Médicaments homéopathiques : une efficacité insuffisante pour être proposés au remboursement

A la demande du ministère des Solidarités et de la Santé, la Haute Autorité de santé a évalué le bien-fondé du maintien au remboursement des médicaments homéopathiques. Au terme de la première évaluation scientifique française de ces médicaments, la commission de la transparence rend un avis défavorable à leur prise en charge par l’assurance maladie.

 Contrairement aux autres médicaments, les médicaments homéopathiques n’ont pas été évalués scientifiquement avant d’être inscrits au remboursement il y a plusieurs décennies. Dans ce contexte, le ministère des Solidarités et de la Santé a saisi la HAS pour évaluer le bien-fondé du maintien au remboursement par l’assurance maladie des médicaments homéopathiques.

 

Première évaluation scientifique en vue du remboursement en France

 

La commission de la transparence de la HAS a mené la première évaluation scientifique française sur les médicaments homéopathiques. Elle a concerné près de 1200 médicaments homéopathiques (1200 souches qui peuvent avoir chacune des taux de dilution différents et être combinées entre elles), soit une évaluation beaucoup plus vaste que celles habituellement menées par la commission. Celle-ci a analysé plus de 1000 publications scientifiques, les contributions des parties-prenantes ainsi que les documents et dossiers déposés par les trois laboratoires concernés (Boiron, Weleda et Rocal-Lehning).

Au terme de cette évaluation scientifique qui a nécessité 9 mois de travail, la commission de la transparence a rendu un avis défavorable au maintien du remboursement des médicaments homéopathiques. Cet avis a été adopté à la majorité lors de la séance plénière du 26 juin, à l’issue de la phase contradictoire. Celle-ci a permis aux trois laboratoires de faire valoir (par écrit et en audition le 12 juin) leurs arguments relatifs au projet d’avis adopté par la commission le 15 mai.

L’avis de la commission a été transmis aux laboratoires ainsi qu’à la ministre des Solidarités et de la Santé à qui il appartient de prendre la décision finale sur le maintien ou non du remboursement des médicaments homéopathiques par l’assurance maladie.

Une efficacité insuffisamment démontrée pour justifier d’un remboursement

La commission de la transparence a identifié des données scientifiques pour 24 affections et symptômes traités avec des médicaments homéopathiques tels que troubles de l’anxiété, verrues plantaires, soins de support en oncologie, infections respiratoires aigües chez l’enfant, etc.

Pour l’ensemble de ces affections et symptômes, la commission de la transparence a considéré que ces médicaments n’ont pas démontré scientifiquement une efficacité suffisante pour justifier d’un remboursement. Plusieurs raisons motivent cette conclusion :

  • absence de preuve de l’efficacité (données cliniques ne permettant pas de conclure à une efficacité suffisante ou absence de données disponibles),

  • pas de nécessité de recourir systématiquement à des médicaments (classiques ou homéopathiques) pour traiter des pathologies sans gravité ou qui guérissent spontanément,

  • absence d’étude robuste permettant d’évaluer l’impact des médicaments homéopathiques sur la qualité de vie des patients,

  • absence d’impact attribuable aux médicaments homéopathiques sur la consommation d’autres médicaments, la diminution du mésusage, le nombre d’hospitalisations, les retards à la prise en charge ou sur l’organisation des soins.

 Toujours proposer une prise en charge adaptée aux besoins des patients

A l’occasion de cette évaluation, la HAS souligne que le recours à l’homéopathie ne doit pas retarder la prescription des soins nécessaires à la prise en charge des patients, en particulier pour les maladies graves et évolutives.

Elle tient à sensibiliser à nouveau prescripteurs et patients sur le fait qu’une prescription médicamenteuse n’est pas toujours nécessaire. L’objectif est de sortir de la culture du « tout médicament » et de savoir recourir aux approches préventives ou thérapeutiques non médicamenteuses, comme l’activité physique, qui ont une efficacité prouvée sur la santé.

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Le dossier presse de la HAS donne quelques précisions :

 

Une efficacité insuffisamment démontrée pour être proposé au remboursement

 

Quelles sont les conclusions de la HAS ?

 

La commission de la transparence est défavorable au maintien du remboursement de l’ensemble des médicaments homéopathiques. En effet, elle considère que ces médicaments n’ont pas démontré scientifiquement une efficacité suffisante pour justifier d’un remboursement.

La commission a adopté cet avis à la majorité de ses membres en séance plénière le 15 mai et a confirmé sa décision le 26 juin au terme d’une phase contradictoire au cours de laquelle les laboratoires ont fait valoir leurs arguments par écrit et lors d’une audition. Celle-ci s’est déroulée le 12 juin.

 

La commission appuie sa décision sur différents arguments parmi lesquels :

 

Pas de preuve de l’efficacité des médicaments dans les études scientifiques sur l’ensemble des 24 symptômes ou affections étudiés :

- Soit parce que les études présentaient des biais méthodologiques importants qui ne permettaient pas de retenir leurs conclusions. A titre d’exemple, leurs critères de comparaison et leurs résultats n’étaient parfois pas rapportés ; les populations ou les modalités de traitements étudiés étaient très différents de la population française, les échantillons de population étaient très faibles pour des maladies très fréquentes ou encore il existait pour un même symptôme des résultats contradictoires et divergents…

 

Autant d’éléments qui empêchent de conclure de manière robuste et formelle sur l’intérêt des médicaments homéopathiques.

 

- Soit parce que l’efficacité observée était comparable à celle du placebo – comparateur le plus souvent utilisé dans les études.

 

Pas de données d’efficacité disponibles (ou données insuffisantes) pour toutes les autres affections, au-delà de celles identifiées par la commission.

 

Pas de nécessité de recourir aux médicaments classiques et aux médicaments homéopathiques dans des pathologies sans gravité ou qui guérissent spontanément.

 

Pas d’étude robuste sur la qualité de vie des patients consommant des médicaments homéopathiques. Par conséquent, il n’a pas été possible d’apprécier l’impact en termes de qualité de vie.

 

Pas d’impact attribuable aux médicaments homéopathiques sur la consommation d’autres médicaments, la diminution du mésusage, le nombre d’hospitalisations, les retards à la prise en charge ou sur l’organisation des soins et donc sur la santé publique en général.

 

 

Quelles sont les affections et symptômes examinés par la HAS ? Quels sont les résultats pour chacun d’entre eux ?

 

Sans indication précise pour laquelle rechercher les preuves d’efficacité des médicaments homéopathiques, la HAS a d’abord dû rechercher ce qui dans la littérature scientifique – c’est-à-dire l’ensemble des publications scientifiques – ciblait ces médicaments. A partir de là, elle a mené un travail d’identification des affections et symptômes pour lesquels des données existaient.

 

Au total, 24 affections ou symptômes ont été identifiés. Ceux-ci peuvent être regroupés par aire thérapeutique :

 

- les douleurs post-chirurgicales, la prévention de l’inflammation (analgésie et traumatologie) ;

- les verrues plantaires et vulgaires (dermatologie) ;

- le saturnisme (intoxications) ;

- les candidoses vaginales (gynécologie) ;

- les céphalées et migraines (neurologie) ;

- l’asthme, les infections respiratoires, la rhinite allergique (pneumologie) ;

- l’anxiété, la dépression, les troubles du sommeil, le trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) (psychiatrie et troubles du comportement) ;

- l’arthrose, la polyarthrite rhumatoïde, les troubles musculo-squelettiques (rhumatologie) ;

- la gestion des effets indésirables des thérapies anticancéreuses (soins de support en oncologie) ;

- le syndrome de fatigue chronique (troubles somatiques fonctionnels) ;

- les diarrhées, des infections respiratoires aiguës, l’otite moyenne, la prévention des épisodes fébriles post vaccination ainsi que du trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (chez les enfants / en pédiatrie) ;

- la suppression de la lactation ou le déclenchement du travail spontané (chez les femmes enceintes ou allaitantes).

 

La HAS n’a pas trouvé de preuve établissant l’efficacité des médicaments homéopathiques pour ces affections ou pathologies. Cela a conduit la commission de la transparence à rendre un avis global sur les médicaments homéopathiques, avis défavorable au maintien du remboursement.

 

De la méthode de travail à l’analyse des données

 

A partir de quelles données la HAS a-t-elle mené son évaluation ?

 

Pour aborder l’évaluation des 1 163 médicaments homéopathiques, la HAS a souhaité recueillir le plus de données possibles concernant leur efficacité, leur tolérance et leur intérêt de santé publique. Elle s’est ainsi appuyée sur trois différentes sources de données et d’informations : la littérature scientifique nationale et internationale, les données déposées par les laboratoires et les éléments apportés par les autres parties prenantes (professionnels de santé, syndicats, patients et usagers,…).

 

Plus de 1 000 études scientifiques publiées sur les médicaments homéopathiques

Pour identifier toutes les études menées, toutes les données disponibles, la HAS a en premier lieu effectué une recherche bibliographique très large qui comprend les revues scientifiques françaises et internationales (en langue anglaise).

 

La période de recherche a également été volontairement très large – entre les années 2000 et 2019 – ce qui a permis d’identifier plus de 1 000 études : méta-analyses, revues systématiques mais aussi essais cliniques randomisés publiés. Pour ce faire, ont été interrogées des bases de données aussi bien généralistes (telles Medline, Embase…) que spécifiques aux médecines alternatives (comme Cam Quest, Hombrex…).

 

Afin de sélectionner les études réalisées, la HAS s’est appuyée sur des critères méthodologiques dits « PICOTS », utilisés par toutes les agences d’évaluation des technologies de santé (HTA).

Les critères PICOTS, acronyme anglais, ont pour objectif de retenir les études réalisées :

- sur la bonne « Population »,

- avec le bon médicament ou « Intervention »,

- le bon « Comparateur » (autre médicament ou placebo),

- les bons « Critères d’évaluation » (« Outcomes »),

- ainsi qu’un délai de suivi (« Timeframe ») suffisant,

- et un schéma d’étude correct.

 

Après un premier tri – qui a permis d’écarter des études dont les éléments présents dans le titre et le résumé ne répondaient pas à ces critères, la HAS a retenu près de 300 études. Celles-ci ont été analysées dans leur intégralité au regard de ces même critères.

Au final, la sélection sur la base de ces critères garantit d’avoir sélectionné les études de qualité suffisante, susceptibles de documenter l’efficacité, la tolérance ou l’impact sur la santé publique des médicaments homéopathiques.

 

La HAS a ainsi retenu 37 études suffisamment pertinentes pour être prises en compte dans son évaluation parmi lesquelles :

- 21 revues systématiques de la littérature et méta-analyses,

- 10 essais contrôlés randomisés,

- 6 études d’impact de santé publique.

 

A partir de ce matériau, la HAS a mené son évaluation du bienfondé du remboursement des médicaments homéopathiques.

 

 

Quelques points clefs1

 

En France, les médicaments homéopathiques sont divisés en deux grandes catégories :

 

les médicaments homéopathiques à nom commun, soumis à la procédure d’enregistrement des médicaments homéopathiques et aujourd’hui remboursables sur prescription médicale,

 

les médicaments homéopathiques à nom de marque, bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), n’ont jamais été inscrits au remboursement, les laboratoires n’en ayant jamais fait la demande (exemples : Camilia, Oscillococcinum, Angipax, Cocculine, …).

 

1 163 médicaments (souches) remboursés à 30 % concernés par l’évaluation de la HAS

 

Plus de 1 000 études cliniques identifiées dans les publications scientifiques (dont 364 revues systématiques et méta-analyses et 517 essais contrôlés randomisés)

24 symptômes ou affections pour lesquels les médicaments homéopathiques sont utilisés et pour lesquels des données scientifiques ont été retenues

 

En 2018, l’assurance maladie a remboursé 126,8 millions d’euros pour les médicaments homéopathiques, avec environ 1 Français sur 10 qui les utilise.

 

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Une évaluation sans précédent

 

L’évaluation des médicaments homéopathiques réalisée par la HAS est la première menée en France. C’est une évaluation inédite à plusieurs titres :

 

son ampleur : la HAS a, pour la première fois, recherché toutes les données scientifiques publiées dans la littérature au cours des 20 dernières années. Le périmètre est également inédit car il inclut près de 1 200 médicaments. Habituellement, la HAS évalue un médicament à la fois, dans une indication précise ; elle peut également réévaluer l’ensemble des médicaments d’une même classe thérapeutique. Par exemple, les 6 médicaments de la sclérose en plaques. En un an, ce sont en moyenne 150 nouveaux médicaments (ou indications) qui passent par la commission de la transparence ;

 

son approche : ces médicaments ne disposent pas d’une AMM et ils peuvent être utilisés seuls ou en combinaison. C’est pourquoi la HAS a mené une recherche bibliographique élargie pour identifier toutes les études scientifiques ayant trait à l’homéopathie afin d’identifier les données disponibles dans toutes les situations cliniques et avec tous les médicaments ou combinaisons possibles. Dans le même souci d’exhaustivité, la HAS a croisé ces publications avec d’autres sources d’information : les données fournies par les laboratoires, les contributions des parties prenantes ;

 

sa méthode : l’ensemble des acteurs concernés (sociétés savantes, associations, syndicats…) ont été sollicités sur le travail de la HAS au travers d’une consultation externe. Celle-ci a été volontairement plus large qu’habituellement, dans l’idée de ne pas passer à côté d’informations.

 

En pratique, ce travail a débuté en septembre 2018 par la préparation du dossier d’évaluation par le service en charge de l’évaluation des médicaments au sein de la HAS.

Dans le même temps, les pouvoirs publics ont adapté le cadre règlementaire des médicaments homéopathiques pour qu’ils disposent comme tous les médicaments en France d’un avis de la commission de la transparence (CT) en vue de leur remboursement. Ce cadre permet une évaluation par la CT des médicaments homéopathiques ne disposant pas d’AMM.

1 Dossier de presse de la HAS

 

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et avant ?

 

Appel de 124 médecins contre l'homéopathie

19 mars 2018

Le Figaro

 

Des médecins et des professionnels de santé ont décidé d’alerter sur les promesses fantaisistes et l’efficacité non prouvée des médecines dites alternatives comme l’homéopathie. Ce collectif demande l’exclusion de ces disciplines ésotériques du champ médical.

(les signataires sont 2400 en mai 2018)

- - -

« Le serment d’Hippocrate est l’un des plus anciens engagements éthiques connus. Il exige du médecin d’offrir les meilleurs soins possibles et de la façon la plus honnête. Ces deux exigences lui imposent de chercher sans cesse à améliorer ses connaissances et d’informer ceux qui font appel à ses soins sur ce qu’il peut raisonnablement proposer, ainsi que sur ce qui est inutile ou contre-indiqué. Il est facile et valorisant d’afficher son savoir. Il est bien plus difficile d’expliquer et d’accepter ses limites. La tentation peut alors être grande de pratiquer des soins sans aucun fondement scientifique. Cette tentation a toujours existé. Elle a été, et est toujours, nourrie par des charlatans en tout genre qui recherchent la caution morale du titre de médecin pour faire la promotion de fausses thérapies à l’efficacité illusoire.

«L’ordre des médecins tolère des pratiques en désaccord avec son propre Code de déontologie et les pouvoirs publics organisent, voire participent, au financement de certaines de ces pratiques»

 

L’obligation d’honnêteté est inscrite dans les Codes de déontologie des professions médicales et le Code de la santé publique (article 39 du Code de déontologie et article R.4127-39 du Code de la santé publique). Ils interdisent le charlatanisme et la tromperie, imposent de ne prescrire et distribuer que des traitements éprouvés. Ils proscrivent aussi l’usage de remèdes secrets ou ne mentionnant pas clairement les substances qu’ils contiennent. Le Conseil de l’ordre des médecins est chargé de veiller à ce que ses membres n’utilisent pas leur titre pour promouvoir des pratiques dont la science n’a jamais pu prouver l’utilité, voire qui présentent une certaine dangerosité. Il doit veiller à ce que les médecins ne deviennent pas les représentants de commerce d’industries peu scrupuleuses. Il doit sanctionner ceux ayant perdu de vue l’éthique de leur exercice.

Pourtant en 2018, l’ordre des médecins tolère des pratiques en désaccord avec son propre Code de déontologie et les pouvoirs publics organisent, voire participent, au financement de certaines de ces pratiques. Face à des pratiques de plus en plus nombreuses et ésotériques, et à la défiance grandissante du public vis-à-vis de la médecine scientifique, nous nous devions de réagir avec force et vigueur.

 

«L’homéopathie, comme les autres “médecines alternatives”, n’est en rien scientifique. Ces pratiques sont basées sur des croyances promettant une guérison miraculeuse et sans risques»

 

L’homéopathie, comme les autres pratiques qualifiées de «médecines alternatives», n’est en rien scientifique. Ces pratiques sont basées sur des croyances promettant une guérison miraculeuse et sans risques. En septembre 2017, le Conseil scientifique des Académies des sciences européennes a publié un rapport confirmant l’absence de preuves de l’efficacité de l’homéopathie. Dans la plupart des pays développés, les médecins se voient interdire de prescrire des produits homéopathiques.

Les thérapies dites «alternatives» sont inefficaces au-delà de l’effet placebo et n’en sont pas moins dangereuses. Dangereuses, car elles soignent l’inutile en surmédicalisant la population et en donnant l’illusion que toute situation peut se régler avec un «traitement». Dangereuses, car elles alimentent et s’appuient sur une défiance de fond vis-à-vis de la médecine conventionnelle comme le montrent les polémiques injustifiées sur les vaccins. Dangereuses enfin, car leur usage retarde des diagnostics et des traitements nécessaires avec parfois des conséquences dramatiques, notamment dans la prise en charge de pathologies lourdes comme les cancers.

Ces pratiques sont également coûteuses pour les finances publiques. Des formations sont assurées dans des structures recevant de l’argent public. Des consultations sont ouvertes dans des hôpitaux, aux dépens d’autres services. Certains de ces traitements sont pris en charge par l’Assurance-maladie, largement déficitaire. Ainsi, les produits homéopathiques peuvent être remboursés à 30 % (et jusqu’à 90 % en Alsace-Moselle) avec un statut dérogatoire les dispensant de prouver leur efficacité. Ceci finance une industrie prospère dont les représentants n’hésitent pas à insulter gravement ceux qui les critiquent («Il y a un Ku Klux Klan contre l’homéopathie», accusait le président du leader mondial du secteur, Christian Boiron, dans le journal Le Progrès du 15 juillet 2016) ou à balayer d’un revers de main les exigences de preuves scientifiques.

De ces pratiques qui ne sont ni scientifiques ni éthiques, mais bien irrationnelles et dangereuses, nous souhaitons nous désolidariser totalement.

Nous demandons instamment au Conseil de l’ordre des médecins et aux pouvoirs publics de tout mettre en œuvre pour:

- ne plus autoriser à faire état de leur titre les médecins ou professionnels de santé qui continuent à les promouvoir ;

- ne plus reconnaître d’une quelconque manière les diplômes d’homéopathie, de mésothérapie ou d’acupuncture comme des diplômes ou qualifications médicales ;

- ne plus faire produire en faculté de médecine ou dans les établissements de formation de santé des diplômes appuyés sur des pratiques dont l’efficacité n’aura pas été scientifiquement démontrée ;

- ne plus rembourser par les cotisations sociales les soins, médicaments ou traitements issus de disciplines refusant leur évaluation scientifique rigoureuse ;

- encourager les démarches d’information sur la nature des thérapies alternatives, leurs effets délétères et leur efficacité réelle ;

- exiger de l’ensemble des soignants qu’ils respectent la déontologie de leur profession, en refusant de donner des traitements inutiles ou inefficaces, en proposant des soins en accord avec les recommandations des sociétés savantes et les données les plus récentes de la science, en faisant preuve de pédagogie et d’honnêteté envers leurs patients et en proposant une écoute bienveillante. »

* * *

À la rentrée 2018, le syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF), en la personne du Dr Charles Bentz, porte plainte contre chacun des 124 professionnels de santé signataires d'une tribune contre les « médecines alternatives » pour « non-confraternité ».

* * *

En décembre 2018, une tribune de 131 membres des Académies des Sciences, de Médecine et de Pharmacie est publiée. Elle affirme que :

  • Non, l'homéopathie n'est pas un médicament actif ;

  • Non, les produits homéopathiques ne peuvent plus continuer à entretenir le flou sur leur composition ;

  • Non, l'homéopathie n'est pas plus efficace qu'un autre placebo ;

  • Non, l'homéopathie n'est pas forcément inoffensive ;

  • Non, l'homéopathie ne saurait invoquer un effet thérapeutique ;

  • Non, l'homéopathie ne doit plus être enseignée dans les facultés de médecine et de pharmacie ;

  • Non, l'homéopathie ne coûte pas moins cher à la collectivité que la médecine conventionnelle.

 

* * *

 

En réponse , 18 « acteurs de cette filière », pour l'essentiel des pharmaciens d'officine, lancent une pétition sur un site internet créé pour l'occasion monhomeomonchoix.fr.

Leurs arguments sont les suivants :

Dérembourser l’homéopathie ? Nous ne sommes pas d’accord !

..

Parce que des millions de Français se soignent avec l’homéopathie, et ce depuis des générations.

Aujourd’hui, nous sommes 3 Français sur 4 à avoir déjà pris de l’homéopathie1, et déjà plus de 1 104 383 à avoir signé la pétition.

Parce que nous avons le droit de choisir de nous soigner par une thérapeutique sûre, prescrite et conseillée par des professionnels de santé.

Cette liberté de choix est affirmée par la Charte européenne des droits des patients2.

Parce qu’en cas de déremboursement, il y aurait un transfert vers des médicaments plus coûteux pour la collectivité.

Le prix moyen des médicaments homéopathiques remboursables est de 2,70€ alors que le prix moyen des autres médicaments remboursables est de 9,90€3.

Parce que le remboursement favorise un usage encadré des médicaments homéopathiques par des professionnels de santé.

1 médecin généraliste sur 44 et 78% des sages-femmes libérales5 prescrivent régulièrement de l’homéopathie à leurs patients ; Plus de 21 000 officines y ont recours quotidiennement.

Parce que l’homéopathie en complément permet à certains patients de mieux supporter leurs traitements lourds.

Par exemple, 20% des patients atteints de cancer ont recours aux médicaments homéopathiques pour réduire les effets secondaires des traitements anti-cancéreux6.

Parce que l’homéopathie permet de limiter le recours à des traitements présentant des effets secondaires.

Les patients suivis par un médecin homéopathe prennent en moyenne 2 fois moins d’antibiotiques7 et d’anti-inflammatoires non stéroïdiens8, et 3 fois moins de psychotropes9 pour un résultat clinique équivalent.

 

1 Etude « les Français et l’homéopathie » réalisée par IPSOS auprès de 2000 individus. Octobre 2018.

2 https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/poster.pdf

3 Rapport d’activité CEPS 2016

4 Grimaldi-Bensouda L, Begaud B, Lert F, et al. Benchmarking the burden of 100 diseases: results of a nationwide representative survey within general practices. BMJ Open 2011;1: e000215.

5 Etude IMAGO « Les sages-femmes libérales et l’homéopathie » réalisée en 2013 auprès de 212 sages-femmes libérales

6 Etude MAC-AERIO, réalisée de janvier à mars 2010 dans 18 centre de soins sur tout le territoire, auprès de 850 patients

7 Grimaldi -Bensouda L et al. PLoS One. 2014 Mar 19;9(3):e89990.

8 Rossignol M et al. Pharmacoepidemiol Drug Saf. 2012 Oct;21(10):1093-101.

9 Grimaldi-Bensouda L et al. BMC Complement Altern Med. 2016 May 4;16:125.

 

Un « livre blanc » est proposé en téléchargement sur le même site où figurent des témoignages comme celui de la sénatrice Martine Berthet qui écrit « L’inscription de cette dernière à la pharmacopée française laisse à penser que son efficacité a été reconnue », où celui de la députée Blandine Brocard «  Les Français y sont très attachés : pour eux, pour leurs enfants » 

Le 27 juin, la Haute autorité de la Santé émet un avis de déremboursement de l'homéopathie car « son efficacité n'est pas scientifiquement prouvée »

 

Le remboursement de l'Homéopathie coûte 126,8 millions d'euros en 2018. La somme, conséquente, représente peu comparé au remboursement annuel des médicaments par l'Assurance maladie qui s'élève à 20 milliards d'euros (0,63%).

 

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Comment est fabriqué l'homéopathie ?

article Le figaro 28/04/2018

Aurélie Franc

 

L’homéopathie - fondée en 1756 en Allemagne - est, à l’origine, une théorie qui postule qu’il faut «soigner le mal par le mal». Selon Samuel Hahnemann, le médecin fondateur de cette pratique, si certaines plantes donnent les symptômes d’une maladie à des patients sains, ils doivent également pouvoir soigner ceux qui ont ces mêmes symptômes à cause d’une véritable maladie.

Mais pour éviter qu’ils ne soient vraiment nocifs pour les patients, Samuel Hahnemann décide de diluer ses préparations. Pour qu’elles conservent tout de même une efficacité, il suppose qu’il faut «dynamiser» ces préparations, c’est-à-dire, les secouer.

Aujourd’hui, ce procédé de fabrication est toujours en vigueur. Pour fabriquer de l’homéopathie, il faut diluer et dynamiser une «teinture mère», c’est-à-dire une préparation à base de plantes, d’extraits d’animaux ou encore de produits chimiques.

 

 

Selon ce processus, il faut prélever une goutte de teinture mère et la mélanger avec 99 gouttes de solvant (souvent de l’eau alcoolisée), puis secouer. Cette manipulation donne une dilution de 1CH. Pour obtenir un produit contenant 2CH, il faut répéter l’opération: prélever une goutte de la solution à 1 CH et la mélanger avec 99 gouttes d’eau alcoolisée, puis secouer.

Plus le «CH» est élevé, plus le produit est dilué. Un produit à 12 CH signifie en effet que l’opération a été répétée 12 fois. Or cette dilution correspondrait au mélange d’une goutte d’eau… dans tous les océans de la planète. À ce stade, il est très peu probable de retrouver de la substance active dans son produit homéopathique. Et cela, malgré la dynamisation.

Malgré cette absence de substance active, certains produits homéopathiques sont appelés «médicaments» par le Code de la santé publique français. Médicaments qui ont un statut spécifique. Car ils n’ont pas besoin d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), mais seulement d’un enregistrement.

Pour s’enregistrer, il faut remplir trois conditions: «Que le médicament soit pris par voie orale», qu’il n’ait aucune «indication thérapeutique particulière sur l’étiquetage», et «qu’il y ait un degré de dilution garantissant son innocuité». Aujourd’hui, en France, certains médicaments homéopathiques sont remboursables par la Sécurité Sociale à hauteur de 30%.

 

Pour se faire une idée, voici un petit tableau des équivalences qui permettra de mieux situer les choses en ce qui concerne les dilutions vendues sur le marché par les laboratoires homéopathiques, et censés guérir vos maux :

 

1 CH : 1 cl dans un litre d'eau

dillution 1 / 100

2 CH : dillution 1/ 10 000 = 104
3 CH : dillution 1/ 1 million = 106
4 CH = une goutte de la substance de produit actif initial dans une piscine de jardin,
dillution 1 / 100 millions = 108
5 CH = une goutte de cette même substance dans une piscine olympique,

1 / 10 milliards=1010

6 CH = une goutte dans un étang de 250 m de diamètre,

1 / 1000 milliards=1012

7 CH = une goutte dans un petit lac,

1/ 100 000 milliards=1014

8 CH = une goutte dans une grand lac de 10 km² par 20 m de profondeur,

1 / 1 millions de milliards

9 CH = une goutte dans un très grand lac de 200 km² par 50 m de profondeur,

1/ 1 milliards de milliards

10 CH = une goutte dans la Baie d'Hudson,
11 CH = une goutte dans la mer Méditerranée,
12 CH = une goutte dans tous les océans de la planète, limite d'une présence possible d'une molécule dans la préparation.
30 CH = une goutte dans un milliard de milliards de milliards de milliards de fois toute l'eau de tous les océans de la planète.

 

Homéopathie : le verdict négatif de la science

 

Les sociétés savantes sont unanimes : il n’existe aucune preuve solide de l’efficacité thérapeutique des produits homéopathiques.

LeMonde Par Pascale Santi et Richard Schittly Publié le 21 mai 2018 à 16h54

L’Académie nationale de médecine est elle aussi entrée dans le débat sur l’efficacité de l’homéopathie. Questionnée sur l’aspect scientifique par le conseil de l’ordre des médecins, l’Académie nous a indiqué avoir ­confirmé vendredi 18 mai sa position, qui est la même que celle exprimée en 2004 : il s’agit d’une « méthode imaginée il y a deux siècles à partir d’a priori conceptuels dénués de fondement scientifique ».

L’homéopathie, dont le nom est issu des mots grecs homoios (« semblable ») et pathos (« maladie »), repose sur le principe de soigner par ce qui est semblable à la maladie. Cela consiste en des dilutions extrêmes d’une substance active, au point qu’il n’en reste plus ou quasiment plus.

Une approche qui ne convainc pas les sociétés savantes. En septembre 2017, le Conseil scientifique des académies des sciences européennes (Easac) avait rendu un rapport accablant, jugeant qu’il n’y avait « aucune preuve solide de l’efficacité des produits pour traiter les maladies, ou même les prévenir (…), même s’il y a parfois un effet placebo » – un effet bénéfique d’origine psychologique, omniprésent en médecine. Même conclusion que celle rendue deux ans plus tôt par le National Health and Medical Research Council (NHMRC) en Australie, après analyse de plus de 200 études datant de moins de vingt ans et portant sur 55 pathologies différentes. « On est dans le monde de la croyance », résume le professeur de pharmacologie François Chast.

 

Pas d’efficacité pharmacologique

Un mauvais procès, selon le Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF), qui avait contesté le rapport de l’Easacet rappelé une étude épidémiologique financée par le laboratoire Boiron, l’étude EPI 3. Mené entre 2005 et 2012 sur près de 8 600 patients au sein de 825 cabinets de médecins généralistes aux pratiques variées (conventionnelle, homéopathique, mixte), ce travail montrait notamment que les médecins homéopathes prescrivaient moins de médicaments à l’origine d’effets indésirables notables (psychotropes, anti-inflammatoires non stéroïdiens…) sans perte de chance potentielle pour le patient. Pour le SNMHF, c’est aussi un moindre coût pour l’Assurance-maladie.

Une affirmation qui semble invalidée par une étude conduite en Allemagne publiée en 2015 dans PLoS One. En examinant les dépenses de santé de 44 500 personnes, il ressortait que celles qui utilisent l’homéopathie ont des coûts plus élevés que celles qui n’ont recours qu’aux soins conventionnels.

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En faisant une recherche avec le terme « homeopathy » sur la base Pubmed, on trouve 589 références depuis 2011. Sur ce corpus, « les articles scientifiques sérieux vont dans le même sens, souligne le professeur Vincent Renard, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE). En fait, hors lien d’intérêt, qu’il soit d’ordre professionnel, financier ou religieux, il est évident qu’il n’y a pas d’efficacité pharmacologique. Le débat est tranché depuis longtemps ».

Le rapport de l’Easac indiquait que l’homéopathie pourrait « même avoir un effet nocif », en termes de perte de chance ou de retards de traitement. Là encore, ces éventuelles pertes de chance sont réfutées par le SNMHF pour qui « les mé­decins homéopathes sont avant tout des médecins » à même de « faire un choix éclairé sur le traitement à dispenser après un diagnostic et un pronostic rigoureux ».

« L’homéopathie se développe parce que nous savons que ça marche, mais nous ne savons pas comment », affirme Christian Boiron. Pour mieux se faire comprendre, le patron du laboratoire mondialisé n’hésite pas à dessiner sur un tableau blanc le « mur de molécules », au-delà duquel se jouerait l’action de l’homéopathie, à invoquer la physique quantique, persuadé que le secret de cette médecine réside quelque part dans l’infiniment petit. Paradoxe, malgré cette faiblesse scientifique, le public adhère en nombre…

 

 

L'homéopathie dans d'autres pays

 

Aux États-unis, depuis le 15 novembre 2016, les « médicaments » homéopathiques doivent indiquer sur la boite que leur efficacité n'est pas prouvée. La mention obligatoire est la suivante :

« il n'y a aucune preuve scientifique de l'efficacité du produit. Les allégations le concernant sont basées uniquement sur les théories de l'homéopathie du 18e siècle, non acceptées par la plupart des experts médicaux actuels ».

Le défaut d'indication sur la boite peut entrainer pour le fabricant des poursuite pour publicité mensongère.

En Grande-Bretagne, la sécurité sociale ne rembourse plus les produits homéopathiques depuis 2017. Pour le directeur du National Health Service, le NHS, «L’homéopathie est au mieux un placebo et un gâchis des fonds limités du NHS ».

En Belgique, le remboursement des médicaments homéopathiques n'est pas prévu par la loi. Certaines mutuelles le proposent et le montant varie d'un service à l'autre (de 20 à 25 % du prix du médicament et avec des plafonds annuels entre 60 et 175 euros). Dans tous les cas, les médicaments doivent être prescrits par un médecin pour être remboursés. 

Aux Pays-bas, comme en Belgique, l'homéopathie n'est pas comprise dans l’assurance de base. 

 

« En Espagne, plusieurs universités qui dispensaient des formations d'homéopathie les ont supprimées ces dernières années, arguant du "manque de fondement scientifique".

En Italie, une controverse avait éclaté en mai 2017 après la mort d'un enfant de sept ans des suites d'une otite traitée uniquement à l'homéopathie.

D'ici à janvier, l'agence du médicament italienne (Aifa) doit agréer quelque 3.000 traitements homéopathiques. Une reconnaissance, certes, mais pas pour tous: ceux qui ne l'auront pas obtenue, soit 3.000 autres selon les estimations, seront bannis.

L'homéopathie n'est pas remboursée dans ce pays, mais peut faire l'objet d'une déduction fiscale, ce qui représente 50 à 70 millions d'euros par an selon les médias italiens.

En Allemagne, on l'apprécie beaucoup. Le marché pesait quelque 600 millions d'euros en 2016 selon l'industrie pharmaceutique.

Les différentes caisses publiques d'assurance maladie de ce pays la remboursent, parfois à 100%. Elles semblent le justifier par l'attachement des patients à cette pratique.

"Bien que l'homéopathie ne soit pas une méthode de traitement médical reconnue par les scientifiques, elle reste appréciée et très utilisée", explique ainsi l'une de ces caisses, la Barmer. »1

En Australie, En 2014, le National Health and Medical Research Council (NHMRC) australien conclut, dans un rapport, qu'il n'existe pas de preuves fiables concernant l'efficacité de l'homéopathie2

A l'exception de l'Allemagne, de la Suisse et du Luxembourg et de l'Inde aucun autre pays au monde ne rembourse l'homéopathie en dehors de quelques assurances privées.

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 L'Oscillococcinum, histoire de son élaboration

(wikipedia)

 

La recette de l'Oscillococcinum a été élaborée au début du XXe siècle par le médecin homéopathe français Joseph Roy (1891-1978), sur la base de ses seules intuitions.

Roy est, à 27 ans, médecin militaire pendant la Première Guerre mondiale, lorsqu'il est confronté à l'épidémie de grippe espagnole de 1918. En observant le sang des malades au microscope, Roy croit observer un micro-organisme constitué de deux grains de tailles différentes et présentant un mouvement oscillatoire rapide. Il lui donne le nom d'« oscillocoque7 ». Selon Roy, le micro-organisme peut changer de taille jusqu'à devenir invisible (avec les instruments de l'époque, c'est-à-dire un simple microscope optique), et peut aussi changer de forme, en présentant parfois trois ou quatre grains. Aucune de ces observations n'a jamais pu être reproduite depuis, et on ne connaît au XXIe siècle aucune bactérie oscillante ou changeant rapidement de taille dans de telles proportions.

Dans les années suivantes, Roy dit observer l'oscillocoque dans de très nombreuses pathologies : cancers (dans les tumeurs), maladies vénériennes (syphilis et blennorragie), infections diverses (tuberculose, oreillons, varicelle, rougeole ou herpès), et même dans des cas d'eczéma et de rhumatismes chroniques. Pour Roy, l'oscillocoque apparaît comme un germe universel. Pour utiliser sa découverte à des fins préventives et curatives, Roy choisit une source de culture du germe : le foie et le cœur des canards de Barbarie. Les raisons de ce choix restent inconnues.

Dans les années 1920, Roy réalise diverses expériences sur des animaux. Il injecte des oscillocoques, qu'il affirme provenir de malades de la grippe, à des rats qui décèdent, soit à court terme d'infections présentant les symptômes de la grippe, soit à plus long terme de tumeurs. Il injecte aussi des oscillocoques provenant de patients atteints de cancer à des rats et des lapins qui meurent de grippes. Roy collabore avec Léon Vannier (fondateur des laboratoires homéopathiques de France), à qui il remet en 1925 une souche d'oscillocoques. Roy préconise des dynamisations de Korsakov (trentième et surtout 200e). Vannier injecte des oscillocoques à des malades atteint de cancer et affirme constater des réactions dont les symptômes sont comparables à ceux de la grippe, ainsi qu'une aggravation générale de leur état8.

Roy confie sa recette aux Laboratoires Homéopathiques Modernes (fondés en 1933 par René Baudry et Henri Boiron) qui commercialisent en exclusivité le médicament sous le nom Oscillococcinum7. La commercialisation est poursuivie depuis 1967 par les laboratoires Boiron . L'indication du médicament « contre la grippe » est alors remplacée par « contre les affections grippales », aucun effet n'ayant jamais été mis en évidence contre cette maladie.

Actuellement, tant les opposants à l'homéopathie que ses défenseurs admettent aujourd'hui que l’oscillocoque n'existe pas. Les observations de Joseph Roy n'ont en effet jamais été reproduites9 et le docteur Curé, médecin homéopathe spécialiste de l'oscillococcinum, affirme que le micro-organisme n'a pas été identifié par la microbiologie moderne8. Le médicament est d'ailleurs présenté par son fabricant comme un autolysat de foie et de cœur de canard, sans aucune mention de la présence d'oscillocoque.

La grippe étant due non à une bactérie, mais à un virus trop petit pour être vu avec un microscope optique, Joseph Roy ne peut donc pas avoir observé l'agent infectieux à l'origine de la grippe, qui sera identifié par Richard Schope en 193110. Les laboratoires Boiron n'indiquent pas l'Oscillococcinum comme étant un médicament contre la grippe mais contre les « états grippaux ». Bien que ceci soit caractéristique des indications homéopathiques, qui visent un ensemble de symptômes plutôt qu'une maladie, certains voient une raison médicale dans cette modification récente des indications : le médicament serait un simple placebo, plus adapté selon eux à des cas de rhinopharyngite (rhume bénin, maladie spontanément résolutive sans médication), qu'à des cas de grippe.

 

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Une inefficacité scientifiquement prouvée (wikipedia)

 

Aucune étude n'a jamais pu démontrer une quelconque efficacité d'Oscillococcinum, au-delà de l'effet placebo. Les laboratoires Boiron n'ont jamais eu besoin d'apporter la preuve de l'efficacité de leur produit pour obtenir une autorisation de mise sur le marché, puisqu'il ne s'agit pas d'un réel médicament, et peu d'études cliniques testant l'efficacité de ce médicament ont vu leurs résultats publiés. Une synthèse publiée en 2006 fait l'analyse critique de 7 articles, et conclut que la qualité scientifique des études concernant l'Oscillococcinum est relativement faible, que leurs résultats ne permettent pas de conclure à un effet préventif de ce produit. Une synthèse publiée en 2005 conclut que la popularité d'Oscillococcinum dans certains pays, notamment en France, en tant que médicament préventif de la grippe, n'est pas justifiée par les résultats des études cliniques. En 2015, une nouvelle synthèse fournit encore les mêmes conclusions : l'Oscillococcinum n'a fait ses preuves ni pour la prévention ni pour le traitement de la grippe et des états grippaux. Une enquête réalisée en 2019 au Québec montre qu'environ un tiers des pharmaciens recommandent ce produit, un tiers délivre un message ambigu, un tiers le déconseille formellement, et que la majorité de la profession en reconnaît l'inefficacité.

Opposition

Contre la grippe, les recommandations officielles de l'Institut de veille sanitaire21 consistent d'une part en la vaccination, notamment pour les populations à risque de complications, et d'autre part, en des mesures d'hygiène simples (comme le lavage des mains). Le vaccin contre la grippe est obtenu à partir de virus inactivés ou atténués ou d'éléments antigéniques. Le vaccin contre la grippe saisonnière est modifié chaque année de façon à protéger contre les souches en vigueur ; le taux de protection offert par la vaccination est variable mais très supérieur au placebo, autour de 88 %22.

En août 2011, des citoyens américains se regroupent en recours collectif (class action) afin de poursuivre en justice les laboratoires Boiron pour fraude et publicité mensongère à l'égard de leur produit Oscillococcinum23,24. Boiron présentait en effet ce dernier produit aux États-Unis comme un remède contre les symptômes des états grippaux (« flu-like symptoms »). En mars 2012, le groupe a préféré payer 12 millions de dollars pour éteindre l’action plutôt que de devoir démontrer l'efficacité de son produit.

 

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Les Décodeurs du Monde

Efficacité de l'Homéopathie : que dit la science ?

21 septembre 2018

 

Si le débat autour de l’efficacité de ces traitements perdure dans l’opinion publique, il a cessé dans la communauté scientifique : outre son effet placebo, aucune étude n’a pu démontrer rigoureusement l’efficacité de l’homéopathie.

Dans la famille des controverses médicales, celle sur l’homéopathie est probablement l’une des plus anciennes. Une arlésienne qui n’en finit pas de diviser les professionnels de santé, particulièrement ravivée cette année par une tribune parue dans Le Figaro du 19 mars et signée par 124 professionnels de la santé, qualifiant l’homéopathie d’« irrationnelle », « dangereuse » et « coûteuse », ce à quoi a répondu le Syndicat national des médecins homéopathes français en assignant devant la justice de l'ordre des médecins plusieurs dizaines de confrères et de consœurs signataires pour « non-confraternité » et « non-respect du code de déontologie ».

Pourtant, au sein de la communauté scientifique, l’homéopathie ne fait plus réellement débat : plusieurs dizaines d’années d’efforts de recherche n’ont jamais permis de montrer solidement que ces traitements ont un effet supérieur à un placebo, c’est-à-dire à un faux médicament qui n’agit que parce que la personne pense qu’on la traite.

L’homéopathie, une exception à la marche de la science

Fondée à la fin du XVIIIe siècle par le médecin allemand Samuel Hahnemann, l’homéopathie est la médecine alternative la plus vieille à s’être installée en Europe, et repose principalement sur l’idée que quasiment tout mal peut être soigné en administrant la substance ou le produit qui le provoque à des doses moindres, idée fondée sur deux postulats : le premier est de soigner le mal par le mal (ce qu’on appelle la théorie des semblables), le second est de diluer grandement les produits soignants, de sorte à les potentialiser (en pensant que les diluer renforcerait leur potentiel thérapeutique).

Après la soutenance de sa thèse en médecine en 1779 à Erlangen (Bavière), Samuel Hahnemann vit péniblement de ses activités médicales et commence à travailler en tant que traducteur d’ouvrages et de travaux scientifiques. Très critique des pratiques médicales appliquées en cette fin de XVIIIe siècle (comme la saignée ou la purge), qu’il estime inefficaces, Hahnemann s’intéresse en 1790 au Traité de matière médicale écrit par le médecin écossais William Cullen, dans lequel celui-ci propose d’utiliser l’écorce de quinquina pour traiter certaines fièvres. Hahnemann s’auto-administre de fortes doses de la plante et remarque que celle-ci provoque chez lui des poussées modérées de fièvre sans les autres symptômes habituels des fièvres intermittentes telles que le paludisme.

Il en conclut que les maux peuvent être soignés avec les produits qui les provoquent, une idée consacrée en 1796 dans son Essai sur un nouveau principe pour vérifier le pouvoir curatif des substances médicinales, et qui trouve sa confirmation, aux yeux de Hahnemann, dans la découverte la même année, par Edward Jenner, du principe de la vaccination, qui consiste à immuniser un patient contre une maladie en lui injectant le même pathogène affaibli.

Le médecin allemand rencontre réellement la notoriété en 1810 avec son Organon de l’art de guérir, dans lequel il développe pleinement le concept de l’homéopathie et qui rencontre un certain succès dans plusieurs pays d’Europe. Il achève sa théorie en 1814 lorsqu’il propose de ne donner que des doses infimes aux patients afin que les substances ne produisent que les plus petits symptômes possibles de la maladie d’origine, en diluant celles-ci dans une grande, très grande quantité d’eau.

L’unité de base de sa dilution est le CH (ou centésimal hahnemannien), qui est égal à la dilution d’une substance dans un volume d’eau 100 fois supérieur. Deux CH signifient qu’une substance a été diluée deux fois d’affilée dans un tel volume, ce qui amoindrit très rapidement la quantité de la substance d’origine. A tel point qu’au bout de douze CH, plus aucun atome de la solution d’origine n’est présent dans l’eau. Hahnemann, lui, propose une dilution de 30 CH, théorisant que le pouvoir thérapeutique de la substance subsistait sous la forme d’une « force spirituelle dématérialisée ».

Son affirmation, qui est en contradiction totale avec les connaissances scientifiques en chimie, a valu à Hahnemann de rudes critiques de la part de nombre de ses pairs et a initié une lutte, qui perdure toujours deux cents ans plus tard, entre les homéopathes et le reste de la communauté scientifique. Un fossé qui n’empêchera pas l’homéopathie de progressivement pénétrer les cercles académiques orthodoxes. L’Institut américain d’homéopathie fut la première institution créée dans le but de rendre ces traitements davantage acceptés par les praticiens, selon l’historien de la médecine Irvine Loudon. Ainsi, un rapprochement s’est graduellement opéré entre homéopathes et médecins orthodoxes, les uns adoptant en partie la médecine conventionnelle, les autres empruntant davantage aux pratiques fondées par Hahnemann, quoiqu’elles soient dénuées de tout fondement scientifique.

Aucun résultat convaincant malgré 180 ans de recherche

Bien que les principes fondamentaux de l’homéopathie n’aient jamais été soutenus par autre chose que l’imagination d’Hahnemann lorsqu’il les a formulés, la recherche scientifique s’est longtemps penchée sur l’efficacité des traitements homéopathiques. L’un des premiers essais cliniques eut lieu en 1835 à Nuremberg, lorsque Wilhelm von Hoven, le directeur des hôpitaux de la ville, agacé par la popularité grandissante de l’homéopathie parmi la bourgeoisie bavaroise, organisa une expérience pour en tester l’efficacité. Réunissant une centaine de participants, von Hoven et Johann Jacob Reuter, le médecin homéopathe de la ville, formèrent deux groupes aléatoirement et donnèrent de l’eau distillée aux uns et de l’eau salée dont le sel a été dilué à 30 CH aux autres. Menée avec des standards de qualité élevés, l’étude montrait que seuls 16 % des participants disaient avoir ressenti des sensations dues à l’ingestion de sel. La grande majorité des volontaires ayant pris la solution homéopathique n’avaient ressenti aucun effet, ce qui mena les chercheurs à la conclusion que Johann Jacob Reuter avait tort.

Depuis cette expérience, restée célèbre, le nombre de travaux sérieux ayant mis en évidence l’efficacité thérapeutique des traitements homéopathiques est resté à zéro, malgré les efforts de recherche considérables qui ont été déployés depuis cent quatre-vingts ans pour trancher cette question.

Plusieurs centaines de travaux indépendants ont été consacrées à cette question et ont tenté de déterminer les effets homéopathiques sur une grande variété de maladies et d’états de santé, et notamment pour ceux les plus traités par l’homéopathie (asthme, otites, arthrite, migraines, allergies, hypertension, etc). La plus grande revue de la littérature scientifique existante a été publiée en 2015 par le Conseil national de la recherche médicale australien (National Health and Medical Research Council, ou NHMRC) après trois ans d’un processus rigoureux de relecture des études portant sur le sujet. Un travail considérable qui s’est fondé sur trois sources d’informations :

  • une revue des preuves réalisée en sélectionnant toutes les méta-études remplissant des critères de qualité (les méta-études sont des études qui évaluent les connaissances scientifiques sur un sujet en décortiquant un grand nombre d’études) ;

1 La depeche.fr 28/03/2018

2 La tribune 9/05/2019

 

 


  •  - une évaluation des preuves fournies par les groupes d’intérêts défendant l’homéopathie ainsi que par le public ;

    - les rapports publiés par les agences des gouvernements des autres pays.

Le NHMRC a ainsi étudié 57 méta-études publiées entre 1997 et 2013 et recouvrant 176 études scientifiques sur 61 maladies ou problèmes de santé.

Pour 13 problèmes de santé, l’homéopathie n’a pas eu plus de résultats qu’un placebo. Pour les autres pathologies, les études qui ont suggéré un bénéfice supérieur à un placebo se sont révélées mal conçues et peu fiables, en raison d’erreurs méthodologiques sérieuses ou d’un nombre de participants trop faible pour soutenir ces conclusions. Ce à quoi s’ajoute, pour près de la moitié des problèmes de santé étudiés, un nombre

 

très réduit de travaux qui, pour quasiment tous, présentent des défauts de conception, ce qui ne permet pas de conclure dans un sens ou dans l’autre sur l’efficacité de l’homéopathie concernant ces maladies.

Quant aux études soumises au NHMRC par les défenseurs de l’homéopathie et par le public, elles ne se sont pas révélées concluantes du tout. Sur 496 publications soumises à l’examen des scientifiques, 447 ne remplissaient pas les critères requis, étaient sans rapport ou déjà incluses dans le corpus étudié par le NHMRC. Sur les 49 articles restants soumis par les homéopathes, 48 ne satisfaisaient pas aux critères de rigueur requis et présentaient des erreurs ou ne donnaient pas assez de détails, les auteurs les qualifiant de « faible qualité ». Une seule étude portant sur les infections des voies respiratoires s’est révélée assez peu biaisée et suggérait que l’homéopathie avait été efficace. Mais le faible nombre de patients étudiés rend ses conclusions pour le moins fragiles au regard du consensus scientifique qui se dégage du reste des études.

Après trois ans de relectures de la littérature scientifique par deux groupes indépendants d’experts, la conclusion de l’institution australienne est sans appel. « Le NHMRC conclut qu’il n’existe aucun problème de santé pour lequel il existe des preuves satisfaisantes de l’efficacité de l’homéopathie », précisant que celle-ci « ne devrait pas être utilisée pour traiter des pathologies chroniques, graves ou potentiellement graves ». « Les personnes faisant le choix de l’homéopathie pourraient mettre leur vie en danger si elles en venaient à refuser ou à repousser le choix d’un traitement dont l’efficacité et la sûreté ont été prouvées », ajoutent les auteurs du rapport.

Le rapport volumineux, détaillé et transparent du NHMRC, s’il est accablant tant les conclusions sont unanimes, n’est pourtant que l’un des derniers épisodes d’une longue liste de travaux similaires, qui ont tous eu pour objet de synthétiser les connaissances les plus fiables sur le sujet et d’étudier les travaux scientifiques publiés dans les revues d’homéopathie et ardemment mis en valeur par les homéopathes. Mais à chaque fois, les conclusions sont négatives : aucun effet distinct d’un effet placebo n’a jamais été mis en évidence de manière rigoureuse. Les preuves dont se réclament les homéopathes pour défendre leurs pratiques – dont ils admettent d’ailleurs qu’elles fonctionnent sans savoir exactement comment – n’ont pas une seule fois résisté aux relectures rigoureuses de leurs pairs.

« Il y aura une avalanche de gens qui ne répondront pas à ce rapport et qui diront que ça n’est qu’une conspiration du système, a tenu à prévenir Paul Glasziou, le président du comité de travail sur l’homéopathie, après la publication du rapport du NHMRC. Mais nous espérons que de nombreuses personnes reconsidéreront le fait de vendre, rembourser ou utiliser ces traitements. » De fait, en novembre 2017, les services de santé britanniques, le National Health Service (NHS), ont décidé d’arrêter leur remboursement, même si la pratique est très marginale au Royaume-Uni, après avoir pris en compte les travaux de leurs homologues australiens et avoir étudié neuf méta-études publiées depuis. Comme précédemment, certaines études ont fait état d’effets supérieurs aux placebos, mais souffraient d’erreurs de conception qui rendent leurs résultats très incertains. Le reste a conclu à l’absence d’effets significatifs. En France, les médicaments homéopathiques sont actuellement classés comme ayant un « service médical au rendu modéré » et sont remboursés par l'Assurance maladie à hauteur de 30 %.

Si, comme le notait l’Académie nationale de médecine en juin 2004, cette pratique « obsolète » n’est fondée qu’« à partir d’a priori conceptuels dénués de fondement scientifique » qui a vécu « à l’écart de tout progrès », sa survie à deux siècles de victoires médicales considérables peut s’expliquer par plusieurs raisons.

Outre le fait qu’elle a été fondée comme une alternative aux pratiques bien peu efficaces de la médecine conventionnelle de son époque, l’homéopathie a été importée par de nombreux praticiens dans d’autres pays d’Europe. Ils étaient présents dans la plupart des pays européens à la mort d’Hahnemann à Paris en 1843, ainsi qu’en Russie et aux Etats-Unis, où naît, un an plus tard, l’Institut américain d’homéopathie. Les homéopathes ont également su « scientifiser » leurs pratiques en adoptant progressivement les progrès et la méthode scientifiques. De nombreuses revues d’homéopathie ont ainsi vu le jour et ont permis la publication de nombreux travaux de recherche qui serviront ensuite à crédibiliser l’homéopathie comme une médecine fondée sur les preuves (même si des relectures critiques desdites publications ont mis en évidence à de multiples reprises le faible degré de fiabilité de leurs résultats). De fait, on compte aujourd’hui en France une quinzaine de facultés de médecine proposant des diplômes universitaires d’homéopathie et quelque 5 000 médecins homéopathes.

Plus généralement, le succès populaire de l’homéopathie en France, en Inde et dans de nombreux autres pays tient aussi au fait qu’elle est vue par ses défenseurs comme un système « attractif, simple, sans danger, facile à comprendre et centré sur le patient dans son intégralité », selon Irvine Loudon. Un principe d’individualisation mis en avant par les homéopathes, qui estiment que le patient reçoit plus d’écoute et de soutien, ainsi que moins de principes actifs ayant des effets secondaires, face à une médecine conventionnelle décrite ou perçue comme surmédicalisée et antipathique.

C'est d’ailleurs ce que montre une grande étude longitudinale baptisée « EPI3 » et ayant suivi quelques milliers de patients de 825 médecins généralistes sur un an. Financée à hauteur de six millions d’euros par les laboratoires Boiron, le leader des médicaments homéopathiques en France, et réalisée par des professionnels indépendants, cette étude a montré que les médecins homéopathes prescrivaient beaucoup moins de traitements actifs que les praticiens de la médecine conventionnelle, pour un résultat thérapeutique similaire.

Ce suivi, assuré entre mars 2007 et juillet 2008, et dont les résultats ont été publiés entre 2012 et 2016, est très souvent utilisé par les médecins homéopathes qui y voient une validation de l’efficacité thérapeutique de l’homéopathie. Si le résultat principal – à savoir que les praticiens homéopathes donnent moins de traitements actifs pouvant générer des effets secondaires – est indéniable, il est important de rappeler que l’étude est conçue pour comparer deux types de prises en charge et non les médicaments en eux-mêmes. Comme le notent les auteurs, les résultats peuvent s’expliquer en partie par « l’interaction entre le médecin et le patient », et l’étude ne peut servir à comparer la différence d’efficacité entre la médecine conventionnelle et l’homéopathie, dont ils rappellent que « l’efficacité au-delà de l’effet placebo reste à prouver ». Selon eux, le dialogue et la consultation en soi peuvent créer les conditions d’un effet placebo.

L’étude ne faisant que suivre la patientèle de médecins aux pratiques différentes, elle n’est pas conçue comme un essai clinique et ne peut ainsi pas contrôler la différence de profil de patients consultants ces deux groupes de médecins. Ainsi, les patients des homéopathes sont-ils souvent davantage non fumeurs, ont suivi des études plus longues, ont un indice de masse corporel plus faible et sont davantage des femmes. Des différences statistiquement significatives qui limitent la solidité des résultats. Le nombre limité de patients sur certains troubles étudiés, ajouté à l’inefficacité de certains traitements conventionnels et à l’absence de contrôle de certaines variables rendent les résultats peu concluants pour l’homéopathie, même s’ils suggèrent que certaines pathologies peuvent se soigner sans surmédication.

Après les vives critiques dont il a fait l’objet, Paul Glasziou tente de tempérer. « Je comprends très bien pourquoi Samuel Hahnemann n’était pas satisfait des pratiques médicales du XVIIIe siècle, comme la saignée ou la purge, et pourquoi il a tenté de trouver une meilleure alternative, écrit-il dans une note de blog en 2016. Mais j’imagine qu’il serait déçu par l’échec de l’homéopathie à poursuivre ses recherches innovantes. »

Comme le rappelle Irvine Loudon, « s’il y a bien une pratique médicale qui a vraiment demandé un examen scientifique minutieux, c’est l’homéopathie ». Pourtant, deux siècles plus tard, elle échoue toujours à démontrer la preuve de son efficacité.

 

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