Salah Hamouri est un avocat franco-palestinien né à Jérusalem en 1985. Il est inculpé en 2005 pour son appartenance au FPLP1 et pour avoir projeté l’assassinant de Ovadia Yossef2, rabbin d’extrême droite appartenant au mouvement radical Shass.
Alors qu’il purge un peine de sept ans de prison, il est libéré dans le cadre de l’échange de prisonniers pour obtenir la libération du soldat Gilad Shalit en 2011.
Le 23 août 2017, il est replacé en détention administrative. C’est sa quatrième incarcération. A 33 ans, il a passé 9 ans en prison. Son cas est immédiatement défendu par les soutiens de la cause palestinienne. Ils accusent notamment Israël d’utiliser une législation répressive qui permet de retenir Hamouri, sans procès et pendant plusieurs mois, sans préciser les charges retenues contre lui.
Le régime de détention administrative, très critiqué par les défenseurs des droits de l’Homme, permet à Israël de priver de liberté des personnes pendant plusieurs mois renouvelables indéfiniment sans leur en notifier les raisons.
“ Cette procédure permet selon Israël de détenir des suspects tout en rassemblant des preuves, dans le but de prévenir entre-temps des attaques. ”3
Salah Hamouri est finalement libéré le 30 septembre. Une des conditions de sa libération est l’interdiction de se livrer à « des activités militantes ». Il ne doit non plus “ assister à aucune célébration (notamment de sa libération) pendant 30 jours. ”
Selon le journal Le Monde4 :
“ Salah Hamouri reste d’une détermination farouche dans sa lutte contre l’occupation. Certes, il estime que la priorité est « de parvenir à la réconciliation » entre factions palestiniennes. Mais lorsqu’on l’interroge sur l’emploi de la violence, il répond : « Le droit international nous garantit tous les moyens de lutte. C’est à nous de décider. »”
l’organisation palestinienne Addamer dont il est « chercheur de terrain » considère qu’il y a 5500 Palestiniens emprisonnés à cette date dont 450 en détention administrative.
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Le 18 décembre 2018, il réalise une interwiew pour le journal « Le Télégramme ».
J’ai passé 13 mois en détention administrative et je ne sais toujours pas pourquoi...Les prisons israéliennes sont faites pour briser mentalement les prisonniers politiques palestiniens. On est à l’isolement total. Collectivement. Moi, j’étais détenu à Neguev, au Sud, dans le désert, près de la frontière égyptienne. On était 1 600. Coupés du monde. Le seul lien avec l’extérieur, mais ce n’est pas valable pour tout le monde, c’est la visite de la famille très proche (père, mère, frères, soeurs), une fois par mois.
… Déjà en 2005, vous aviez été inculpé pour avoir projeté l’assassinat du rabbin Ovadia Yossef et pour votre appartenance présumée au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP)…
« C’est une vieille histoire. J’ai été condamné à sept ans de prison pour cela. J’avais accepté un plaider coupable pour éviter une peine de 14 ans, mais il n’y avait rien de précis dans le dossier ».
Êtes-vous membre du FPLP ?
« Ce n’est pas une question à laquelle je peux répondre. Le FPLP est considéré comme une organisation terroriste. Ce n’est pas du tout comme en France où on peut dire que l’on est communiste, socialiste… Là-bas, toute appartenance à un parti politique est interdite. Je ne peux pas dire si je suis membre ou pas ».
Vous considérez donc qu’il s’agit d’un acharnement de l’État d’Israël vis-à-vis de votre personne et des Palestiniens en général.
« Bien sûr. Depuis 1967, environ 850 000 Palestiniens sont passés par les prisons israéliennes ; il y a eu 215 morts5. C’est 30 % de la société qui est touchée. Aujourd’hui, il y a plus de 5 000 prisonniers palestiniens, dont 250 enfants et 62 femmes… 80 d’entre eux sont incarcérés depuis plus de 25 ans. C’est un système destiné à faire pression. On veut clairement nous chasser de Palestine . Personnellement, j’ai déjà été détenu à quatre reprises. La première fois, j’avais 16 ans ».
L'homme ne souhaite par répondre à la question sur son appartenance à une organisation terroriste (le FPLP), reconnue comme telle par les USA, le Canada, l'Australie et les 27 pays de l'UE et bien sûr Israël. Cela sonne comme un aveu. Le FPLP ne vise dans ses attentats que des civils. Hamouri assimile l'organisation terroriste, ex-employeur du vénézuelien Carlos, à un parti politique et affirme, à tort, que les partis politiques sont interdits en Israël, sans doute le seul pays de la région où précisément ils sont autorisés.
Remettez-vous en cause l’existence même d’ Israël ?
« Non, je ne la remets pas en cause. Mais je considère que sa création a été une erreur et une injustice historiques. Le présent le démontre ».
Le conflit israélo-palestinien est-il un conflit religieux ?
« C’est tout sauf un conflit religieux. Avant 1948, il y avait bien des Juifs, des Chrétiens et des Musulmans qui vivaient en paix en Palestine . Je le répète : c’est un conflit entre un peuple occupé et une force occupante. La religion est un prétexte.
Moi, je suis né musulman mais je n’ai rien contre les Juifs en tant que Juifs. Ce ne sont pas les Juifs qui occupent nos rues, ce sont les Israéliens. Ce que les Palestiniens contestent, c’est la colonisation ».
La solution des deux États est morte et enterrée, à cause de la colonisation. La seule qui vaille, c’est la création d’un État démocratique, laïc, qui garantisse le retour des Palestiniens. Un État où tous les habitants auront les mêmes droits ».
L’État unique en question ne serait évidemment pas Israël, dont l'existence n'aurait plus lieu d'être si on le suit.
Salah Hamouri a effectué suite à sa libération une 'tournée' en France, notamment en Bretagne. Il a été accueilli, fêté par plusieurs villes dont Quimper. Il a aussi été reçu au Sénat par des députés communistes et écologistes qu'il a remercié pour leur soutien.
1 Pour mémoire, le FPLP est reconnu comme organisation terroriste par Israël mais aussi par les USA, le Canada, l’Australie et l’Union Européenne.l’organisation a organisé pendant des années des détournements d’avion, massacre dans des synagogues ou sur des marchés.
2 Grand Rabbin d’Israël de 1973 à 1983. Très controversé, il avait déclaré en 2000 que « les six millions de malheureux juifs qu’ont tués les nazis ne l’ont pas été gratuitement. Ils étaient la réincarnation des âmes qui ont péché et ont fait des choses qu’il ne fallait pas faire », ou « marcher entre deux femmes, c’est comme marcher entre deux ânes ou deux chameaux » et appelait (en 2001) à « l’annihilation des Arabes »
3Le Figaro 30/09/2018
4 30/09/2018, Piotr Smolar
5 Soit 1/3953, c'est vingt fois moins que la mortalité normale de la population israélienne (5,2/1000 en 2014 soit 20/3953)
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Attentats du FPLP
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Détention arbitraireLa détention administrative est une arrestation suivie d’une détention motivée par des impératifs de sécurité sans durée connue , sans que le détenu ait connaissance des motifs de sa détention, et sans qu’intervienne un procès lui permettant de lever les charges pesant contre lui. C’est donc une décision du pouvoir exécutif , non pas judiciaire. La détention administrative peut entrer dans le cadre du PICD si des motifs de sécurité sont soulevés (et avérés)
“En Israël, Hérité du mandat britannique, ce dispositif permet au commandant des forces armées en Cisjordanie d’ordonner l’incarcération d’un suspect sans l’informer des preuves réunies à son encontre, et ce pour une période de six mois renouvelable autant de fois qu’il le juge nécessaire. La décision, applicable sans délai, est examinée a posteriori par un juge militaire et peut faire l’objet d’un recours devant la Cour suprême.
Ce régime destiné à prévenir «une menace contre la vie de la nation» n’est pas, en soi, contraire au droit international dès lors qu’un pays y recourt de façon exceptionnelle. Mais son utilisation quasi routinière vaut aux autorités israéliennes d’être régulièrement mises à l’index par la Commission des droits de l’homme de l’ONU, qui appelle à «libérer sans délai l’ensemble des détenus administratifs ou bien à les poursuivre rapidement».”2
Dans ses principes en matière de procédure et mesures de protection pour la détention administrative, la croix rouge introduit le sujet ainsi :
La privation de liberté pour des raisons de sécurité est une mesure de contrôle exceptionnelle qui peut être prise dans une situation de conflit armé, qu’il soit international ou non international. De plus en plus souvent, la détention administrative de personnes présumées dangereuses pour la sécurité de l’État est également pratiquée en dehors des situations de conflit armé.Cet article soutient que l’internement et la détention administrative sont des pratiques insuffisamment réglementées quant à la protection des droits des personnes touchées.
Reste que l’utilisation de ce régime d’exception est plus fréquente dans les pays dont la liberté individuelle n’est pas une priorité absolue.
La détention administrative a été utilisée de manière systématique par plusieurs régimes répressifs pour contourner la voie judiciaire et priver les opposants politiques de la protection légale à laquelle ils ont droit.
Ce type de pratique a été largement utilisé en Irlande du Nord, en Afrique du Sud (sous le régime d’Apartheid), ainsi qu’à Guantanamo par les États-Unis. En Israël, certains opposants sont ainsi détenus depuis plus de 6 ans, sans inculpation, ni procès...Les autorités israéliennes présentent évidemment une autre vision des choses. Elles estiment que la détention administrative est nécessaire pour préserver la "sécurité" de l’État.
1 Ratifié par Israël le 3 octobre 1991