Alors que l'invasion de l'Ukraine par la Russie est entamée depuis un mois, le Président Zelensky s'adresse à la représentation française en video.
«Merci c’est un grand honneur pour moi, pour l’Ukraine et pour notre peuple.
«Mesdames et messieurs les sénateurs, mesdames et messieurs les parlementaires, les élus de Paris, le peuple français.
«Je suis reconnaissant d’avoir l’honneur de m’adresser à vous aujourd’hui.
«Je suis sûr que vous savez très bien ce qui se passe en Ukraine, vous savez pourquoi cela se produit, et vous savez qui est coupable, et même ceux qui se cachent la tête dans le sable et essaient de trouver de l’argent en Russie.
«Je m’adresse à vous, aux gens honnêtes et rationnels et audacieux. Et je voudrais poser une question : comment arrêter cette guerre ? Comment instaurer la paix en Ukraine ? Parce que la plupart des réponses sont dans vos mains, dans nos mains.
«Le 9 mars, les bombes russes ont été lancées sur l’hôpital pour enfants et la maternité de notre ville de Marioupol. C’était une ville paisible, dans le sud de l’Ukraine, complètement paisible, jusqu’à ce que les troupes russes viennent et la prennent dans un siège brutal, comme au Moyen-Âge. Ils ont commencé à tuer les gens dans cette maternité, sur laquelle les Russes ont lancé des bombes. Il y avait des gens, il y avait des femmes qui se préparaient à accoucher.
«La plupart d’entre elles ont survécu mais certaines ont été gravement blessées. Une femme a dû être amputée du pied. Une autre femme avait le bassin fracturé et son bébé est mort avant la naissance. On essayait de sauver la femme, elle demandait aux médecins de la laisser mourir, de ne pas l’aider. Elle ne voyait pas de raison pour vivre. Elle est morte. En Ukraine, en Europe, en 2022, quand des centaines de millions de personnes ne pouvaient pas penser que le monde pouvait être détruit.
«Je vous demande d’observer une minute de silence à la mémoire des milliers d’Ukrainiens et d’Ukrainiennes qui ont été tués à la suite de l’invasion russe du territoire ukrainien.
«Merci.
«Après des semaines d’invasion russe, Marioupol et d’autres villes ukrainiennes frappées par l’occupant rappellent les ruines de Verdun. Comme sur les photos de la Première guerre mondiale que chacun et chacune a vues, l’armée russe ne distingue pas les objets qu’elle cible. Elle détruit tout, les quartiers résidentiels, les hôpitaux, les écoles, les universités, tout. Ils brûlent les entrepôts de nourriture et de médicaments. Ils brûlent tout.
«Ils ne tiennent pas compte du concept de crimes de guerre ou des obligations des conventions internationales. Ils ont apporté la terreur sur le sol ukrainien et chacun de vous en est conscient.
Vous avez toutes les informations, tout est disponible, tous les faits. Sur les femmes violées par les militaires russes dans les zones temporairement occupées. Sur les réfugiés qu’ils tuent sur les routes. Sur les journalistes qu’ils tuent, sachant pertinemment que ce sont des journalistes. Sur les anciens, qui ont survécu à l’Holocauste et qui sont maintenant obligés de fuir dans les abris anti-bombes les frappes russes.
«Depuis 80 ans, l’Europe n’avait jamais vu ce qui se passe en Ukraine. Il y a des gens désespérés qui supplient de mourir.
«En 2019, quand je suis devenu président, il y avait déjà un format pour les négociations avec la Fédération de Russie, le format Normandie*, qui devait mettre fin à la guerre dans le Donbass, dans l’est de l‘Ukraine, et qui dure depuis 8 ans malheureusement.
«Quatre Etats ont participé à ce format Normandie, l’Ukraine, la Russie, l’Allemagne et la France. Quatre, mais ils représentaient le monde entier, les positions du monde entier.
Quelqu’un l’a soutenu et quelqu’un a essayé de retarder le processus, il voulait le perturber, mais il semblait important que le monde soit toujours à cette table, du format Normandie.
«Quand il y a eu des résultats à ces négociations, quand nous avons réussi à libérer des gens de captivité, quand nous avons pu négocier certaines décisions en 2019, c’était une bouffée d’air frais, comme une lueur d’espoir. L’espoir que les conversations avec la Russie pouvaient marcher, que les dirigeants de la Russie pouvaient être convaincus par les paroles de choisir la paix.
«Mais le 24 février est venu. Le jour qui a détruit tous les efforts, et même le concept du mot dialogue. Il a détruit l’expérience européenne de la relation avec la Russie et les destinées de l’histoire en Europe. Tout cela a été bombardé par les troupes russes, écrasé par l’artillerie russe et brûlé par les tirs de missiles russes.
«Nous n’avons pas trouvé de vérité dans les réunions et nous sommes obligés de chercher la vérité sur le champ de bataille. Alors, qu’est-ce qu’il nous reste ? Nos valeurs, l’unité et la détermination de défendre notre liberté. Notre liberté commune pour Paris et pour Kyiv, pour Berlin et Varsovie, pour Madrid et Rome, pour Bruxelles et Bratislava.
«Les bouffées d’air frais ne nous aideront pas. Nous devons agir ensemble, faire pression ensemble pour contraindre la Russie à chercher la paix.
«Mesdames et messieurs, le peuple français : le 24 février, le peuple ukrainien s’est uni, et aujourd’hui, nous n’avons plus ni de représentants de droite, ni représentants de gauche, nous ne faisons pas attention à qui représente le pouvoir, la coalition et l’opposition. On pense à l’instauration de la paix pour protéger notre pays.
«Nous sommes reconnaissants envers la France, qui nous aide. Nous sommes très reconnaissants pour les efforts du président Macron, qui a fait preuve d’un véritable leadership. Nous communiquons constamment avec lui. Nous coordonnons nos pas. Et les Ukrainiens voient que la France apprécie également la vérité, et que vous la protégez.
«Vous savez ce que c’est la liberté, l’égalité, la fraternité. Chaque parole est importante pour vous, je le sens et les Ukrainiens le ressentent.
«Nous attendons de la France, de votre leadership, que vous puissiez faire en sorte que la Russie cherche la paix, pour mettre fin à cette guerre contre la liberté, contre l’égalité, contre la fraternité, contre tout ce qui a rendu l’Europe unie, libre et diverse.
«Nous attendons de la France, de votre leadership, la restauration de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. On peut le faire ensemble. Et ceux qui ont des doutes, parmi les personnes ici présentes, je peux vous dire que votre peuple est sûr, comme tous les autres peuples de l’Europe.
«Pendant la présidence française de l’Union européenne, une décision mûrie sera prise sur l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Une décision historique à un moment historique, comme cela a toujours été le cas dans l’histoire du peuple français.
«Mesdames et messieurs, le peuple français.
«Demain, cela fera un mois que les Ukrainiens se battent pour leur vie et leur liberté. Que notre armée s’oppose de manière héroïque aux forces supérieures de la Russie. Nous avons besoin d’aide, encore plus d’aide, plus de soutien. Pour que la liberté ne perde pas, elle doit être bien armée. Les chars, les armes antichars, les avions de combat, la défense aérienne, vous pouvez nous aider. Nous en avons besoin.
«Pour que la liberté ne perde pas, le monde doit la soutenir avec des sanctions contre l’agresseur. Chaque semaine, un nouveau paquet de sanctions. Les entreprises françaises doivent quitter le marché russe. Renault, Auchan, Leroy Merlin et autres, doivent cesser d’être les sponsors de la machine de guerre de la Russie, doivent arrêter de financer les meurtres d’enfants et de femmes, les viols.
«Tout le monde va se rappeler que les valeurs valent plus que des bénéfices. Et nous devons déjà penser à l’avenir, à la façon dont nous allons vivre après la guerre. Il faut des garanties sûres que la sécurité sera inébranlable et que les guerres ne seront plus possibles dans ce monde.
«Nous créerons un nouveau système de garantie, de sécurité, où la France aura un rôle de premier plan, pour que personne ne doive jamais pleurer la mort, pour que les gens vivent leur vie, et pour qu’on dise adieu, non pas sous les bombes, en état de guerre, mais quand l’heure vient, avec dignité. Parce que nous devons vivre pour être respectés. Pour qu’on se dise au revoir, comme la France a dit au revoir à Belmondo.
«Merci la France et gloire à l’Ukraine.»
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L'expression « format Normandie » tire son nom d'une première réunion de conciliation à quatre pays (France, Allemagne, Russie et Ukraine), semi-officielle, qui s'est tenue le en marge de la célébration du soixante-dixième anniversaire du débarquement de Normandie1, au château de Bénouville, entre Caen et Ouistreham, dans le Calvados.
Rahma Sophia Rachdi, une journaliste américaine, est la première à avoir employé l'expression « format Normandie » pour qualifier cette première réunion quadripartite2. Jusqu'à cette fameuse question au Conseil européen de la journaliste Rahma Sophia Rachdi au président de la République française François Hollande, l'expression « format Normandie » n'est pas encore utilisée pour désigner une réunion inédite. Une question est posée au président Hollande lui demandant si le « modèle de Normandie » était toujours d'actualité, et qu'étant donné « la diplomatie tentant de trouver une solution au conflit en Ukraine, [s'il discuterait] avec Barack Obama en accord avec les conditions établies par l'Union européenne ? ». Cette question a formalisé la réunion et lui donne une nouvelle formulation. Ce terme désignant Model Normandy en anglais, est alors repris et traduit en français par « Format Normandie ».
Cette réunion est le point de départ d'une négociation diplomatique forte et significative pour trouver une solution pacifique au conflit en Ukraine. (wikipedia)
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