L'Empereur Charlemagne avait obtenu du Calife Haroun ar-Rachid (765-809), cinquième calife abbasside, l'autorisation de fonder et d'entretenir des centres pour pèlerins occidentaux et conçu comme la première ébauche d'une forme de protectorat sur les lieux saints.
Le premier traité concernant les lieux saints est signé en 1500 entre Louis XII et le sultan mamelouk du Caire. La plupart des rois de France signent ensuite ce type d'accord, afin de récupérer des biens de l'église, protéger les lieux de pélérinage et les pélerins suite à la fin de l'empire Byzantin, ou autoriser des ordres religieux.
En 1535 sont signées les clauses d'une capitulation (traité) entre François 1er et Soliman le Magnifique, aux termes desquels les sujets du Roi Très-Chrétien se voient garantir leur liberté individuelle et religieuse sur l'ensemble du territoire administré par la Sublime Porte.
" Cet engagement fut non seulement renouvelé mais même élargi dans la dernière formulation de ces Capitulations, en 1740 : la France reçut alors, et ce à perpétuité, le droit d'assurer la protection des Chrétiens de l'Empire. Concernant Jérusalem, l'article 14 conférait à la fille aînée de l’Église la protection des Latins du Saint-Sépulcre, tandis que l'article 82 l'habilitait à prendre à sa charge la réparation des sanctuaires.
Par la distinction opérée entre populations latines et non latines, l'acte conclu par Louis XV portait en germe les rivalités qui opposèrent, pour le contrôle des sanctuaires chrétiens de Jérusalem, les Églises grecques et romaines et à travers elles les puissances séculières occidentales dont elles étaient l'expression spirituelle. Jérusalem, de la division au partage, Agnès Levallois et Sophie Pommier, ed. Michalon,19951
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« Le terme capitulation est apparu à la fin du XVe siècle et signifie négociation. Il dérive du verbe capituler employé au XIVe siècle dans le sens de négocier. Sur le plan juridique une capitulation est une convention, un traité, par lequel un État, s’engage à garantir certains droits et privilèges sur un territoire relevant de son ressort. La convention liant l’Empire ottoman à la France faisait état des privilèges accordés à la monarchie française, chacun d’entre eux faisant l’objet d’une Capitulation. Les avantages accordés par le sultan ottoman à une nation étrangère n’étaient pas uniquement commerciaux et douaniers.
Même si ces privilèges pouvaient être l’objet de négociations, les Capitulations ne constituaient pas un traité à proprement parler, leur renouvellement et leur respect dépendaient de l’état des relations entre Istanbul et la puissance étrangère. Les Capitulations s’inscrivaient dans des pratiques anciennes dans l’Empire byzantin qui accordait à des puissances étrangères de larges avantages douaniers et commerciaux ainsi que le droit d’établir des comptoirs commerciaux sur son territoire, comme ce fut le cas pour Gênes et Venise. Après la chute de Constantinople le 29 mai 1453, les Ottomans ont reconduit cette pratique et confirmé les avantages accordés aux Génois et aux Vénitiens.
Les Capitulations octroyées à la France étaient la conséquence de la menace constituée pour les deux puissances par l’Empire de Charles Quint.
Selon la tradition les premières Capitulations sont attribuées à l’ambassade de Jean de la Forêt en 1536. L’authenticité de ces premiers accords est contestée par Gaston Zeller et attestée par Joseph Billioud. Les accords suivants sont attestés et régulièrement renouvelés comme en 1569, 1581, 1594 et 1604 et témoignent des bonnes relations diplomatiques et commerciales entre la France et la Porte.
Sous le règne de Louis XIII, les relations entre l’Empire ottoman et la France se sont distendues. Richelieu était critiqué par l’opinion publique pour son alliance avec les protestants allemands et la Suède, aussi il ne fit pas appel au soutien de l’Empire ottoman. La conquête de la Crète par les Ottomans se traduisit par une sévère dégradation des relations entre la Porte et la France.
A partir de 1672 les relations entre les deux États s’améliorèrent en raison des conflits auxquels les deux puissances étaient aux prises, la guerre polono-ottomane et la guerre franco Hollandaise. Les Capitulations furent renouvelées en 1673.
Après l’échec du siège de Vienne en 1683, l’Empire ottoman connut d’importants revers face à la coalition de la Sainte Ligue (Venise, Autriche, Russie, Pologne). Le traité de Carlowitz, signé en 1699, a entraîné un important recul territorial pour l’Empire ottoman. C’est la première paix défavorable que connut la Porte. Les hostilités reprirent en 1710, les Russes battus durent rendre Azov, mais les Autrichiens s’emparèrent de Belgrade et imposèrent la paix de Passarowitz en 1718, toutefois les Ottomans conservaient la Morée reprise aux Vénitiens.
Le soutien de la France à la Porte se traduisit par une période de francophilie. La guerre de 1736-1740 entre la Russie, l’Autriche et la Turquie, tourna à l’avantage relatif de cette dernière. La France, par une très active médiation, permit la conclusion de la Paix de Belgrade en 1740. L’empire ottoman se vit restituer les territoires acquis par les Autrichiens et les Russes en 1718. Reconnaissante, la Porte renouvela les Capitulations avec la France en 1740.
Les nouvelles orientations de la diplomatie française et son alliance avec l’Autriche pendant la guerre de Sept Ans se sont traduites par une crise entre la France et la Turquie. Si cette crise avec la Porte fut finalement surmontée, la France avait perdu une grande partie de son prestige face aux Ottomans et ne le retrouva partiellement qu’après 1783, avec la défaite de l’Angleterre dans la guerre d’indépendance américaine. Les relations franco-ottomanes restèrent bonnes jusqu’en 1798, mais l’expédition de Bonaparte en Égypte eut des conséquences catastrophiques pour le commerce des Échelles. Les consuls et les négociants furent emprisonnés et leurs biens confisqués.
Après l’évacuation de l’Égypte en 1801, la paix fut signée entre les deux puissances en 1802 et les Capitulations furent renouvelées en même temps. La France se vit restituer ce qu’elle avait perdu et put même naviguer librement en mer Noire. En 1803, Bonaparte rétablit le système autoritaire en vigueur sous l’Ancien régime et aboli par la Constituante. En 1835, un rapport au roi sur le commerce des Échelles préconisait l’abolition du cautionnement, ce qui fut fait la même année.
La France ne fut pas la seule puissance européenne à bénéficier de Capitulations. En effet, dès le début du XVIIe siècle, la Grande Bretagne et la Hollande obtinrent des Capitulations régulièrement renouvelées. D’autres puissances comme Venise, Florence, Gênes et la Toscane reçurent ces privilèges. Toutefois la France conserva, tout au long de cette période, une place prépondérante dans le commerce du Levant.
Les privilèges accordés à la Couronne de France par le Sultan n’étaient pas uniquement commerciaux. En effet, si les marchands français bénéficiaient de tarifs douaniers particulièrement avantageux, les Capitulations plaçaient les Français sous la juridiction du Roi de France. En effet pour tout ce qui concernait les affaires internes des communautés de Français au Levant (commerce, justice, police, héritage) celles-ci ne relevaient pas de l’État ottoman mais du droit et de l’autorité française. La justice ottomane n’intervenait que si un conflit opposait un sujet ottoman à un Français, ce dernier était assisté par le drogman de la Nation et parfois par le consul. Grâce aux Capitulations, la Monarchie Française a pu constituer un réseau de comptoirs portuaires ; les Échelles du Levant et de Barbarie. Certains consulats situés à l’intérieur des terres comme Alep ou le Caire furent abusivement appelés Échelle. Chaque Échelle étant un consulat où la communauté des Français ou Nation française de l’Échelle était regroupée sous l’autorité d’un consul qui avait un pouvoir de police et de justice sur ses ressortissants. Pendant deux siècles les consulats ont été organisés par le biais de règlements et d’Ordonnances pour leur donner l’aspect que nous leur connaissons à la fin de l’Ancien Régime. Le commerce du Levant servait les deux autres buts de la France: la diplomatie et la protection des Chrétiens de rite latin et des Lieux Saints. » 2
1 Jérusalem, de la division au partage, Agnès Levallois et Sophie Pommier, ed. Michalon,1995
2 Extrait d’un texte de Jean-Pierre Farganel, agrégé d’histoire docteur ès histoire, chercheur associé UMR TELEMME, Aix-Marseille I in BNF/bibliothèquesorient/capitulations