Chirac est interrogé pour la télévision par Jean-Claude NARCY et Daniel BILALIAN lors du Sommet de Charm El Cheikh

 

Charm El Cheikh, Égypte, le 13 mars 1996

QUESTION - Monsieur le Président, merci de nous recevoir, Jean-Claude NARCY et moi-même au terme de cette réunion d'aujourd'hui. Je vais commencer par une question toute simple, Monsieur le Président. Avez-vous le sentiment que ces quelques heures passées avec une trentaine d'autres Chefs d'État et de gouvernement a vraiment servi à quelque chose ?

LE PRÉSIDENT - Oui, sans aucun doute². Depuis quelque temps, depuis les attentats en Israël, le monde était préoccupé par le processus de paix. Les forces de la haine étaient à la une, si j'ose m'exprimer ainsi. Ce soir ce sont les forces de la paix, et c'est déjà un grand pas.

QUESTION - Quels sont les moyens concrets que vous vous êtes donné pour sauver cette paix ?

LE PRÉSIDENT - Tout d'abord ce qui est important, c'est que pour la première fois, je pense dans l'Histoire, les principales nations ont pu en trois jours se mobiliser et se réunir au service d'une cause, celle de la paix. C'est un bel exemple de solidarité. Qui aurait pu penser, il y a seulement dix ans, cinq ans qu'il y aurait aujourd'hui dans le Sinaï à la fois M. ARAFAT et M. Shimon PERES, M. ELTSINE et M. CLINTON, les principaux dirigeants des pays arabes et européens, le représentant du Japon et tout ça pour concentrer leurs efforts en faveur de la paix et contre le terrorisme. Rien que cela, vous savez restera comme une image forte et je dirais émouvante. C'est très émouvant de voir ces hommes, notamment certains parmi ceux qui se sont faits une guerre impitoyable dans le passé et qui maintenant sont réunis pour ensemble supporter la paix.

QUESTION - Alors, Monsieur le Président, hier, beaucoup de dirigeants notamment les Israéliens et Yasser ARAFAT sont arrivés très inquiets ici parce que chacun a peur de l'autre, a peur de l'avenir, a peur des attentats. Les Américains avaient une position. Quel a été le rôle de la France pour arriver à faire en sorte que personne ne soit vraiment condamné ?

LE PRÉSIDENT - C'est vrai que, à la fois, le Premier ministre israélien et le Président de l'autorité palestinienne étaient inquiets car ces attentats sauvages avaient en quelque sorte brisés l'élan que l'on avait constaté pour la poursuite du processus de paix. Ce qu'il fallait, c'est que chacun comprenne bien qu'on ne faisait pas la paix tout seul ou contre quelqu'un et que M. Shimon PERES, M. ARAFAT gagneraient ensemble ou perdraient ensemble.

Dans cet esprit, la France a joué son rôle. D'abord, en présentant à Palerme, il y a trois jours, à l'ensemble des Quinze de l'Union européenne un projet de déclaration pour la séance d'aujourd'hui et en le faisant adopter. Et ensuite, en défendant, ici, ce projet qui, finalement, est en gros celui qui a été adopté, parce qu'il était raisonnable, parce qu'il était équilibré.

QUESTION - Peut-on sauver la paix alors que certains grands pays de la région ont boudé ostensiblement ce sommet ? Je pense à l'Iran, la Syrie, le Liban.

LE PRÉSIDENT - Je crois d'abord qu'il ne faut mélanger les choses. L'Iran n'était pas invité. Il n'est pas engagé dans le processus de paix. Il n'avait aucune raison d'être ici.

QUESTION - La Syrie, le Liban ?

LE PRÉSIDENT - La Syrie, le Liban, vous avez raison de le dire. Je regrette qu'ils ne soient pas venus et je pense que leur place était autour de cette table, d'autant qu'il y a un processus de paix qui est engagé entre la Syrie et le Liban d'une part, et Israël d'autre part. Eh bien, présents ou absents aujourd'hui, mon seul voeu est que le processus de paix israélo-syrien et israélo-libanais aboutisse le plus vite possible.

QUESTION - Monsieur le Président, je reviens un instant sur l'Iran. Bien sûr, l'Iran n'est pas dans le processus de paix, mais il aurait pu venir participer. Il s'est montré de cette façon...

LE PRÉSIDENT - ...Il n'était pas invité. Il y a beaucoup de pays qui auraient pu venir.

QUESTION - On en a beaucoup parlé ici. Il a été désigné. Il est désigné par les Israéliens. Il est désigné par Yasser ARAFAT, il est désigné par les Américains. Alors, que pensez-vous de l'attitude de l'Iran dont on dit que c'est lui qui fait les chèques du terrorisme ?

Le Président - Le problème qui se pose aujourd'hui et qui fait l'objet d'une divergence de vues entre l'analyse américaine et l'analyse unanime des Quinze Européens, c'est l'attitude que l'on doit avoir à l'égard de l'Iran. Les Américains sont favorables à un embargo, c'est à dire à un isolement total...

QUESTION - ...On ne leur parle plus.

LE PRÉSIDENT - Oui, on ne commerce plus, on ne leur parle plus. Vous savez, l'expérience prouve que ce type de réaction, l'embargo, le rejet, ne bénéficie finalement qu'aux plus extrémistes. Vous avez actuellement des élections en Iran. Les libéraux ont un résultat plus qu'honorable, c'est eux qu'il faut encourager. Donc, les Européens, eux, sont unanimes à souhaiter conserver -sans aucune espèce de complaisance, naturellement- un dialogue que nous appelons un dialogue critique.

QUESTION - Qu'est ce qu'un dialogue critique ?

LE PRÉSIDENT - Si vous voulez ce n'est pas un dialogue qui est, à proprement parler, ouvert et amical comme celui que l'on peut avoir avec des pays avec qui l'on entretient des relations commerciales, culturelles, politiques normales. Là, c'est un dialogue qui est limité, organisé, au cours duquel les Européens expriment à l'Iran un certain nombre d'idées, notamment dans le domaine des Droits de l'Homme, lorsqu'on parle d'un certain nombre de réflexions qui ne sont pas toujours agréables à entendre, mais les européens conservent néanmoins la capacité de parler. Cela a eu des résultats positifs. Notamment grâce au dialogue critique, l'Union Européenne a pu obtenir, dans le domaine des Droits de l'Homme, qu'un certain nombre de citoyens iraniens d'origine juive, qui étaient condamnés soient épargnés.

QUESTION - Vous pensez qu'on peut encore, Monsieur le Président, faire, j'allais dire, dans le détail, les relations avec ces pays ? On ne peut pas prendre une décision, une décision économique...

LE PRÉSIDENT - ...qui rejette totalement. Je crois que c'est très dangereux. Il y a un vieux proverbe arabe qui dit : "Il ne faut jamais pousser un chat dans le coin d'une pièce, c'est toujours dangereux"

QUESTION - C'est pourtant ce qu'ont demandé les Israéliens et les Américains étaient prêts à...

LE PRÉSIDENT - Oui, mais je peux comprendre cette réaction. Mais ce n'est pas une raison, pour nous, de nous aligner sur cette position. L'Union Européenne est unanime à soutenir la position que je viens de vous exprimer.

QUESTION - Dans le chapitre de la lutte contre le terrorisme, en dehors d'une condamnation solennelle, quelles sont les décisions concrètes qui ont été prises aujourd'hui ?

LE PRÉSIDENT - Il faut d'abord savoir qu'il y a déjà une coopération très active entre les services spécialisés dans la lutte contre le terrorisme des différents pays qui étaient autour de la table. Néanmoins, nous avons décidé d'intensifier fortement cette coopération, d'une part, dans le domaine de l'échange d'informations, beaucoup plus systématique, d'autre part dans le domaine de l'aide à ceux qui en ont besoin, et au premier rang desquels se trouvent l'autorité palestinienne.

La France ,elle-même, par exemple, va apporter une aide technique et une aide en matière de formation, pour faciliter aux palestiniens la recherche du renseignement et la lutte contre le terrorisme.

QUESTION - Nous ne sommes pas ici en France, on ne va pas parler des affaires françaises mais la France n'est pas spectateur en matière de terrorisme. Est-ce que la menace terroriste sur la France tient toujours ? Pensez-vous qu'aujourd'hui le plus mauvais moment est passé ?

LE PRÉSIDENT - Il n'y a hélas, pas de réponse à cette question. Pour le moment, rien ne nous permet de penser que la France puisse être visée par des attaques terroristes. Mais vous savez, quand on a une certaine expérience, on se méfie, et, par conséquent, le Gouvernement français, -et je le lui ai demandé dès mon élection-, reste aujourd'hui aussi vigilant qu'au moment où nous étions attaqués par les terroristes, aussi vigilant, parce qu'on ne sait jamais ce qui peut se passer Et donc il faut en permanence être sur ses gardes. Il ne faut jamais baisser la garde.

QUESTION - Vous êtes venu avec les autres chefs d'État au chevet de la paix avec précipitation. Cette paix est-elle vraiment menacée ?

LE PRÉSIDENT - Nous sommes dans un moment délicat. La situation de ceux qui sont -comme le Sommet s'est appelé-, les bâtisseurs de la paix, puisque c'est le Sommet des bâtisseurs de la paix, est tout de même fragile. Vous avez vu, il y a quelques semaines, l'optimisme était de règle, puis, tout d'un coup, une série d'attentats suicides remet tout en cause, traumatise à juste titre une population et donc tout est remis sur la table. Un rien peut faire basculer les choses, d'un processus de paix à un processus à nouveau d'affrontement. Il était donc, je crois, important de considérer que la paix est fragile, qu'elle doit être encore très fortement confortée et de donner le sentiment au monde entier qu'il y avait une grande solidarité de toutes les grandes puissances pour soutenir l'effort de paix engagé par Israël et les Palestiniens.

- - - - Monsieur le Président, Merci.

 

Conférence de presse conjointe de MM. Jacques Chirac, Président de la République, et Hosni Moubarak, Président de la République arabe d'Egypte, sur les relations culturelles franco-étyptiennes, la condamnation du terrorisme après le sommet de Charm el Cheikh et le processus de paix au Proche Orient, Le Caire, le 7 avril 1996.

Voyage au Liban et en Egypte du 4 au 8 avril 1996 ; conférence de presse au Caire le 7

- Merci cher ami. Je voudrais simplement pour ouvrir, remercier le Président Hosni Moubarak pour son accueil auquel je suis sensible.
- J'ai voulu qu'à l'occasion de mon premier voyage au Moyen-Orient, je rende visite au Président Moubarak et à l'Egypte, parce que nous sommes amis, c'est vrai. Parce que les relations franco-égyptiennes sont depuis très longtemps exemplaires. Parce que l'Egypte joue un rôle de plus en plus important, non seulement dans la région islamo-arabo-méditerranéenne, si j'ose dire, mais également tout simplement dans le monde comme on a pu le voir récemment dans le sommet de Charm el Cheik à l'initiative du Président Moubarak.

- Nous avons de ce point de vue une grande convergence de vues sur tous les problèmes. Je disais au Président Moubarak, tout à l'heure, que j'avais beaucoup de divergences de vues avec mon prédécesseur, M. Mitterrand, chacun le sait et ce n'est pas évoquer les problèmes franco-français que de le dire. Mais il y avait en tous les cas un point sur lequel nous étions totalement d'accord : c'était la nature excellente et l'amitié profonde entre la France et l'Egypte et aussi l'amitié et le respect pour la personne du Président Moubarak.
- Nous avons évoqué les problèmes internationaux. D'abord, naturellement, le processus de paix. Je rappelle que là aussi, la France et l'Egypte font une analyse tout à fait identique. Nous avons évoqué le rôle capital qui doit être celui de l'Egypte dans l'élaboration d'un monde meilleur dans l'ensemble méditerranéen. C'est-à-dire d'un pacte de sécurité, de stabilité, de développement en Méditerranée. Nous avons évoqué le Forum méditerranéen. Nous avons étalement parlé de toutes les grandes questions qui intéressent la région, au sens le plus général du terme.

- Sur le plan bilatéral, nous avons constaté que nos relations éaient croissantes et excellentes et que nous avions tout à fait vocation à augmenter en permanence nos échanges de toute nature. Echanges économiques, naturellement, mais aussi culturels, nous allons arriver à la période du deux centième anniversaire des relations culturelles entre l'Egypte et la France.

- Nous préparons cela avec soin et il va y avoir en 1998 l'année de l'Egypte en France et l'année de la France en Egypte, qui vont rassembler un certain nombre de manifestations de grand prestige. Je pense, en particulier, à une exposition sur la gloire d'Alexandrie, qui sera organisée au Petit Palais à Paris, ce sera un très grand événement, à une exposition sur l'art fatimide qui aura lieu à l'Institut du Monde Arabe. Vous savez que je souhaite relancer activement, j'en ai parlé au Président Moubarak, sous l'impulsion de M. Camille Cabana, le nouveau Directeur général, l'action de l'Institut du Monde Arabe. Il y aura, ici, une grande exposition d'art moderne, cela veut dire, je l'espère, depuis David jusqu'à Picasso, ce n'est pas simplement l'art contemporain et aussi un Opéra "le Désert" qui sera organisé, ici, au Caire.

- Tout cela va marquer une forte convergence culturelle entre la France et l'Egypte.
- Pour tout cela je voudrais remercier, une fois encore, le Président Moubarak et le cas échéant répondre aux questions que vous voudriez nous poser.

QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que durant vos entretiens avec le Président Moubarak, vous avez évoqué le problème de l'usine chimique en Libye de Tarhunah, est-ce que vous avez eu des informations à ce sujet et, toujours sur le même point, le Secrétaire américain de la défense, M. William Perry, a menacé d'utiliser la force pour arrêter la construction de cette usine, est-ce que nous pourrions avoir les sentiments des deux Présidents à ce sujet ?

- LE PRESIDENT.- Nous n'avons pas évoqué ce problème sur lequel, en ce qui me concerne, je n'ai pas suffisamment d'informations pour pouvoir faire un commentaire. Je ne sais pas si le Président Moubarak veut en faire un.

- LE PRESIDENT MOUBRAK.- Pas de traduction sur l'enregistrement.

QUESTIONS.- (en arabe, pas de traduction)

- LE PRESIDENT.- La France a vocation à coopérer culturellement avec l'un des pays qui est culturellement le plus important, notamment dans cette région du monde et qui est l'Egypte. Notre coopération culturelle est très ancienne dans tous les domaines, notamment dans la recherche archéologique et historique et les plus grands savants egyptiens travaillent avec les plus grands français. Ce n'est pas par hasard, si à l'occasion de mon voyage, M. Leclant est venu personnellement, c'est significatif de l'importance que nous attachons à la coopération culturelle. Vous noterez d'ailleurs que nos savants ont entre eux, parce qu'ils ont une longue habitude des relations permanentes suivies, des échanges constants et par conséquent la coopération culturelle entre nos deux pays ne peut que se développer. L'Egypte est un centre culturel majeur de l'histoire, de l'archéologie et de l'art contemporain sous toutes ses formes. Qu'il s'agisse de la musique, du théâtre, de la peinture naturellement, des arts plastiques. Par conséquent, je le répète notre coopération - sur un pied tout à fait d'égalité naturellement - est destinée à se renforcer sans cesse.

QUESTION.- Monsieur le Président, vous avez affirmé, ainsi que le Président Moubarak, que le terrorisme était un phénomène international et non exclusivement islamique. Et en ce qui concerne le conflit arabe, arabo-israélien ou israélo-palestinien au lieu de parler de terrorisme et de contre-terrorisme ne croyez-vous pas, Monsieur le Président, que la communauté internationale devrait avoir le courage de s'attaquer à la maladie et non pas seulement aux symptômes ? Et comment réactiver le rôle de la France dans le processus de paix ?

- LE PRESIDENT.- D'abord il est bien évident que, hélas, le terrorisme est un phénomène international et que l'on trouve des terroristes partout dans le monde. C'est évident, le Président Moubarak l'a rappelé, je l'ai rappelé moi aussi. Nous sommes tout à fait, sur ce plan également, du même avis. C'est d'ailleurs dans l'esprit à la fois de condamner le terrorisme et de faire comprendre la nécessité de répondre aux besoins exprimés, à juste titre, par les Palestiniens que le Président Moubarak, au moment de la crise du processus de paix a pris l'initiative de réunir le Sommet de Charm El Cheikh, qui a été un grand succès et au cours duquel on a, à la fois et solidairement, condamné le terrorisme et réaffirmé les exigences, notamment économiques, du développement du processus de paix. Donc, là aussi, l'Egypte et la France sont sur la même ligne.

- Enfin, s'agissant du processus de paix, la France, effectivement en liaison étroite avec l'Egypte, entend faire connaître clairement son sentiment. J'ai eu l'occasion de le faire au Liban, en particulier lorsque j'ai évoqué la nécessité d'appliquer la résolution 425 et la proposition de la France de s'impliquer dans les garanties qui pourraient être nécessaires pour la mise en oeuvre de cette résolution.

- QUESTION.- Inaudible

- LE PRESIDENT.- La France entend apporter son aide à tous les processus qui permettent de conforter la sécurité, celle d'Israël, comme celle de ses voisins. J'ai dit, tout à l'heure, la position constante de la France, constante sur l'application de la résolution 425. C'est un des éléments importants de la sécurité. Je l'avais dit, et je le répète, la France est prête à apporter sa propre garantie à cette sécurité.

QUESTION.- Quelle est la position de la France quant à l'initiative du Président Moubarak visant à faire du Proche-Orient une région libre d'armes de destruction massive ? Et quel est votre avis en ce qui concerne les informations faisant état d'une éventuelle fuite radioactive du réacteur Dimona ?

- LE PRESIDENT.- Sur le deuxième point, je n'ai aucune information techniquement fiable. Sur la première question, c'est-à-dire la création d'une zone exempte de destruction massive, la France soutient, sans réserve, l'initiative du Président Moubarak. La France se réjouit également, s'agissant de l'Afrique, de l'initiative égyptienne sur la réunion, dans quelques jours, le 11 avril, pour la signature du traité excluant toute arme de destruction massive sur le territoire africain. C'est un progrès important, et là aussi, la France soutient l'initiative égyptienne et d'ailleurs signera les protocoles correspondants.

QUESTION.- Monsieur le Président, pendant votre campagne vous aviez inisté sur la nécessité d'un pacte de stabilité euro-méditerranéen, M. de Charette l'a évoqué à nouveau à Barcelone. Est-ce que vous allez profiter de l'occasion de votre visite en Egypte pour relancer, lancer cette idée et sa réalisation ?

- LE PRESIDENT.- L'idée a déjà été lancée. C'est une idée à laquelle je suis très attaché. Elle s'est concrétisée par la réunion de Barcelon où tous les pays méditerranéens, à la seule exception de la Libye, ont participé y compris, vous le savez, la Syrie et le Liban aux côtés d'Israël, ce qui est tout de même un progrès. Elle fut tenue au niveau des ministres des affaires étrangères. Je pense que dans ce processus de pacte de stabilité destiné à promouvoir, je le repète, une zone de stabilité, de paix, de prospérité, de développement en Méditerranée, l'Egypte et la France doivent avoir un rôle moteur, les autres aussi naturellement, mais surtout l'Egypte et la France. L'Egypte pour ce qui concerne l'ensemble du sud, la France pour ce qui concerne l'ensemble européen. Je souhaite que la prochaine réunion se tienne au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, pour marquer l'importance que nous attachons au progrès dans les trois domaines couverts par la conférence de Barcelone, politique, économique et culturel.

QUESTION.- Monsieur le Président, la France et l'Egypte souhaitent une avancée rapide du processus de paix au Proche-Orient. Mais est-ce que la réalité du calendrier ne va pas obliger d'attendre, non seulement l'election israélienne, mais également l'élection américaine avant qu'il soit possible de faire une réelle avancée ?

- LE PRESIDENT.- Chacun sait que les contraintes politiques existent. On peut le regretter, mais elles sont aussi la garantie des démocraties. Donc, il faut les accepter telles qu'elles existent. Personne ne peut contester que l'élection israélienne et l'élection américaine ont un rôle dans l'évolution des choses. Il n'en reste pas moins que je suis, pour ma part, peut-être à tort, optimiste et que je pense et souhaite que la raison l'emportera, c'est-à-dire que le processus pourra avancer ; je le souhaite ardemment. Je crois que tous ceux qui misent sur la paix, l'entente, la convivialité, - c'est aussi un message que j'ai voulu passer au Liban - font le bon choix, et que tous ceux qui misent sur la haine, sur l'affrontement, sur la remise en avant des querelles du passé se trompent et prennent de lourdes responsabilités à l'égard de l'avenir et à l'égard de nos contemporains. Alors, moi je reste optimiste. En clair, je souhaite beaucoup que les discussions entre Israël et la Syrie et entre Israël et le Liban puissent reprendre le plus vite possible et aboutir le mieux possible.

- LE PRESIDENT MOUBARAK.- Pas de traduction.
QUESTION.- Pas de traduction.

- LE PRESIDENT.- J'évoquais, tout à l'heure, le Sommet de Charm El Cheikh et à cette occasion la France, comme l'Egypte, a souligné, quelles que soient les difficultés politiques, que je comprends parfaitement, la nécessité de donner aux Palestiniens l'espoir. Leur donner l'espoir, c'est d'abord répondre aux exigences de la vie matérielle : le logement, le travail, l'environnement immédiat, les services publics, etc. C'est pourquoi la France, je le répète, est le premier contributeur financier international à l'autorité palestinienne, et c'est pourquoi l'Europe, beaucoup d'ailleurs sous l'impulsion de la France, a décidé une aide importante pour les Palestiniens, pour la reconstruction, etc.

- C'est un souci permanent chez nous. C'est pourquoi, également, je suis intervenu à Charm El Cheikh pour demander aux Israéliens de faire en sorte, que dans le respect des règles de sécurité - car rien ne serait pire aujourd'hui que d'avoir à nouveau des attentats sauvages comme ceux que nous avons connus - le développement économique, l'approvisionnement, les investissements que l'Europe et la France veulent faire, les plus urgents, les plus nécessaires, puissent être réalisés. J'ai toujours insisté auprès du Premier ministre israélien sur ce point, tout en compenant, je le répète, la nécessité qu'il y a à ne prendre aucun risque face aux terroristes.

QUESTION.- Les fuites nucléaires à partir du réacteur de Dimona en Israël représentent aujourd'hui le souci majeur de l'Egypte, ainsi que des pays voisins d'Israël. La France non seulement connaît parfaitement la technologie en place, mais a joué durant les dernières années un rôle clé dans des cas similaires en Europe de l'est, que pouvons-nous espérer comme intervention française dans ce domaine ? Avez-vous discuté de ce sujet avec le Président Moubarak ?

- LE PRESIDENT.- Nous n'avons pas eu l'occasion de discuter de ce sujet. Vous savez que nous avons encore des entretiens et nous n'avons pas terminé. Il y a encore un certain nombre de sujets que nous évoquerons ensemble.

- Ce que je peux vous dire, c'est que s'il y a un problème technique auquel la France peut apporter une contribution ou une coopération, elle le fera, naturellement, compte tenu de son expérience, bien volontiers.

- LE PRESIDENT MOUBARAK.- Pas de traduction.
QUESTION.- Monsieur le Président, vous avez dit que la France et l'Egypte sont liées par des liens très étroits et très amicaux, presque depuis le temps de Bonaparte, les deux pays sont en train de préparer la célébration du bicentenaire des relations culturelles. Pourrait-on donner un nouvel essor, pas seulement culturel, aux relations qui unissent les deux pays ?

- LE PRESIDENT.- Les relations culturelles entre l'Egypte et la France, je l'ai dit, sont intenses, anciennes, et elles progressent sans cesse. Je le souhaite beaucoup, compte tenu de l'importance capitale depuis toujours, mais aujourd'hui en particulier, sur le plan culturel de l'Egypte. Je dis souvent que Le Caire est une ville bouillonnante, fascinante et dans laquelle s'exprime une quantité d'initiatives culturelles de toutes natures, artistique, de création. De ce point de vue Le Caire a un peu un côté New York si vous voulez, et exerce une fascination de même nature.

- Dans les autres domaines, nos relations sont aussi bonnes. Sur le plan politique, et depuis fort longtemps, les relations entre nos dirigeants d'une part, entre nos administrations d'autre part, ont toujours conduit, je dirais pratiquement, depuis bien longtemps à des analyses et à des comportements convergeants. Je ne veux pour preuve de cela que nos positions sur le processus de paix, notre discours à Charm El Cheikh qui était tout à fait de la même nature et je ne vois pas pourquoi cela ne continuerait pas ainsi.
- Sur le plan économique, les relations ne sont jamais assez fortes, jamais suffisantes, mais elles vont croissant, je l'observe, dans tous les domaines et notamment les domaines de hautes technologies. Nous n'avons pas, je le disais tout à l'heure, à l'une de vos consoeurs, évoqué encore toutes les questions avec le Président Moubarak et j'aurai l'occasion de lui proposer des coopérations technologiques en Egypte, dans certains domaines de haute technologie. Mais nous avons déjà des coopérations sur l'espace, sur l'aéronautique qui sont très positives et tout cela est destiné, je le répète, à s'amplifier, compte tenu de l'importance croissante de l'Egypte, dans l'ensemble de cette très grande région du monde et des liens naturels qui font de nos deux pays, l'un pour le Sud et l'autre pour le Nord, les moteurs naturels de l'évolution de la paix, de la stabilité, du développement dans toute la région méditerranéenne.

QUESTION.- (En arabe, non traduite)
- LE PRESIDENT.- S'agissant de l'action en faveur de l'allégement des souffrances du peuple palestinien, j'ai répondu à cette question en rappelant que la France est le premier contributeur financier à l'autorité palestinienne et qu'avec l'Europe, elle agit de façon très pressante pour ce qui concerne l'aide aux Palestiniens et le soutien pour qu'ils trouvent le plus vite possible un troit, un travail, un environnement économique et culturel convenable. C'est nécessaire sur le plan humain, et c'est nécessaire également sur le plan politique parce que, si on veut sortir du processus d'affrontement, il faut rendre aux hommes et aux femmes dans cette région, l'espoir. Il faut qu'ils soient convaincus que demain sera meilleur qu'aujourd'hui. S'il n'y a pas cette conviction, alors c'est tout le processus de paix qui risque d'être mis en cause.

- Je le répète, la France est, comme elle l'a exprimé notamment à Charm El Cheikh, très attachée à ce volet de son intervention. Et quant à la vocation de la France, qu'avait en son temps exprimée le Général de Gaulle, à être très présente, à exercer une coopération très active avec les pays arabes, elle me paraît plus que jamais d'actualité et non pas du tout une tactique pour moi, mais un élément essentiel de la politique étrangère de la France.

 

 

***