Voir aussi :
- Ce jour là : 614 prise de Jérusalem par les Perses
- Récit par le Moine de Saint-Sabas, de la prise de Jérusalem par les Perses
Procope de Césarée
Histoire de la guerre contre les perses
(Livre Second, chapitre XX)
Chosroes pille le temple de Jérusalem
CHAPITRE XX.
1. Troisième expédition de Chosroes contre les Romains. 2. Inhumanité sacrilège, dont il usa envers Candide, évêque de Sergiopole. 3. Il tâche de surprendre cette Ville. 4. Il a dessein d'e mener son armée dans la Palestine, et de piller le Temple de Jérusalem. 5. Bélisaire revient en poste en Perse. 6. Lettre de Juste. neveu de Justinien à Bélisaire. 7. Réponse de Bélisaire.
1. Au commencement du printemps Chosroes, fils de Cavade, entra pour une troisième fois sur les terres de l'Empire, et marcha le long de l'Euphrate, qu'il avait à là main droite. Au premier bruit de sa marche, Candide évêque de Sergiopole, craignant et pour soi et pour sa ville, à cause qu'il n'avait pas satisfait aux conditions réciproquement accordées, alla le trouver dans son camp, et le supplia de n'en point avoir de ressentiment.
Il lui protesta de plus, que jamais il n'avait eu d'argent entre les mains. Que c'était le sujet pour lequel il n'avait point racheté les prisonniers de Sura, et qu'il n'avait pu rien obtenir de Justinien, de quelques prières dont il eut usé envers lui.
2. Ces remontrances n'empêchèrent pas Chosroes d'enfermer Candide dans une étroite prison, et de l'y faire cruellement tourmenter, pour l'obliger de lui payer le double de ce qu'il lui avait promis. Candide le pria d'envoyer quérir les trésors de l'église ; à quoi Chosroes ayant consenti, Candide envoya lui-même des personnes pour les faire livrer.
Les habitants mirent entre les mains des officiers de Chosroes une partie des ornements ; mais ne voulant pas s'en contenter, il commanda à quelques-uns de ses gens, d'aller voir s'il n'y en avait pas davantage, et il leur donna un ordre secret de tacher de se saisir de la ville.
3. Mais comme Dieu ne voulait pas permettre qu'ils s'en rendissent maîtres, un certain Sarrazin nommé Ambro, qui était Chrétien, et sujet d'Alamondare, s'étant approché de la muraille durant la nuit, avertit les habitants de l'entreprise formée contre leur liberté, et leur conseilla de ne recevoir personne.
Ainsi ils refusèrent l'entrée de leur ville aux officiers de Chosroes, dont ce Prince furieusement irrité, commanda à six mille hommes de les aller assiéger. il se défendirent d'abord assez vaillamment, mais depuis ils se relâchèrent, et d'un coté confédérant qu'ils n'avaient que deux cents soldats, et de l'autre appréhendant les suites du siège, ils se disposaient à se rendre, lorsque cet Ambro vint encore durant la nuit les avertir, que bientôt les Perses seraient contraints de se retirer faute d'eau. Cet avis les empêcha de demander à capituler. Les Barbares s'en retournèrent trouver Chosroes qui ne renvoya jamais Candide.
Je crois que ce fut en punition de ce qu'il avait manqué à sa parole, qu'il fut ainsi privé de sa fonction.
4. Quand Chosroes fut arrivé à la Commagène, que l'on appelle Euphratète, il ne voulut pas s'arrêter à y amasser du butin, ou à y former un siège, parce qu'il y avait fait assez de dégât la première fois qu'il y était entré, et qu'il avait tiré des contributions de toutes les places. Son dessein était de mener son armée vers la Palestine, dont il avait entendu vanter les richesses, et d'en enlever les trésors, et surtout ceux du Temple de Jérusalem. Les Romains n'osaient tenir la campagne. Ils se contentaient de garder leurs places, et de s'y conserver eux-mêmes.
5. Justinien ayant appris la nouvelle de la marche de Chosroes, nomma encore une fois Bélisaire, pour commander l'armée contre les Perses. Ce général partit aussitôt en poste pour aller dans l'Euphratète. Juste, neveu de l'Empereur, s'était déjà réfugié dans Hierapolis avec Busès, et quelques autres, qui tous ensemble, sur le bruit de l'arrivée de Bélisaire, lui écrivirent cette lettre.
6. Chosroez est à la tête d'une plus puissante armée que les années précédentes. On ne sait pas bien encore où il veut aller; on sait feulement qu'il est proche d'ici, et qu'il ne fait point de dégât sur les chemins. Si vous voulez éviter de tomber entre ses mains, de vous conserver pour le service de l'Empereur, en vous conservant en même temps la ville de Hierapolis, vous ne sauriez mieux faire que de nous venir trouver.
Bélisaire n'approuvant pas cet avis, alla à Europe, qui est un fort, bâti sur l'Euphrate, y assembla des troupes, et fit réponse aux Chefs de Hierapolis. Voici les propres termes de la lettre.
7. Votre avis serait fort bon et fort sûr, si Chosroes attaquait d'autres peuples que des Romains, et des sujets de l'Empire. Car c'est une folie de chercher le danger, lorsque l'on trouve la sûreté dans le repos. Mais si ce Barbare quitte ce pays, et qu'il aille descendre dans quelque province fertile, et dépourvue de garnisons, sachez qu'il vaudra mieux périr courageusement, que de ne se conserver que par une lâcheté.
Ce ne serait pas se conserver, ce serait trahir l'Etat. Rendez-vous donc à Europe, où j'amasse des troupes, dans le dessein d'entreprendre quelque chose de considérable.
Cette lettre releva le courage de ceux de Hierapolis, si bien, qu'y ayant laissé Juste pour la garder, ils allèrent à Europe avec ce qu'ils avaient de soldats.
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