C'est la deuxième station de la Via Dolorosa
La Basilique de l'Ecce Homo fait référence aux mots de Ponce Pilate, procurateur romain de Judée. Depuis la porte de la forteresse Antonia, il présente Jésus, qu'il appelle ironiquement le roi de Juifs, à la foule rassemblée (à une heure matinale, il est six heure). Il l'a fait sortir de la forteresse Antonia et le présente sur la place pavée, le Lithostrotos (Gabbatha en hébreu). Pilate a fait flageller Jésus, qui est revêtu d'un manteau pourpre ou écarlate et d'une couronne d'épines.
La Basilique est aussi appelée couvent de soeurs de notre dame de Sion, du nom de la congrégation qu'elle abrite. La basilique se visite et ses sous-sols, vastes sont particulièrement intéressants.
L'achat de ce couvent pour y abriter la congrégation date de 1857. Une correspondance du quai d'Orsay permet de revenir à cette époque, où "les étrangers ne pouvaient obtenir un droit de propriété qu’en en faisant la demande au sultan. Cette demande, relayée par leurs représentations diplomatiques respectives, devait être adressée aux tutelles de l’Empire ottoman par l’intermédiaire du gouverneur de Jérusalem ou par les ambassadeurs étrangers à Istanbul...Le 12 mai 1858, le consul de France à Jérusalem adresse une lettre au cabinet du ministre des Affaires étrangères français pour lui demander d’obtenir une autorisation de la Sublime Porte pour l’achat de propriétés foncières à Jérusalem :
Vers la fin de 1857, j’ai acheté au prix de 65000 francs une partie des ruines du palais et de la terrasse du prétoire de Pilate à Jérusalem. Les ruines étaient propriété particulière d’une famille musulmane dont les membres sont sujets de la Sublime Porte. L’acte d’achat a été passé par le tribunal de Jérusalem le 25 novembre 1857. Inscrit d’abord sous le nom emprunté à un chrétien, l’acte de propriété a été transmis par contre-lettre à Mr Saintine, employé du consulat de France à Jérusalem. Mr Saintine a voulu me couvrir ainsi d’une protection plus significative et il m’a remis ensuite lui-même une contre-lettre qui établit la propriété en mon nom. Les négociations d’ailleurs avaient été commencées et terminées par le drogman du Consulat.
Mon intention, Monsieur le Comte, est d’établir sur les ruines importantes que je viens d’acquérir, un orphelinat pour les jeunes filles de la Terre Sainte. Cet orphelinat déjà provisoirement installé à Jérusalem est confié depuis 2 ans aux religieuses de Notre-Dame-de-Sion, dont la Maison mère est à Paris.
J’ose donc solliciter de votre Excellence, qu’elle daigne donner des ordres à l’Ambassadeur de sa Majesté l’Empereur à Constantinople, afin d’obtenir un firman (décret) qui assure la jouissance tranquille et paisible de la propriété acquise, celle des constructions que je pourrais acquérir par la suite et le droit de bâtir sur ces immeubles sans être inquiété dans l’exercice de ce droit. Je pourrais ainsi entreprendre immédiatement les constructions de l’orphelinat, sans craindre d’être embarqué ni dans les intrigues des Grecs ni par les chicanes ou le mauvais vouloir des musulmans et du Pacha gouverneur de Jérusalem.
En cela, Monsieur le Comte je ne sollicite rien de plus que ce qui est accordé aux sujets autrichiens, espagnols, anglais et américains d’après les demandes qu’ils adressent à leurs gouvernements respectifs. Je me permets d’appeler l’attention de Votre Excellence sur la grande urgence de ce firman.
Si votre Excellence, pour concourir plus efficacement au développement de l’orphelinat de Terre Sainte, daignait ajouter à cette faveur quelques secours sur les fonds de son ministère, soit sur le présent budget, soit sur les exercices suivants; ce serait un acte béni de Dieu et digne de la puissance protectrice des lieux saints, ce serait ainsi un encouragement très opportun.
On le voit les considérations diplomatiques et la concurrence entre les puissances pour s'attribuer une part de la terre sainte sont très présentes.1
1.La transformation des biens waqfs en propriété privée (jérusalémite et étrangère) à Jérusalem, 1858-1917 Musa Sroor p. 97-128
SELON LA TRADITION
Selon la tradition le prétoire de Ponce Pilate était situé dans la forteresse Antonia, une caserne militaire construite par Hérode le Grand sur un rocher de 11 mètres de haut.
La basilique de l'Ecce Homo a été construite tout contre l'ancienne forteresse détruite en 70 par Titus. Sa construction est due à deux français, les frères Théodore et Alphonse Ratisbonne. Ces deux Juifs alsaciens, fils du président du consistoire du Bas Rhin, petits fils de Cerf Beer, un philanthrope juif qui a beaucoup fait pour l'émancipation des Juifs en France se sont convertis au Catholicisme. L'ainé Théodore (1802 - 1884) se convertit en 1826, il a 24 ans, son frère Alphonse (1814 - 1884) en 1842, alors qu'il a 28 ans et devient Jésuite.
Théodore fonde en 1843 la Congrégation des Dames de Sion, qu'Alphonse aidera à développer. Théodore est aussi à l'origine de la construction de la basilique de l'Ecce Home, en 1857.
Un arc, actuellement dénommé Arc de l'Ecce Homo ou Arc d'Hadrien, enjambe la Via Dolorosa. Il fait partie d'un ensemble de trois arcs que l'on peut voir dans le sous sol du couvent attenant, il a été érigé vers 135. C'était vraisemblablement un arc de triomphe à la gloire des troupes de la légion X Fretensis. Le dessin ci-dessous donne une idée de l'arc originel.
Ce qu'il reste de l'Arc à la fin du XIXe siècle. L'église est à gauche du trait vertical en pointillé qui symbolise le mur extérieur. L'arc inférieur gauche est donc situé dans le couvent.
L'Arc est maintenant adossé à l'église (vue de l'autre côté, ici l'église est à droite)
La partie de l'arc qui est intérieure à l'église, derrière l'autel, était considérée comme la porte de l'Antonia par laquelle Jésus a été présenté.
Deux dalles, prélevées sur le dallage voisin, connu comme étant le Lithostrotos (étymologie : la "pierre étendue", le pavement), avaient été incrustées au XVIIIe siècle dans l'arc. Il y a gagné le nom d'Arche d'Ecce Homo.
Toujours selon la tradition, le Lithostrotos se trouve dans le sous sol de la basilique.
Il y a là une pierre plate située dans un endroit où Jésus a pu être retenu et flagellé contre une colonne. L'un des pierres est gravée. Ce serait des soldats romains qui y aurait inscrit une sorte de marelle, un "jeu du roi", peut-être pour moquer le "roi des Juifs". La pierre est gravée du "b", associé à une couronne. le "b" pourrait signifier basileus, le roi en grec.
Ce type de jeu est connu pour avoir été pratiqué lors des saturnales, les grandes fêtes romaines à l'approche du solstice d'hiver. La marelle servait à désigner un roi tiré au sort parmi des condamnés, un roi de carnaval. À l'issue de son règne éphémère, le "roi" était exécuté.
ÉTAT ACTUEL DES CONNAISSANCES
La localisation du prétoire de Pilate dans la forteresse Antonia est sans doute erronée. Elle est fondée sur l'hypothèse que la zone de dalles romaines, découverte sous la chapelle de la Condamnation et la basilique de l'Ecce Homo était le Lithostrôtos, où se situe le tribunal qui juge Jésus.
L'état de la recherche actuelle en archéologie situe le prétoire dans la citadelle, l'ancien Palais d'Hérode, à côté de la porte de Jaffa, à l'opposée de la vielle ville.
Les dalles prises pour le Lithosotros constituent en fait le pavage oriental du forum du IIe siècle, construit par Hadrien (en 135) dans le cadre de la construction d'Ælia Capitolina. Le jeu gravé est donc postérieur d'une centaine d'année au procès de Jésus.
Du temps des croisés, les templiers érigent sur le site de la forteresse une « chapelle du Repos » (dont une partie du porche à dôme subsiste jusque dans les années 1920).
Les Mamelouks y installent une madrassa (école coranique) où le gouverneur vit dans un prétoire, puis les ottomans, de 1517 à 1917, des casernes et une prison, ce qui a renforcé la tradition que c'est en ce lieu que se déroula le jugement de Jésus. Le lieu est de nouveau converti en école coranique en 1923.
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Sur la congrégation des Dames de Sion
Les relations de la Congrégation des Dames de Sion avec le Judaïsme ont été longtemps ambigües. La Congrégation promouvait l'amitié entre Juifs et Chrétiens dans un contexte très prosélyte.
Pendant la Seconde guerre mondiale, Notre-Dame de Sion a caché des enfants juifs mais parfois, les a baptisé et même refusé de les rendre à leur famille. Cette politique dure jusqu'aux années 1950.
C’est dans ce contexte que survient l’affaire Finaly (1948-1953).
Deux jeunes juifs ont été cachés par les religieuses pendant la guerre durant laquelle leurs parents ont été tués. Après la guerre, leur tante qui vit en Israël veut prendre à sa charge ses neveux orphelins. Mais l'église ne le souhaite pas. Elle les a baptisé, "sauvant" aussi leur âme, et refuse qu'ils retournent dans leur famille juive. La bataille juridique aux multiples rebondissements dure des années, avant qu'ils soient libérés.
"Les tentatives des familles et des associations juives pour retrouver les enfants sauvés par l’Église catholique durant la Seconde Guerre mondiale furent précoces. Il semble que, durant les années 1944 et 1945, les restitutions se soient déroulées sans trop de problème. Puis on note un raidissement en 1946, certaines « difficultés » sont mises en avant, certains cas semblent particulièrement ardus, il s’agit, en général, de la restitution d’enfants juifs baptisés. Une lettre, adressée au grand rabbin Kaplan par le père Braun, ancien aumônier général adjoint des camps d’internement français et des Groupement des travailleurs étrangers (GTE), depuis Toulouse, le 30 août 1946, montre que le cardinal Gerlier est déjà concerné par une affaire compliquée dont il suit le déroulement directement. L’intermédiaire parle de compromis : « J’ai vu le cardinal Gerlier, il y a une dizaine de jours. Nous avons beaucoup parlé (…), il est très désireux de voir résolue la difficulté. Il a déjà agi et demandé de la documentation. » Puis en bas de page : « J’oubliais de vous dire que le cardinal, qui se rappelle fort bien de vos visites, veut trouver le plus tôt possible la solution la meilleure. » Les deux hommes s’étaient côtoyés et appréciés pendant l’Occupation, lorsque le prélat avait couvert de son autorité des organisations catholiques, comme justement l’Amitié chrétienne.
La « difficulté » du moment semble, soit être déjà la restitution des deux petits Finaly – car le grand rabbin a classé cette lettre dans le dossier les concernant –, soit le refus du père Théomir Devaux, supérieur de Notre-Dame de Sion, de rendre des enfants placés par ses soins chez des nourrices. Ce grand sauveteur, qui a caché plus de 400 enfants, n’est pas aussi dénué de prosélytisme que certains historiens le croient. Le dépouillement d’archives nouvelles, déposées par Germaine Ribière, m’a permis de consulter le dossier personnel du père concernant 95 enfants cachés par ses soins. Si le baptême n’est pas systématique, loin de là, et si on prend soin de demander l’accord des familles juives, les rapports des nourrices envoyés directement au religieux montrent bien que la conversion est recherchée : elles donnent régulièrement des informations sur l’évolution des enfants encore placés chez elles après-guerre (de 1945 à 1947) et sur leur acceptation progressive du sacrement. Mes recherches m’ont permis d’établir qu’il faut attendre 1953, donc le scandale public du procès Finaly, pour voir résolue la dite « difficulté ». Le 20 mars, on signale au Consistoire que des enfants juifs convertis au catholicisme ont enfin été rendus et placés à l’École d’Orsay. Il s’agit de trente enfants réclamés depuis 1946. Revenons sur ce cas qui nous permettra de préciser les positions de l’Église catholique dans l’immédiat après-guerre.
Le Consistoire central s’est inquiété de l’attitude du supérieur de Notre-Dame de Sion au point d’écrire au Nonce apostolique à Paris, Mgr Roncalli, le 19 juillet 1946, en citant nommément le père Devaux. La lettre est signée par le président Léon Meiss et le grand rabbin de France, Isaïe Schwartz. Il est rappelé que le grand rabbin Herzog de Palestine a, au cours d’une audience, remercié les prêtres et tous les catholiques qui n’ont pas hésité à sauver des vies juives mais, il a aussi exprimé : « son douloureux étonnement provoqué par le fait que, deux ans bientôt après la Libération de la France, des enfants israélites sont encore dans des institutions religieuses non juives qui se refusent à les rendre aux œuvres juives ». Et d’ajouter : « Nous venons d’apprendre par une lettre envoyée par le Révérend père Devaux à la Commission de reconstruction culturelle juive en Europe, à New York, que le service des enfants de Notre-Dame de Sion a encore sous sa garde trente enfants israélites. » Les dirigeants du Consistoire demandent l’intervention directe du nonce et leur placement aux soins du Conseil supérieur de l’enfance juive qui les élèvera dans « la foi de leurs pères ». Ils ne seront rendus qu’en mars 1953. Quel événement a pu gripper les rouages à ce point-là ?
La note de la nonciature de Paris du 23 octobre 1946
À la suite de la visite du grand rabbin et de son entrevue avec Pie XII, ce cas n’étant pas unique et les procès en Europe se multipliant, le Vatican fut amené à prendre une décision qu’il fit connaître, en France pour le moins, à l’ensemble des évêques et des cardinaux, via la nonciature à Paris. Cette note du 23 octobre 1946 fut communiquée au cardinal Gerlier le 30 avril 1947. Elle précise :
« Au sujet des enfants juifs, qui pendant l’occupation allemande ont été confiés aux institutions et aux familles catholiques et qui sont réclamés par des institutions juives pour leur être remis, la Sainte Congrégation du Saint Office a donné une décision que l’on peut résumer ainsi :
1/ Éviter autant que possible, de répondre par écrit aux autorités juives, mais le faire oralement.
2/ Toutes les fois qu’il sera nécessaire de répondre, il faudra dire que l’Église doit faire ses investigations pour étudier chaque cas en particulier.
3/ Les enfants qui ont été baptisés ne pourraient être confiés aux institutions qui ne seraient pas à même d’assurer leur éducation chrétienne.
4/ Pour les enfants qui n’ont plus leurs parents, étant donné que l’Église s’est chargée d’eux, il ne convient pas qu’ils soient abandonnés par l’Église ou confiés à des personnes qui n’auraient aucun droit sur eux, au moins jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de disposer d’eux-mêmes. Ceci évidemment, pour les enfants qui n’auraient pas été baptisés.
5/ Si les enfants ont été confiés par les parents, et si les parents les réclament maintenant, pourvu que les enfants n’aient pas reçu le baptême, ils pourront être rendus.
Il est à noter que cette décision de la Sainte Congrégation du Saint Office a été approuvée par le Saint Père. »
Les directives de cette note confidentielle, transmise par la nonciature de Paris au cardinal Gerlier, ont certainement été appliquées par les évêques jusqu’à l’affaire Finaly."
(in Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem - Positions divergentes des prélats catholiques sur le baptême des enfants Finaly (1945-1953) Catherine Poujol p. 95-119)
Cette affaire provoqua un « d’électrochoc » dans la congrégation, selon le mot de Mère Marie Félix, alors supérieure générale, et l’aida à lui faire prendre un tournant radical dans son attitude vis-à-vis du peuple juif.
"Et alors que les sœurs de Sion ont commencé un processus d’introspection et de changement de direction, l’Église Catholique a aussi commencé une transformation massive avec le Concile de Vatican Deux. Le Pape Jean XXIII a convoqué un Concile Œcuménique, une assemblée de 2500 responsables religieux catholiques du Vatican afin de régler des questions de doctrine.Entre 1962 et 1965, le Vatican a publié 16 documents qui ont fortement transformé l’Eglise catholique, modernisant l’Église afin de répondre aux changements culturels majeurs qui se sont produits à travers le monde après la Deuxième Guerre mondiale... La conversion n’était plus le but ultime des interactions avec les non Catholiques. Les sœurs de Notre Dame de Sion ont joué un rôle important pour développer de meilleures relations entre Juifs et Catholiques dans le Concile de Vatican Deux."
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