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23 janvier . ordonnance de la CIJ sur le risque de génocide des Rohingya.
La Cour internationale de justice (CIJ), saisie par la Gambie au nom des 57 pays de l'organisation de la coopération islamique, rend une ordonnance imposant à la Birmanie de prendre des mesures concrètes pour protéger la minorité musulmane rohingya, qu’elle estime soumise à un « risque réel et imminent » de génocide.
La cour décidé à l’unanimité que le Myanmar doit « prendre toutes les mesures en son pouvoir afin de prévenir la commission, à l’encontre des membres du groupe rohingya présents sur son territoire, de tout acte entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention, en particulier : a) meurtre de membres du groupe ; b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; et d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ».
La Cour a également décidé à l’unanimité que le Myanmar « doit veiller à ce que ni ses unités militaires, ni aucune unité armée irrégulière qui pourrait relever de son autorité ou bénéficier de son appui ou organisation ou personne qui pourrait se trouver sous son contrôle, son autorité ou son influence ne commettent, à l’encontre des membres du groupe rohingya présents sur son territoire, l’un quelconque des actes définis (ci-dessus), ou ne participent à une entente en vue de commettre le génocide, n’incitent directement et publiquement à le commettre, ne se livrent à une tentative de génocide ou ne se rendent complices de ce crime ».
La CIJ a aussi décidé à l’unanimité que le Myanmar « doit prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d’actes entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide » et a décidé à l’unanimité que le Myanmar « doit fournir à la Cour un rapport sur l’ensemble des mesures prises pour exécuter la présente ordonnance dans un délai de quatre mois à compter de la date de celle-ci, puis tous les six mois jusqu’à ce que la Cour ait rendu sa décision définitive en l’affaire ».
Par ailleurs, les juges de la Cour pénale internationale (CPI), qui est chargée de juger les individus, ont autorisé en novembre 2019 la Procureure de la CPI de procéder à une enquête sur des crimes contre l'humanité présumés commis contre les Rohingya.
10 mars : échec d’une tentative de réduction des pouvoirs de l’armée.
Le Parlement rejette le projet de réforme constitutionnelle introduit par la Ligue nationale pour la démocratie (LND), la formation de la « conseillère de l’État » Aung San Suu Kyi, dans le cadre de sa campagne visant à réduire les pouvoirs de l’armée. Le projet prévoyait de réduire le quota de 25 % des sièges attribués aux militaires dans les deux chambres du Parlement.
10 septembre : une enquête d'Amnesty internationale révèle les "liens entre multinationales et des crimes commis par l'armée "
"Une enquête menée par Amnesty International révèle que des entreprises internationales sont liées au financement de l’armée du Myanmar, et plus précisément de plusieurs unités directement responsables de crimes relevant du droit international et de violations des droits humains. Des documents officiels divulgués, qu’Amnesty International a pu analyser, dévoilent que l’armée du Myanmar perçoit des revenus considérables de ses actions dans l’entreprise Myanmar Economic Holdings Limited (MEHL), conglomérat secret dont les activités se répartissent notamment entre exploitation minière, bière, tabac, industrie textile et banque. MEHL a des partenariats avec une flopée d’entreprises locales et étrangères, dont la multinationale japonaise qui produit la bière Kirin et le géant de l’acier sud-coréen POSCO.
D’après le registre des actionnaires de MEHL, des unités militaires, dont des divisions de combat, détiennent environ un tiers de ses actions. Ce registre expose également les liens qu’entretiennent MEHL et le Commandement de l’ouest, qui chapeaute les opérations dans l’État d’Arakan et a supervisé les atrocités commises contre la population rohingya et d’autres minorités ethniques. Enfin, il détaille les versements de dividendes annuels considérables perçus par les actionnaires depuis la création de MEHL en 1990.
« Ces documents fournissent de nouveaux éléments attestant que l’armée du Myanmar tire des bénéfices du vaste empire commercial de MEHL et pointent les liens inextricables entre l’armée et MEHL. Il ne s’agit pas du cas de figure où MEHL finance involontairement des violations des droits humains – son conseil tout entier est composé de hauts responsables de l’armée, a déclaré Mark Dummett, qui dirige le programme Entreprises, sécurité et droits humains à Amnesty International.
... le chef militaire Min Aung Hlaing détenait par exemple 5 000 actions de MEHL en 2011" >> voir l'article d'Amnesty international
Novembre : élections législatives.
La commission électorale a décidé d'exclure de cette élection 1 800 000 votants, du fait de situations des conflits et guerillas internes. 600 000 Rohingya n'ont aucun droit de vote. Des townships ayant voté en 2015 pour la LND et qui se montrent déçu par l'action de Aung San Suu Kyi sont aussi interdits de vote. Le risque que des partis ethniques l'emportent face à la LND est ainsi écarté. L'armée comme la LND ont choisi le meilleur pour eux, l'opposition n'ont aucune chance de percer. Quant aux Birmans de l'étranger, seuls quelques milliers sont inscrits pour voter, alors que la seule Thaïlande en compte plus de trois millions.
La LND obtient 82% des voix. L'armée conteste le scrutin qu'elle assure être entaché de fraude.Il faut dire que le PUSD, "son" parti, a réellement cru pouvoir l'emporter :
" Le parti a récemment déclaré être confiant pour le résultat des prochaines élections. Officiellement, il espère et obtenir suffisamment de voix pour former un gouvernement et présenter U Than Htay comme candidat à la présidence. Avec 25 % des sièges au Parlement alloués aux parlementaires nommés par les militaires, le PUSD n'aurait besoin que de gagner 26 % des sièges restants pour pouvoir choisir, et élire, un président, et ainsi former un gouvernement.
Début juillet, Nandar Hla Myint, porte-parole du parti, a argumenté qu'après plus de quatre ans de gouvernement LND, les électeurs en avaient vu assez pour pouvoir comparer avec le leadership du PUSD. En 2018, il déclarait que la LND « n’a pas l’expérience nécessaire » pour diriger un pays. Il a ajouté que si le public donnait au PUSD la chance de revenir au pouvoir, le parti serait prêt à servir la nation, en améliorant l’économie, en augmentant les revenus de la population, en instaurant la paix et la stabilité et en établissant une union démocratique fédérale. " (extrait article 11/09/2020 sur la LND et le PUSD in le petit journal)
La LND obtient 330 des 440 sièges à la chambre de représentants et 168 des 224 sièges à la chambre des nationalités. Elle détient donc la majorité absolue dans chacune des chambres. Le parti de l'union de la solidarité et du développement, fondé en 2010 par les militaires n'a obtenu que peu de voix. Les 300 000 Rohingyas, considérés comme apatrides n'ont pas le droit de vote.
Depuis début décembre 2020, cinq bataillons de l’armée birmane ont tiré des obus autour de leurs bases dans les cantons de Luthaw et Dweh Lo à Mutraw (brigade KNU 5), faisant fuir 3176 villageois de douze villages, contraints de se cacher dans la jungle environnante.
Beaucoup de ces villageois ont été déplacés de la même manière l’année dernière par les bombardements de l’armée birmane lors d’une violente offensive visant à franchir une route stratégique vers le nord de Mutraw.
Des milliers de villageois de Kler Lwee Htu et Mutraw ont publiquement protesté contre ces attaques, en particulier le 6 janvier 2021 à Mu Traw, appelant l’armée birmane à arrêter la construction de routes et à supprimer les postes militaires de leur région.