Les précurseurs
Moïse Hess, théoricien communiste qui eut de l'influence sur le jeune Marx préconise dans ce livre le rétablissement d'une société juive en Palestine sur la modèle de la restauration nationale italienne. Pour Hess, les Juifs ne peuvent, ni ne doivent s'assimiler. Il faut aux Juifs un sol, une identité nationale, et une législation propre. Ce sont les conditions de la mise en oeuvre du socialisme sioniste.
Lire à ce sujet le livre de Jean-Louis Bertocchi : Moise Hesse, Philosophie, communisme et sionime : de la fraternité sociale à la terre du retour
"Moshe Lev Lilienblum est né à Kovno, c’est un écrivain et un journaliste qui a d’abord milité pour la normalisation de la vie juive par l’engagement des juifs dans les activités productives. Suite aux pogroms, il est, parmi les premiers sionistes, l’un des plus radicaux : la diaspora sera liquidée, il faut acheter des terres et obtenir de l’empire ottoman un quasi-gouvernement juif en Palestine." in Akadem, Ilan Greilsammer, le sionisme, PUF, 20007
Les fondateurs du mouvement sioniste
"A la suite du pogrom de Kichinev en 1903, Jabotinsky se lance dans l'action sioniste. II rejoint alors la rédaction du bulletin sioniste de langue russe Razsviet et ses articles font sensation par l'éloquence vibrante et le sens polémique qui les animent. Fervent militant, il organise des unités d'auto-défense destinées à répondre aux nombreux pogroms qui sévissent alors en Russie".
Pour Jabotinsky, le sionisme ne peut s'imposer autrement que par la force. Dans cette analyse , il défend l'idée que les Juifs de Palestine ne pourront assurer le succès de leur projet et leur intégrité physique qu'en édifiant une force armée, le "mur de fer". Zeev Jabotinsky pose une question essentielle : " peut-on toujours atteindre un objectif de paix par des voies pacifiques ?" Il souligne que "c'est un devoir de combattre la phraséologie creuse, de faire la démonstration de ce qu'elle a de purement illusoire et de mettre en lumière sa duplicité" et il avance le fond de sa doctrine sur la relation entre les Juifs sionistes et les Arabes :" Mon espérance et ma foi sont que nous leur accorderons alors des garanties satisfaisantes et que les deux peuples pourront vivre en bon voisinage."
" Durant la Première Guerre mondiale, il conçoit l'idée d'une force de défense juive, la Légion juive, dont il partagera le commandement avec Joseph Trumpeldor.
En 1920, il est à la tête des groupes d’auto-défense à Jérusalem, lors des troubles entre arabes et juifs. Les anglais le condamnent à 15 ans de forteresse à Acco. Devant l'indignation générale, il est libéré le 8 juillet 1920.
En 1921, Jabotinsky est élu membre de l'Organisation sioniste mondiale, mais en 1922 les Britanniques ont cédent la Transjordanie à l'émir Abdallah Ibn Hussein (grand père du roi Hussein.) Jabotinsky s'insurge contre la direction sioniste qui s’est inclinée devant la décision britannique. En 1923 il prend ses distance par rapport à l’Organisation sioniste.
Partisan de l’établissement d’un État juif sur les deux rives du Jourdain et de la lutte armée, Jabotinsky exige qu’une discussion sur le "but final du sionisme" soit mise à l’ordre du jour du 17ème Congrès sioniste. N’y parvenant pas, il démissionne du Congrès sioniste et créé l'Union mondiale des sionistes révisionnistes, fédération sioniste révisionniste et indépendante qui privilégie la lutte nationale et territoriale : fondée sur la "révision" des relations entre le mouvement sioniste et la Grande-Bretagne, cette fédération remet activement en cause la politique britannique et réclame ouvertement l'auto-détermination, c'est-à-dire la création d’un Etat juif.
En 1936-1939, les troubles ensanglantent la Palestine britannique. Jabotinsky exige une opposition active contre les groupes armés arabes. La Hagana refuse. II crée alors l'Irgoun Tzevai Leoumi ("Organisation Militaire Nationale") qui rompt avec la Hagana.
La guerre de 1939-1945 le prend au dépourvu. Il souhaite créer une armée juive, mais il meurt subitement à New York en 1940."
>> Lire aussi : Jabotinsky, la muraille de fer
"Il entend tenir un discours réaliste.
Les réalités de l’existence nationale sont les mêmes pour tous les peuples ; croire que le peuple juif, en vertu d’un certain nombre d’idées éthiques, pourrait exister sous un régime différent, relève selon Klatzkin de l’aveuglement idéaliste. Il serait naïf de penser que des « contenus », c’est-à-dire des idées, fussent-elles originellement juives, le resteraient éternellement en l’absence de formes pour les maintenir dans la possession de la nation juive. C’est pourquoi il martèle qu’« il faut distinguer entre l’existence nationale comme idée et l’existence nationale comme réalité » et que « l’augmentation d’intensité de notre conscience nationale ne signifi e aucunement le renforcement de notre existence nationale ni l’accroissement de notre propriété nationale », car « on n’est pas encore un Juif national quand on est un nationaliste juif
... Le projet sioniste dont Klatzkin appelle de ses voeux la réalisation revendique la normalisation de la condition juive, c’est-à-dire la réconciliation avec les lois générales de la « science » du devenir historique des nations»
Pour lui les Juifs doivent aspirer à un avenir national et éviter l'assimilation du judaïsme dispersé par acquisition d'une nationalité propre. La revendication nationale doit permettre au peuple juif de progresser vers la réalisation de son avenir national" in Jakob Klatzkin: "la philosophie et le sionisme dans les problèmes du judaîsme moderne , Olivier Baisez, études germaniques 64 (2009),3,p643-672
" Il inventa ce terme pour décrire le mouvement créé pour résoudre « la question juive », le problème de persécution des communautés juives, spécialement en Europe de l’Est. Selon lui, les autres tentatives visant à résoudre le problème, y compris l’émancipation et l’assimilation dans les différentes cultures et nations européennes, avaient échoué. Son argument était que le nationalisme était devenu la solution préférée pour les autres peuples, donc pourquoi ne fonctionnerait-il pas pour les Juifs ? Malgré le cadre religieux et historique du peuple juif, le sionisme était à ce stade une force nationale laïque et politique naissante." in David Hulme les fondateurs et les fondements de la pensée sioniste
Élevé dans une famille juive orthodoxe, Strauss, vers l’âge de 17 ans, s’est senti proche des idées et revendications sionistes. Bien qu'attaché au judaïsme orthodoxe, le sionisme lui semblait permettre de préserver la dimension communautaire traditionnelle du judaïsme. Strauss s’est peu à peu rendu compte que le sionisme, parce qu’il impliquait que les Juifs aient à assurer eux-mêmes la sauvegarde de leur vie terrestre, était en rupture avec l’idée orthodoxe selon laquelle le salut du peuple juif dépendait d’une intervention divine.
A 17 ans, Strauss adhère au sionisme politique. Pour des raisons avant tout émotionnelles (ni intellectuelles ni religieuses), il le considère comme le principal instrument de mobilisation contre le rationalisme moderne, qui est à l’origine de la crise de Weimar.
Strauss achève sa formation intellectuelle dans une Allemagne où le sionisme est une réalité consolidée et où le phénomène du « retour » (teshuvah) au judaïsme distingue une large partie de la jeunesse judéo-allemande, qui est insatisfaite du statut juif dans la modernité, notamment face à l'’impasse dans laquelle se trouve la stratégie assimilationniste
Le mouvement sioniste influence profondément Strauss, éveillant sa passion pour l’identité culturelle, la dignité historique et sociale et la responsabilité politique du peuple juif, dans une clé d’opposition radicale à tout ce qui représente le « vieux monde » (libéralisme, bourgeoisie, capitalisme) qui est maintenant terminé.
Entre 1919 et 1922, Strauss fait l’éloge du réalisme politique de Herzl alors même qu’il prononce des critiques considérables contre la version « spiritualiste » et « néo-orthodoxe » de Max Nordau [9]. Il est aussi fortement polémique envers le sionisme culturel d’Asher Ginzberg et Martin Buber, ainsi qu’envers le sionisme religieux de l’organisation Mizrahi, puisque les deux mouvements tentent de concilier, sans succès, le sécularisme politique de Herzl avec le judaïsme traditionnel. Pour le jeune Strauss, il n’y a donc qu’une seule véritable alternative pour les juifs : orthodoxie ou sionisme politique
>> Sur le sionisme de Strauss lire Leo Strauss et le sionisme politique dans l’Allemagne de Weimar, Questions juives et problèmes allemands, Carlo Altini et Leo Strauss, intellectuel du sionisme politique in Retour dans la Caverne de Bruno Quelennec et Leo Strauss et la loyauté des infidèles d'Adrien Louis
C'est souvent à Israël Zangwill, auteur, dramaturge et poète britannique qu'on attribue faussement la phrase "Une terre sans peuple pour un peuple sans terre". Elle est due en fait à un évangeliste , Alexander Keith, en 1843. Israël Zangwill est le fondateur de l'ITO - l'Organisation juive territoriale. Il partage avec les autres membres la conviction que les Juifs doivent avoir un territoire à eux. L'option à leur sens n'implique pas forcément que ce soit en Palestine. Celle-ci est une partie de l'empire ottoman, qui n'entendait pas se défaire du territoire, ni lui accorder une autonomie suffisante pour y établir un foyer juif, pour reprendre les termes de la déclaration Balfour qui interviendra en novembre 1917
Lors du sixième congrès sioniste en 1903, Herzl propose le « Projet Ouganda » à la demande du gouvernement britannique . Le projet Ouganda est analysé et repoussé, le territoire attribué aux Juifs étant à peine suffisant pour accueillir vingt mille personnes, un nombre insignifiant en regard des nécessités que pourraient avoir des centaines de milliers de Juifs, principalement russes. Une très forte minorité, notamment les sionistes russes, s'oppose alors à ce projet. Herlz évite de justesse la scission. Une commission d'enquête est alors chargée d'examiner la faisabilité du projet. Herlz clôture les débats par un extrait du Psaume 137 : « Si je t'oublie Jérusalem, que ma droite s'assèche ! »
L’organisation de Zangwill entama, à plusieurs reprises, des négociations pour la création d’une zone autonome pour les juifs, notamment en Cyrénaïque (partie nord-est de la Libye), en Mésopotamie, sur le plateau de Benguela (Angola) et au Texas.
Le septième congrès sioniste, premier congrès après la mort d'Herzl intervenue le 3 juillet 1904, décide de repousser le projet Ouganda et toute autre alternative à la Palestine. Une importante minorité conduite par l’écrivain Israël Zangwill y avait pourtant défendu la nécessité immédiate d’un territoire juif autonome, et peu importe l’endroit. C'est suite à cet échec, qu'Israël Zangwill quitte l’Organisation sioniste mondiale, en 1905, et fonde l’Organisation juive territorialiste dont le siège est à Londres.
L’Organisation juive territorialiste continue de s’efforcer de trouver d'autres espaces où organiser une implantation juive. L’Angola est l’un de ces espaces, plus précisément le Planalto de Benguela. L’intérêt de Juifs pour les territoires coloniaux portugais remonte à 1886. Abraham Anahory, notable juif de Lisbonne, avait proposé l’Angola, plus précisément la zone des planaltos (hauts-plateaux), comme destination possible pour une immigration juive d’importance. LE projet fut même approuvé par le Sénat portugais le 26 février 1912 mais resta sur le papier,
L'ITO est finalement dissoute en 1925, quelques année après la déclaration Balfour
Médecin puis Journaliste, Nordau est en Hongrie dans un milieu orthodoxe. Nordau se détache du judaïsme et sent Allemand, " et Allemand seulement". L'affaire Dreyfus va le rapprocher du mouvement sioniste. Il confonde avec Herzl l'organisation sioniste mondiale.
"Nordau voit l'émancipation des Juifs comme le résultat d'une pure logique : chaque homme naît avec des droits identiques. Les Juifs sont des êtres humains, donc les Juifs naissent avec les droits des hommes. Cette émancipation est écrite dans les lois européennes, mais est en opposition avec le sentiment populaire. C'est ceci qui explique l'apparente contradiction de l'égalité devant la loi, mais l'existence de l'antisémitisme, et plus particulièrement de l'antisémitisme 'racial' n'est plus basée sur les vieilles croyances religieuses...Selon Élisabeth Roudinesco, l'une des raisons du sionisme de Nordau est la pensée que « le retour à la Terre promise est la seule manière de libérer les juifs européens de l'abâtardissement où les avaient plongés l'antisémitisme et la haine de soi juive.2
... Nordau présente des statistiques pour dépeindre la misère noire des communautés de l'Est et exprime aussi sa croyance dans la destinée du peuple juif en tant qu'état nation démocratique, libre de ce qu'il considère être les contraintes de l'émancipation.
Le discours de Nordau au congrès sioniste mondial fait une analyse du peuple juif et en particulier des stéréotypes sur les Juifs. Il combat l'idée que les Juifs ne sont que des marchands et des hommes d'affaires, argumentant que les innovations financières les plus modernes, telles que les assurances, ont été inventées par les Gentils. Il voit le peuple juif comme ayant un don pour la politique, ce qu'ils ne peuvent pleinement exercer sans avoir leur propre état. À la différence de Herzl qui favorise l'idée d'une politique formée par les élites, Nordau insiste pour que le congrès se dote de règles démocratiques et appelle à voter sur tous les sujets importants.». " wikipedia