et la Méditerranée.

Certaines réserves ont été faites par le gouvernement britannique, dont certaines ont été approuvées par mon père; Il a affirmé que les autres, qui ne touchent qu'une partie relativement petite de la totalité de la zone concernée, devraient être réglés lors de discussions à tenir après la fin de la guerre.

Mon Père a estimé qu'en raison des promesses qui lui avaient été données, l'unité essentielle et l'indépendance des provinces arabophones de l'Empire turc étaient sûres en cas de succès des Alliés; En conséquence il se jeta dans la lutte et appela ses compatriotes Arabes à l'y rejoindre.

Avec un patriotisme certain, ils venaient de toutes les parties des provinces arabes pour accomplir leur part relativement petite, quoique non sans importance, dans la tâche commune;

Chaque lecteur des communiqués officiels émis pendant et après la guerre est au courant.

Pour aucun des Alliés, la paix n'a suscité plus de désillusion.

Les Arabes n'ont pas gagné l'indépendance et ils ont même perdu l'unité relative dont ils jouissaient quand ils possédaient une allégeance commune à Constantinople. Le fait que les provinces arabes soient séparées ne peut être justifié par aucune considération de politique pratique; Il y a encore moins de justification à la division de provinces au sein de divers États distincts et indépendants.

Racialement ils sont homogènes;

Économiquement, ils sont interdépendants.

A moins qu'il n'y ait une totale liberté de commerce dans tout le pays, ni la Syrie, où j'inclue la Palestine, ni la Mésopotamie ne peuvent s'épanouir; En effet, ils sont si étroitement unis que les tribus arabes nomades passent et repassent naturellement de l'un à l'autre chaque année. De nouveau, d'un point de vue militaire, les Arabes ne peuvent qu'espérer résister à la pression du Nord qui est un des facteurs constants de l'histoire du Moyen-Orient, s'ils peuvent montrer un front uni.

Divisés ils doivent tomber; unis ils peuvent défendre leurs frontières et maintenir cette sécurité de la menace externe qui est l'indispensable préalable au progrès ordonné.

Ces observations paraissent si évidentes que j'aurais dû hésiter à les soumettre à la Conférence, si les Puissances alliées ne les avaient pas tenues, en ce qui concerne les provinces arabes, dans le dessein qu'ils avaient établi au Moyen-Orient. Ils n'ont même pas établi de lien ou de lien qui soit l'indispensable préalable au progrès ordonné.

Que les puissances alliées s'intéressent à diverses parties des provinces arabes que mon Père a admis, et il sera le premier à dire que les Arabes devraient considérer ces intérêts et ces relations avec le respect dû et approprié.

Que les puissances alliées s'intéressent à diverses parties des provinces arabes que mon Père a admis, et il sera le premier à dire que les Arabes devraient considérer ces intérêts et ces relations avec le respect dû et approprié.

Les Puissances alliées ont également fait des déclarations à des entités raciales5 que mon Père est heureux de discuter à nouveau dans un esprit libéral, bien que rien n'y soit dit à leur sujet dans les engagements qu'il détient du gouvernement de Sa Majesté britannique. Mais de telles discussions devraient s'inspirer des sentiments exprimés par le Président des États-Unis le 4 juillet 1919:6

 «Le règlement de toute question, qu'il s'agisse de territoire, de souveraineté, d'arrangement économique ou de politique, sur la base de la libre acceptation de ce règlement par le peuple immédiatement concerné, et non sur la base de l'intérêt ou de l'avantage matériel de toutes les autres nations ou peuples, qui peuvent désirer une autre colonie au profit de son influence extérieure ou sa maîtrise "

D'ailleurs les principaux hommes d’État des puissances alliées ont souvent déclaré guider leur politique d'après ces principes.

J'ai donc soumis au nom de Sa Majesté le Roi Hussein que cette Conférence devrait réexaminer le traitement réservé aux Arabes par le Traité de Sèvres.

Je suis ici au nom des Arabes et je demande solennellement cette indépendance et cette unité pour laquelle nous avons combattu, et pour laquelle beaucoup de milliers de mes compatriotes ont donné leur vie.

Nous voulons maintenir les relations amicales avec les Puissances alliées qui existaient entre nous alors que nous étions des nations frères d'armes; Nous ne voulons pas porter préjudice aux intérêts légitimes d'une Puissance étrangère; Mais surtout nous voulons, avec le patriotisme passionné que nous partageons avec les autres, être libres d'ordonner notre propre vie nationale afin que notre race, inspirée par sa grande histoire, puisse une fois de plus développer son génie et contribuer, comme par le passé, au socle commun de la civilisation humaine.

 Jusqu'à ce que ce désir soit satisfait, la paix, qui est un des principaux objectifs de cette Conférence, ne pourra jamais être établie dans les provinces arabes.

(Signé) Faal

1 cité in Les échecs de la communauté internationale au Moyen-Orient (des Accords Sykes-Picot à nos jours) 1916-2016 Freddy Eytan

2James Barr – Une ligne dans le sable

3Traduction site Dan Birembaum pour Terrepromise.fr

4Correspondance Mac Mahon – Hussein - 1915

5La déclaration Balfour

6 Les quatorze points Wilson.