En France, De Gaulle avait averti avant la guerre des six jours, qu'il considérait comme agresseur le premier qui tirerait, peu importe les causes.

 

Le 27 novembre 1967, lors d'une conférence de presse, il enfonce le clou d'une façon assez virulente :

On pouvait se demander, en effet, et on se demandait, même chez beaucoup de juifs, si l'implantation de cette communauté sur des terres qui avaient été acquises dans des conditions plus ou moins justifiables et au milieu des peuples Arabes qui lui sont foncièrement hostiles, n'allaient pas entraîner d'incessants, d'interminables frictions et conflits

Certains même redoutaient que les Juifs, jusqu’alors dispersés, mais qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tout temps, c’est à dire un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur, n’en viennent, une fois rassemblés dans le site de leur ancienne grandeur, à chan­ger en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles.

...Le 2 juin, le gouvernement français avait officiellement déclaré, qu'éventuellement il donnerait tort à quiconque entamerait le premier, l'action des armes.

Et c'est ce qu'il répétait en toute clarté à tous les États en cause. C'est ce que j'avais moi-même, le 24 mai déclaré à Monsieur Ebban, Ministre des affaires étrangères d'Israël que je voyais à Paris. Si Israël est attaqué, lui dis-je alors en substance, nous ne le laisserons pas détruire, mais si vous attaquez, nous condamnerons votre initiative.

...On sait que la voix de la France n'a pas été entendue, Israël ayant attaqué, s'est emparé en six jours de combat des objectifs qu'il voulait atteindre.

Maintenant il organise, sur les territoires qu'il a pris l'occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsion et s'il manifeste contre lui la résistance qu'à son tour il qualifie de terrorisme, il est vrai que les deux belligérants observent pour le moment d'une manière plus ou moins précaire et irrégulière le cessez-le-feu prescrit par les Nations unies mais il est bien évident que le conflit n'est que suspendu et qu'il ne peut pas avoir de solution sauf par la voie internationale.

Pour Raymond Aron, peu suspect d'anti-gaullisme1,

Le général de Gaulle a, sciemment, volontairement, ouvert une nouvelle période de l'histoire juive et peut-être de l'antisémitisme. Tout redevient possible. Tout recommence. Pas question, certes, de persécution : seulement de “malveillance”. Pas le temps du mépris : le temps du soupçon. 

Ben Gourion et De Gaulle

Ben Gourion à la retraite dans son Kibboutz du Néguev et troublé par le discours prend la plume pour écrire une longue lettre au Général.

Il déplore quelques propos attristants et inquiétants, reprochant l'emploi d'expressions surprenantes, dures et blessantes, basées sur des renseignements incorrects ou imprécis,

rappelant que

ce n'est pas par la force, ni même uniquement avec de l'argent, et certainement pas par des conquêtes, mais c'est par notre création pionnière que nous avons transformé une terre pauvre et aride en un sol fertile, créé des agglomérations, villes et villages, sur des surfaces désertiques et abandonnées.2

Quelque chose est cassé, et pour longtemps, entre la France et Israël.

1 De Gaulle, Israël et les Juifs, p. 15-18.

2 Lettre du 6 décembre in Archives diplomatiques françaises.

 

voir aussi

 - la conférence , archives de l'INA 

- le texte intégral

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